Le témoignage de Madame Miwa KAMOSHITA
1 Avant-propos
En novembre 2022 je me trouvais au cimetière chrétien de la Colline de Sion, situé dans mon village natal de la province de Fukushima, ville de Iwaki, lieu-dit Taira Akai, Minami. Il est situé sur le flanc d’une montagne qui surplombe la ville.
Au centre du cimetière, entouré d’arbres aux feuilles rougies par l’automne, se trouve une grande croix en pierre blanche. À l’avant, des pimprenelles fanées. Dans les buissons, des grains de salsepareilles.
Devant ce paysage familier que j’ai pu enfin revoir, des larmes me viennent naturellement. Pourtant, la terre sous mes pieds comporte aujourd’hui encore des centaines de Bq / kg d’éléments radioactifs. Bien que 12 ans plus tôt, lors de l’accident de la centrale nucléaire de Fukushima Dai Ichi, la pollution avait été des dizaines à des centaines de fois plus importante, à Iwaki la ville du département de Fukushima où nous résidions alors, aucun ordre d’évacuation ne fut émis.
Partie avec mes enfants afin d’éviter de nous exposer à des radiations, nous sommes ce qu’on appelle des réfugiés volontaires. Située à Satogaoka dans le département de Fukushima, notre maison était distante de 40 kilomètres de la centrale qui a explosé. Au moment de l’accident, mon fils né en 2002, avait 8 ans, le second, né en 2007 avait 3 ans. Des enfants à l’âge où ils ne tiennent pas en place, incapables au quotidien d’éviter la boue, la poussière, la pluie. Pour les protéger des radiations, la seule solution était de partir, quitte à tenter l’impossible.
2 Expériences en laboratoire avec des substances radioactives
Mon mari Yuya KAMOSHITA et moi, nous sommes rencontrés au laboratoire du département de biotechnologie de l’Université des Sciences de Tokyo. C’était en 1992, j’étais en dernière année, il était en troisième cycle.
Dans ce Laboratoire nous étudions la génétique moléculaire des plantes. Nous explorions alors une séquence génétique particulière (gène mutable) qui provoque soudain une mutation dans l’ADN de ses propres cellules, et nos recherches portaient essentiellement sur la compréhension de ces mécanismes. À l’époque, lors d’expériences impliquant des gènes, il était nécessaire de marquer l’ADN, afin d’identifier la séquence génétique, et des substances radioactives étaient parfois utilisées comme colorants. À cette époque le laboratoire se trouvait dans un autre bâtiment qui était une zone contrôlée ayant une règlementation spéciale, et où nous réalisions nos expériences avec une grande prudence. Nous portions ce qu’on nomme aujourd’hui des verres de protection et nos expériences avaient lieu sous des contrôles stricts, afin bien sûr de s’assurer que nos opérations ne nous exposaient pas à des radiations, et que même en cas d’erreur, des matières radioactives ne s’échappaient pas hors de la zone sous contrôle.
Après une expérience, on s’assurait que ni la paillasse, ni le sol n’étaient contaminés, examinant coins et recoins à l’aide d’un compteur Geiger, et en quittant le bâtiment on changeait, par précaution, blouse et chaussons portés lors de l’expérience, vérifiant également avec un moniteur mains-pied si ceux-ci n’étaient pas contaminés, tout un système qui permettait d’empêcher de sortir à une personne qui aurait été contaminée. Les déchets et restes de produits chimiques utilisés lors d’une expérience qui dépassaient 100 Bk /kg étaient rigoureusement contrôlés et tous placés dans des conteneurs spécifiques, les eaux usées et autres liquides n’étaient pas rejetés comme des eaux usées mais étaient stockés un temps, puis correctement contrôlés jusqu’à une réduction suffisante de la radioactivité.
Jusqu’à ce que cet accident survienne, dans les laboratoires bien entendu, ainsi que dans les hôpitaux, de même qu’à l’intérieur des centrales nucléaires, les matières radioactives étaient ainsi strictement contrôlées. Bien entendu, aujourd’hui encore, ce principe est strictement suivi dans les institutions où l’on manipule des matières radioactives. Pourtant, à la suite de cet accident, une grande partie de l’est du Japon s’est retrouvée gravement contaminée, plus encore que des institutions qui étaient classées en zones de contrôle des radiations. Même dans le service de contrôle des radiations de l’Université des Sciences de Tokyo, dans la préfecture de Chiba, où j’avais autrefois mené des expériences, se produisit en avril 2011 une situation effrayante, lorsqu’en ouvrant la porte pour sortir du laboratoire l’alarme qui signale une contamination radioactive et qui d’habitude ne sonne pas s’est mise à sonner, puis s’est arrêtée quand la porte a été refermée. C’est un fait qui nous a été rapporté par un ancien professeur, commun à mon mari et à moi-même, de notre période universitaire d’étudiante et d’étudiant de troisième cycle, qui devint un sujet brûlant dans la communauté des étudiantes et étudiants de troisième cycle de 2011, et dont nous avons également entendu parler par d’autres personnes. L’air à l’extérieur était infiniment plus contaminé par la radioactivité que l’air à l’intérieur du laboratoire.
C’est de cette façon que notre couple, depuis notre époque universitaire, avait pris connaissance de la dangerosité des matières radioactives et pour nous qui avions rigoureusement géré ce que l’on ne peut voir, nous étions effrayés au point d’en avoir le cœur brisé : pour notre foyer, pour les espaces de jeu des enfants, où se déversent d’énormes quantités de matières radioactives, que les enfants finissent par toucher à mains nues, qui pénètrent leur corps à chaque respiration, qui se déversent sur les champs et dans les rivières, se déplacent avec le vent et la pluie, et qui lorsque le vent souffle sont à nouveau projetées dans l’air avec les poussières.
3 Mon mari jeta le lait dans l’évier
Cela eut lieu vers le 17 mars 2011. À cette époque notre famille s’était réfugiée à Tokyo, mais même à Tokyo, à cause de problèmes de distribution il était difficile de se ravitailler, et ce jour-là j’avais longtemps fait la queue pour réussir enfin à acheter un litre de lait. Ce n’était pas facile de faire la queue en tenant la main d’un petit garçon de trois ans incapable de rester tranquille, mais du fait de nos déplacements continus causés par notre évacuation après l’accident de la centrale nucléaire, je m’inquiétais de ne pas donner un aliment plus nutritif à mes enfants.
Après avoir enfin obtenu le lait, je le ramenai à l’appartement tel un trésor, mais lorsqu’il le vit, mon mari dit avec une expression de dégoût sur son visage, « pourquoi du lait maintenant ? ». Puis prenant le pack de lait il l’ouvrit et le vida entièrement dans l’évier. Lui qui depuis notre mariage n’avait jamais jeté de nourriture jetait du lait qui n’était même pas avarié. C’était invraisemblable, c’était une scène incroyable.
En voyant le lait blanc aspiré en tourbillonnant dans l’évier, je sentis que le monde était en train de changer. Mon mari m’expliqua que lors de l’accident de la centrale de Tchernobyl le lait avait été contaminé, que les vaches laitières qui se nourrissaient de plantes légumineuses et de légumes sont les plus touchées. Un point après l’autre il m’expliqua qu’à partir de maintenant lorsqu’on achètera de la nourriture il sera nécessaire de faire attention au lieu de production, qu’on devrait dès maintenant s’approvisionner en riz et en aliments déshydratés, que les produits de la mer tels les petits poissons de même que ceux de la pêche côtière sont vite contaminés. Expliquant aussi que pour le lait tout comme un grand nombre d’autres produits qui sont élaborés en mélangeant des denrées d’origines multiples, afin d’obtenir une qualité stable, il est difficile d’éviter les produits contaminés.
Ce fut un choc, au point de ressentir que le monde que je connaissais était sens dessus dessous, que tout le lait et les épinards que j’avais donnés aux enfants pour leurs valeurs nutritives, parce que c’était bon pour la santé, tout cela devenait dangereux.
Par la suite, des informations nous parvinrent les unes après les autres, sur les épinards du village de Iitate, sur la contamination de l’eau de la ville de Tokyo, et ce que m’avait dit mon mari devint pour moi une réalité.
De ne plus pouvoir pratiquer nos passe-temps familiaux qu’étaient la cueillette des champignons et des plantes sauvages, que les magnifiques montagnes de Fukushima soient à vue d’oeil lentement contaminées, que jusqu’au compost et au terreau utilisés en agriculture biologique, mis en avant pour la santé, qui sont sensibles à la pollution, tout cela me provoquait un choc énorme. Je ne peux toujours pas oublier les événements de cette journée. Ce lait frais, tourbillon blanc aspiré par l’évier. Alors que ni l’herbe ni les vaches ni les fermes laitières n’étaient coupables, si bien que depuis ce jour où jeter le lait me brisa le cœur, mon monde a perdu ses couleurs.
Sur une vaste étendue de l’est du Japon l’accident de la centrale nucléaire a transformé une quantité innombrable de bonnes choses en poisons dangereux. Cette contamination radioactive ne disparaîtra pas de notre vivant. En vérité je pense que les humains sont incapables de réparer cet accident.
4 Précarité d’une vie de réfugié
4.1 Processus de l’évacuation
La vie de réfugié intensifie les difficultés. Tôt le matin du 12 mars, pour notre famille l’évacuation commença par aller chez mes parents à Yokohama. J’ai réveillé mes enfants tôt le matin et leur ai demandé de préparer seulement trois jouets parmi leurs jouets préférés. Notre voiture familiale, remplie de vêtements de rechanges pour une journée, d’aliments et de boissons, il était impossible de faire emporter aux enfants tous leurs jouets préférés. Ces gamins espiègles de 8 et 3 ans à l’époque, restaient tranquilles dans la voiture, tenant leur jouet dans les bras. Je pense qu’à leur façon les enfants éprouvaient une forte anxiété.
Après avoir séjourné environ deux jours à Yokohama, aidés par les parents de mon mari, nous avons emménagé dans un appartement à Koganei, Tokyo, le 15 mars. Mais nos dépenses augmentaient, et comme je découvris qu’il nous était possible d’entrer dans un centre de secours nous avons pu y emménager fin avril. Fin juin cependant ce centre ayant fermé, nous avons alors trouvé un hébergement hôtelier en centre-ville, puis déménagé le 20 juillet dans un logement de secours situé dans une ancienne résidence officielle de la ville de Tokyo.
4.2 La souffrance de mon mari
Sans indemnisations, ayant besoin d’argent pour continuer à évacuer, mon mari qui était professeur agrégé au lycée de l’Institut National de Technologie de Fukushima, situé dans la ville de Iwaki, est retourné à Fukushima en avril pour reprendre ses fonctions. Le jour de son retour à Iwaki, mon mari me dit : « Même s’il m’arrive quelque chose, je souhaite que tu ne reviennes pas à Iwaki. Et d’ailleurs s’il m’arrivait quelque chose, je te demande d’emmener sans hésiter les enfants et de fuir plus loin vers l’ouest ». Ce furent ses derniers mots à son départ. Ce jour marqua pour notre couple une nouvelle détermination.
À cette époque, mon mari revenu à Iwaki me fit écouter au téléphone le bruit du détecteur à scintillation. Le son de départ ts ts ts ts devient ensuite un chi aigu en continu. C’est quelque chose qui ne devrait pas se trouver dans notre espace de vie. Pour mon mari qui savait le danger, je ne peux qu’imaginer à quel point travailler là-bas était stressant.
Sur son lieu de travail, il nettoyait et rangeait les salles de classes et les laboratoires remplis de poussières suite à des éboulements lors des secousses sismiques, un travail de décontamination quotidien consistant à essuyer tables, chaises, sols et autres avec des chiffons jetables, occupé aussi semble-t-il à un travail de décontamination suite à l’élimination de l’ensemble des plants en culture hydroponique qui avaient été installés sur le toit du bâtiment scolaire. On peut trouver cela exagéré, mais comme, même après avoir chaque jour essuyé les bureaux et autres surfaces, les chiffons mesurés avec un moniteur becquerel affichaient des valeurs très élevées, en tant que professeur qui se doit de protéger ses élèves, mon mari ne pouvait pas cesser cette tâche de décontamination.
D’autre part, parmi ses collègues qui s’inquiétaient de la contamination radioactive, il y eut des départs, certains demandant un transfert volontaire et quittant Fukushima, d’autres démissionnant. Le nombre des enseignants diminuant sans qu’il soit possible d’en recruter de nouveaux, il y eut après l’accident une augmentation des petits travaux sur le lieu de travail et mon mari continua à assumer une lourde tâche.
Malgré cela il vint nous voir le week-end, parcourant la distance des 250 km. Comme je l’ai dit plus haut, assumant une lourde charge de travail, ces allers-retours à Tokyo devaient l’épuiser physiquement. Avide de retrouver sa famille, c’est pour cela je pense qu’il s’acharnait à faire ces allers-retours entre Fukushima et Tokyo. À cette époque je le voyais amaigri à chacune de ses visites, et cela me faisait de la peine quand nos jeunes fils grimpaient sur son dos.
Au printemps 2012 mon mari me raconta sa vie à cette époque à Iwaki. Préoccupé par la contamination de l’eau et des légumes, il ne prenait aucun plaisir à manger. La grande maison vidée de ses occupants et les futons, tout était froid. Dans la salle à manger où le temps semblait s’être arrêté au jour du 11 mars 2011, les jouets du train restaient éparpillés.
Cela lui évoquait ses enfants en train de jouer, et cette vision pénible l’avait empêché de ranger les jouets. Il avait pensé les envoyer, et par précaution les avait essuyés mais comme du césium avait été détecté dans le chiffon il n’avait pas voulu que les enfants les touchent. Et puis, même s’il parvenait à les nettoyer convenablement, le centre de refuge où il les aurait envoyés n’étant pas assez spacieux pour les étaler, il avait finalement renoncé.
J’ai encore le souvenir qu’il riait avec un visage triste en disant « quand ces jouets leurs seraient parvenus, les enfants en auraient déjà fini de jouer au train. Idem pour moi. Au moment de pouvoir vivre tous ensemble, ma présence n’aurait peut-être plus été nécessaire ».
Pourquoi les hommes rient-ils lorsqu’ils sont tristes ? Après l’accident nucléaire, j’ai rencontré un grand nombre de femmes qui racontaient leurs dommages en pleurant, et j’ai pleuré avec elles. Or il y avait très peu d’hommes qui versaient des larmes. Par l’accident de la centrale nucléaire j’ai appris que les garçons à qui on avait enseigné dans l’enfance « qu’un homme ne doit pas pleurer » s’exprimaient en riant de façon masochiste lorsqu’ils étaient accablés par une tristesse et des douleurs insurmontables. 12 années ont passé depuis l’accident. Les dommages perdurent et nous n’avons pas retrouvé notre vie d’avant. Ces temps-ci on voit des femmes qui ont épuisé leurs larmes, et fermé leur cœur, et des hommes qui rient tristement comme s’ils avaient renoncé. Fuir c’est l’enfer, rester c’est aussi l’enfer. Moi, mon souhait est qu’une centrale nucléaire qui a provoqué un accident aussi horrible ne soit plus jamais relancée.
4.3 La souffrance des enfants
D’un autre côté, cet éloignement était douloureux pour les enfants. Quand le dimanche soir arrivait le moment de se quitter, le cadet âgé de 4 ans accompagnait son père avec un grand sourire, en sautant et en répétant « bye bye, bye bye ». Mais dès que la voiture avait disparu, cette voix se transformait en une voix plaintive comme celle d’un violon. Puis il s’enfuyait vers sa chambre, s’engouffrait dans le futon et pleurait. Bien que petit il semble qu’il sentait que le lieu où rentrait son père n’était pas sûr. Il n’était pas seulement triste, et le voir pleurer en silence parce qu’il était anxieux pour son papa me déchirait le cœur.
Il y a un épisode de cette période que je ne peux pas oublier. Un volontaire a accompagné des enfants réfugiés en excursion, et au moment de rentrer a distribué à tous de l’argent de poche pour acheter un souvenir. Parmi tous les enfants qui se sont précipités à l’échoppe des souvenirs, seul mon fils de 4 ans a fait demi-tour et a couru vers moi, le visage tout rouge. Puis, en montrant joyeusement la pièce de 500 yens dans sa petite main il a dit : « cet argent, donne-le à papa », « puisqu’on a de l’argent, ça va aller n’est-ce pas », « papa va arrêter de travailler, on va vivre tous ensemble ».
Un enfant de 4 ans qui venait de recevoir de l’argent pour la première fois de sa vie tentait d’acheter une vie avec son père. Je ne pouvais retenir mes larmes, je ne pouvais qu’étreindre mon fils et dire « pardon ».
D’autre part, après l’évacuation, l’aîné de 8 ans entra bientôt à l’école primaire du quartier. Comme c’était juste après l’évacuation, l’école accueillit chaleureusement mon fils qui n’avait ni cartable ni trousse à crayons. L’enseignant ainsi que ses camarades de classe étaient gentils, et ce premier changement d’école se passa très tranquillement. Mais un jour de la mi-avril cette paix se brisa soudain. Ce fut juste après la publication que la compagnie TEPCO allait octroyer un paiement provisoire de 1 million de yens sur l’indemnisation allouée aux réfugiés des zones évacuées. Soudain plusieurs de ses camarades demandèrent à mon fils de leur rendre leur argent, l’accusant de fautes dont il n’avait aucun souvenir, ayant beau nier ils n’en convenaient pas, et sans rien comprendre il devint victime de harcèlement.
De nombreuses méchancetés furent inscrites sur ses réalisations en travail manuel, pendant les récréations il était mis à l’écart, il reçut des injures. En le croisant on lui donnait un coup de coude, on se moquait de celui qui arrivait de Fukushima. Même pendant les cours, on l’attaquait de façon à ce que l’instituteur ne s’en aperçoive pas, on lui piquait la jambe avec un crayon, on éloignait son pupitre avec les pieds. Ne pouvant plus le supporter il lui serait arrivé de nombreuses fois de quitter la classe en poussant un cri et d’aller se cacher derrière l’escalier. Il finit par avoir des douleurs au ventre et dans le corps, et un matin, il s’accroupit dans l’entrée, incapable d’aller à l’école. J’ai honte de n’avoir absolument rien remarqué d’anormal chez mon fils avant que cela se produise. Tout d’abord l’idée même que mon fils soit victime de harcèlement m’était étrangère, et puis à cette époque la logistique à Tokyo étant chaotique, je m’évertuais à mettre la main sur les produits de première nécessité, accompagnée de mon fils cadet de 4 ans, il me fallait organiser seule notre nouvelle vie dans un centre de réfugiés, et je n’avais aucune disponibilité d’esprit.
Par chance à cette période il était possible pour des réfugiés venus d’ailleurs d’entrer dans un centre d’hébergement de la ville, nous avons alors déménagé dans un centre et j’ai pu inscrire mon fils à l’école primaire proche de ce lieu. Mais peu de temps après, un harcèlement commença dans cette école aussi, harcèlement qui se poursuivit par intermittence, en corollaire avec les informations sur les évacués nucléaires jusqu’à la fin du cycle primaire.
Mon fils disait que cette compréhension erronée « les réfugiés sont des personnes rusées qui reçoivent de l’argent et c’est bien normal qu’ils soient punis », légitimait le harcèlement méprisable de ses camarades de classe. Mon fils qui rentrait chaque jour en pleurant avait des bleus en forme de chaussures sur la poitrine, et aussi des bleus en forme de doigt sur le cou.
Même si grâce aux efforts du professeur principal le harcèlement à l’école s’était calmé, il se poursuivait sur le chemin de l’école et au juku (cours privé après l’école) : on mettait ses chaussures dans l’urinoir, on répandait son bento par terre, on lui disait de boire une boisson contenant des déchets, etc. D’atroces brimades qui se poursuivirent. À cette époque, vivre était pour mon fils si pénible qu’il avait écrit sur une bande de papier lors de la fête de Tanabata « je veux aller au ciel ». Afin de protéger sa vie de ce harcèlement qui ne s’arrêtait pas quoiqu’on fasse, j’ai suggéré qu’il soit baptisé. Parce que le christianisme interdit le suicide.
Plus tard, mon fils m’a dit ceci à propos de cette époque :
« Cela (ne pas pouvoir aller au paradis si l’on se suicide) avait du sens (sans cela j’aurais pu me suicider). C’est parce que je pensais ne pas pouvoir aller au paradis si je me suicidais que lorsqu’on m’a fait tomber dans l’escalier je me suis dit que je pourrai dénoncer l’autre et aller au paradis. Mais au moment où ça arrive, par réflexe je reste passif, et je n’ai pas pu mourir ».
Ayant poursuivi dans un lycée privé éloigné de la circonscription scolaire, il a pu cacher qu’il était un réfugié et par la suite, il n’y eut plus aucun harcèlement. Cependant, le traumatisme gravé à l’époque de l’école primaire était profond, quand il est entré au lycée, une dépression s’est déclarée, et l’étudiant qu’il est aujourd’hui en souffre toujours.
Si seulement l’accident nucléaire ne s’était pas produit nous n’aurions pas été maltraités en tant que réfugiés, notre famille n’aurait pas été séparée, mes fils eux aussi auraient pu profiter sans souci de leur enfance dans le riche environnement naturel de Iwaki. Quand je pense ainsi, des larmes de rancœur me montent aux yeux : si seulement il n’y avait pas eu la centrale.
5 La difficulté d’une évacuation hors zone
Les matières radioactives rejetées par la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi ont largement dépassé les frontières de la préfecture et se sont dispersées dans la majeure partie de l’est du Japon, mais le gouvernement n’a émis d’ordres d’évacuation que dans un petit nombre de zones restreintes. Ainsi, même si aucun ordre d’évacuation ne fut émis, les personnes des zones d’habitation contaminées par la radioactivité ont bien entendu voulu éviter d’être exposées aux radiations.
Mais comme elles n’avaient ni où aller, ni informations, ni argent, il leur était difficile d’évacuer de leur propre initiative. Malgré cela, elles ont voulu permettre au moins aux enfants, vulnérables aux radiations, de fuir. Elles voulaient les protéger d’une exposition aux radiations. C’est ce sentiment pressant qui a poussé de nombreux parents à faire comme nous, partir se réfugier en séparant la famille.
Autrement dit, il a fallu se débrouiller pour trouver de quoi s’exiler, et celui qui faisait vivre la famille est resté à Fukushima, tandis que les enfants et celui qui les élevaient étaient envoyés dans un endroit où la radioactivité était moindre. C’étaient en majorité de jeunes mères et des enfants en bas âge. Il y eut des cas où le couple restait travailler à Fukushima, les grands-parents évacuant avec leurs petits-enfants. Dans d’autres familles, au contraire, les grands-parents restaient à Fukushima et ont soutenu leurs enfants et petits-enfants en leur envoyant de l’argent. Dans tous les cas, tous s’évertuaient à protéger leurs êtres chers d’une exposition aux radiations.
6 Dénigrement dû à une méprise et à de l’incompréhension
La radioactivité est invisible. Même si on possède un appareil de mesure, sans avoir de connaissance et sans connaître les valeurs numériques d’avant l’accident, on ne saura pas la dangerosité.
Du fait qu’il n’y ait pas eu d’ordre d’évacuation du gouvernement, les gens des alentours ont cru que Iwaki n’était pas contaminé, qu’il n’y avait aucun problème, et mon époux qui ne cessait de réclamer une décontamination et une protection contre la radioactivité reçut des injures, fut discriminé, en vint à s’isoler et on commença à le prendre pour un déséquilibré.
7 Incident et démission de mon mari
Un incident se produisit à cette période. Comme je l’ai dit avant, mon mari était professeur agrégé au lycée de l’Institut National de Technologie de Fukushima, où il y avait un dortoir que les professeurs surveillaient à tour de rôle, et mon mari était par hasard de garde en mai 2011 lorsque l’incident eut lieu.
De garde ce jour-là au dortoir des garçons, il reçut un appel téléphonique du professeur responsable du dortoir des filles, disant « il y a une élève qui dort et ne se lève pas pour l’appel du matin ». Pensant que c’était anormal mon mari s’est dépêché d’aller vérifier la chambre de l’étudiante. Mais quand il est arrivé cette étudiante était déjà en arrêt cardiaque. Il a aussitôt appelé une ambulance, demandé à un étudiant d’apporter un DEA (défibrillateur externe automatisé), et a lui-même effectué une réanimation cardiopulmonaire. Mais ni les pulsations cardiaques ni la respiration n’ont repris, et même avec le DEA qui avait été apporté, le défibrillateur n’envoya pas de choc électrique au cœur qui s’était arrêté. L’ambulance arriva mais on lui dit « continuez ainsi », et il poursuivit le massage cardiaque. L’étudiante n’a finalement pas pu être réanimée et sa mort fut constatée à l’hôpital où on l’avait transportée. D’autre part à cette époque il avait signalé au cours d’une réunion un risque d’exposition aux radiations lors des activités du club en extérieur, et il se demanda si les activités du club sur un sol couvert de terre fortement contaminée par la radioactivité n’avaient pas été la cause de la mort d’une jeune fille de 17 ans. Il est évident que la mort de la jeune fille et l’expérience même d’une réanimation cardiorespiratoire lui avaient causé un énorme stress, mais en tant que professeur et scientifique ce qui fut pour lui le plus pénible, c’était de ne pas avoir pu protéger les élèves de l’exposition aux radiations.
Mon mari fut brisé physiquement et mentalement par cette succession d’épreuves.
Un soir de l’été 2011, je reçu sur mon téléphone portable l’appel d’un enseignant qui était son supérieur. Au cours d’une garde de nuit habituelle, mon mari avait brisé à mains nues la porte vitrée du dortoir, provoquant des blessures qui avaient nécessité plusieurs points de suture aux deux mains. Il avait été emmené à l’hôpital et la pose des sutures était à présent terminée, mais était-il raisonnable de le laisser rentrer seul chez lui ? Il me demandait conseil. Je ne pouvais pas imaginer que mon mari, toujours si calme, qui ne haussait jamais la voix, avait pu briser une vitre avec ses mains. Troublée et persuadée que quelque chose de grave avait dû se passer, j’ai demandé que l’on me passe mon mari, et au téléphone sa voix qui semblait extrêmement fatiguée était calme et il dit simplement « Ça va. Pardon. Tout va bien à présent ».
J’ai pensé qu’il n’y avait pas de raison que cela aille bien, mais je n’avais pas de voiture, il n’y avait pas de train à cette heure, et incapable d’imaginer comment me rendre à Fukushima en laissant mes deux enfants en bas âge à Tokyo, j’ai finalement téléphoné au pasteur de l’église à Iwaki qui nous avait aidé, lui demandant d’aller le chercher à l’hôpital. Le pasteur alla le récupérer à l’hôpital, l’invita chez lui, éveilla son appétit, lui proposa de rester.
Plus tard, lorsque j’ai demandé à mon mari pourquoi il avait fait cela, il me répondit avoir découvert que la salle de garde censée être occupée par quelqu’un, était fermée à clef, que la hauteur de la fenêtre empêchait de voir à l’intérieur, qu’il lui avait semblé entendre la voix de quelqu’un qui souffrait à l’intérieur, qu’il avait pensé que s’il ne venait pas rapidement en aide à la personne elle allait mourir, qu’il avait frappé désespérément sur la vitre de la fenêtre si bien qu’elle s’était brisée.
De nouveau, un étudiant de l’internat mourut subitement l’hiver de cette même année. La mort soudaine de jeunes gens qui n’avaient pas d’antécédent médical, qui la veille n’avaient rien d’anormal, était un événement que quiconque, même sans être mon mari, ne pouvait s’empêcher de relier à l’accident de la centrale nucléaire. Sur le lieu de travail de mon mari, les chercheurs étaient nombreux, mais aucun d’eux n’effectuait des recherches sur les rayonnements ionisants. De plus, les professeurs qui réclamaient la décontamination et l’arrêt des activités des clubs en extérieur afin de protéger les étudiants de l’exposition aux radiations, changèrent d’emploi les uns après les autres ou prirent leur retraite, et un an plus tard, mon mari était seul à réclamer la nécessité d’une protection contre les radiations. En conséquence, les professeurs qui étaient restés en vinrent à le traiter comme « une personne stupide qui a une crainte excessive de ce qui n’existe pas ».
À cette époque mon mari faiblissait à vue d’œil. À chacune de nos rencontres, ses cheveux s’éclaircissaient, sa peau prenait l’aspect de celle d’une personne âgée, puis il en vint à moins bien articuler. Il se réveillait très tôt le matin, il semblait ne pas dormir suffisamment. Ne pouvant plus supporter de le voir ainsi, je lui ai proposé de quitter son travail et de vivre avec nous, et deux ans après l’accident mon mari est lui aussi devenu un réfugié.
8 Saignements de nez et science
À propos d’incidents suspects, vers 2011 notamment, dans les centres de refuge ainsi que dans les logements temporaires, de nombreux enfants eurent des saignements de nez. Qui plus est, des saignements sévères comme on n’en avait jamais vu. C’était le cas de mon fils de 8 ans. Soufflé et craché avec vigueur, le sang lui sortait des deux narines et de la bouche. Cotons et mouchoirs ne suffisaient pas, les enfants recueillaient le sang dans le lavabo et dans un sac en plastique. Cela ne se calmait à peine au bout de 30 minutes. Il m’est arrivé de recevoir un appel au milieu de la nuit, d’une jeune maman me demandant comment faire pour arrêter le saignement de sa fille. Les saignements de nez de mon fils furent finalement stoppés grâce à une opération.
Mais en 2014 lorsque la presse parla des saignements de nez, le ministre de l’Environnement se manifesta pour nier tout lien entre l’accident nucléaire et les saignements de nez. Pis encore, les médias, à l’instar d’une chasse aux sorcières, ont exposé les mères qui parlaient des saignements de nez, niant leurs témoignages, les traitant comme si c’étaient des personnes ayant un problème mental. Je fus effarée du déni du gouvernement et des médias, qui sans avoir vu de leurs propres yeux ce qui se passait réellement, démentaient sans écouter, et attaquaient.
La science n’est pas à même de nier ce qui s’est réellement passé. Dans les faits, une enquête épidémiologique menée par une équipe en charge de projet des Universités de Okayama, de Kumamoto Gakuen et d’Hiroshima a révélé qu’il existait des différences significatives dans les saignements de nez de l’époque. Que ce pays nie l’existence de mères qui ont évacué ayant senti un danger en voyant leurs enfants pris de saignements de nez comme elles n’en avaient jamais vu jusque-là, et qu’il ridiculise ces mères, je trouve cela vraiment regrettable.
Par ailleurs, par un ami qui vit du côté de Nakadōri dans la préfecture de Fukushima, j’appris qu’à l’école de son fils il y avait de nombreux enfants atteints de purpura, et que certains avaient même été hospitalisés. En 2022 des enfants souffrant de cancer de la thyroïde engagèrent une action en justice. Quand bien même les scientifiques sélectionnés par le gouvernement ont nié un lien de cause à effet suite à l’accident, dans la réalité, le cancer de la thyroïde est extrêmement rare de façon spontanée chez les enfants, et pourtant le fait que le nombre d’enfants atteints dépasse les 300 cas rien que dans la seule préfecture de Fukushima est une réalité indéniable.
9 Interruption des logements d’urgence et expulsion
En juin 2015, le gouvernement et la préfecture de Fukushima ont annoncé la fin de l’accès à des logements d’urgence pour les réfugiés hors de la zone d’évacuation. Or à la même époque, la station citoyenne de mesure d’Iwaki « tarachine » mesurait les poussières contenues dans les aspirateurs domestiques de la ville, trouvant même en 2015 des valeurs totales de césium 134 et 137 qui dépassaient plusieurs milliers à 10.000 Bk/kg et publiant ces résultats. L’idée de devoir vivre moi et ma famille, dans un tel endroit m’étant insupportable, je négociais avec l’Agence de Reconstruction et le Ministère de l’Environnement et autres, et au motif que même en ville, une forte pollution envahit quotidiennement les intérieurs, je demandais que l’arrêt de la mise à disposition des logements d’urgence ne soit pas appliquée. Mais du côté du gouvernement on s’en tint à répéter que « (par rapport à la période de l’accident) le niveau de radiations ayant suffisamment diminué ( l’arrêt serait maintenu ) ». Lorsque j’ai dit que « juste après l’accident c’était tout simplement abominable, et que comparée à la situation d’avant l’accident la situation actuelle est toujours épouvantable », on m’a fait cette réponse stupéfiante : « Comme il n’y a pas de données (enregistrées) d’avant l’accident, il n’est pas possible de comparer ».
Il est bien entendu impensable qu’il n’existe pas de données antérieures à l’accident. Jusqu’à l’accident de la centrale, une brochure intitulée « Atome Fukushima », publiée bimensuellement par l’Association de Relations Publiques pour la Centrale Nucléaire de la préfecture de Fukushima, circulait dans notre circonscription. Des mesures de radioactivité des terres, des produits agricoles, des produits marins et autres autour de la centrale y étaient régulièrement rapportées, comme par exemple, pour du césium 137 dans les sols, on nous indiquait que la valeur numérique se situait autour de 20 Bq/kg.
Par comparaison, on peut constater que la quantité de poussière à l’intérieur d’un aspirateur est des centaines de fois supérieure à celle d’avant l’accident. En dépit de cela, ignorant les chiffres d’avant l’accident et affirmant qu’il n’y avait plus de problème étant donné une baisse significative par rapport aux chiffres juste après l’accident, l’argument du gouvernement était sans fondement et totalement inacceptable. Engager des poursuites ne faisant pas bouger le gouvernement, nous nous sommes adressés directement aux Nations Unies et au Pape. En avril 2018 nous avons prononcé, en tant que réfugiés de l’accident de la centrale nucléaire, un discours au Conseil des droits de l’homme des Nations unies, et organisé aussi un événement parallèle. Puis, à l’automne de la même année, nous avons exprimé notre souffrance dans une lettre adressé au Pape. L’année suivante, lors de la visite du Pape au Japon, mon fils aîné a prononcé un discours en sa présence. Mais notre pays n’a pas su faire front aux recommandations des Nations Unies, et n’a pas prêté attention au sermon du Pape.
Par ailleurs, en juin 2022, la Cour Suprême du Japon a rejeté la responsabilité de l’État dans la catastrophe, ce qui est une sentence extrêmement irresponsable. Où est donc la justice, où sont les droits de l’homme ?
10 Effets des radiations sur la santé
Il n’existe pas d’exposition sûre. Les effets des radiations sur le corps humain sont stochastiques (de l’ordre du probable). Une faible exposition n’est pas rassurante, et quand bien même la probabilité serait faible il y aura inévitablement un dommage.
Pourtant le gouvernement a complètement ignoré la probabilité de ces dommages.
La plupart des gens ne savent pas qu’aujourd’hui encore, suite à l’accident de la centrale nucléaire, la contamination des sols est supérieure à 100 Bq/kg sur une vaste zone de l’est du Japon. Avant l’accident ce niveau de contamination aurait nécessité une gestion rigoureuse avec stockage en fûts de couleur jaune, alors qu’à présent la contamination s’étend dans les régions du Tōhoku et du Kantō, l’information sur cette dangerosité ne se faisant pas correctement, cette exposition aux radiations est sans limite. Est-il acceptable d’exploiter des centrales nucléaires dans un pays dont l’irresponsabilité est extrême ?
Actuellement, si une maladie due à une faible dose de radioactivité se déclare, la cause demeure inconnue. On la met sur le compte des habitudes de vie. Le nombre de ces « personnes malchanceuses » augmente doucement et progressivement. La demi-vie du césium 137 est de 30 ans. Même après la mort de tous les êtres vivants qui sont ici aujourd’hui, la radioactivité éparpillée par la centrale nucléaire de Fukushima continuera à ronger discrètement la vie.
11 Pour finir
Nous avons été harcelés et discriminés à cause de « rumeurs » totalement fausses, telles que « les réfugiés de l’accident de la centrale nucléaire ont été largement indemnisés, ils sont logés dans de nouvelles maisons et vivent dans le luxe ». Mon fils souffre toujours du cruel harcèlement dont il a été victime à l’époque. En supposant qu’une compensation importante ait été reçue, cela ne suffirait pas à retrouver une vie volée, de même que leur a été volée la liberté de laisser échapper ne serait-ce que le seul mot « je souffre ». De l’argent devenu distorsion du fait de la centrale nucléaire ne saurait apporter le bonheur aux gens.
Nous les victimes, du seul fait que notre particularité soit connue nous expose à la discrimination.
Si on se plaint du préjudice, on est accusé d’être des colporteurs de rumeurs qui entravent la reconstruction. Si en plus on intente une action ou autre en révélant et son nom et son visage, on est décriés par les voisins et les proches, parfois même par des membres de la famille, et on perd sa vie d’avant. Malgré cela, si les victimes protestent c’est parce qu’il y a un excès d’injustice et d’absurdité. Et parce qu’un grand nombre de personnes souffrent pareillement. Si des personnes exposées à la pluie noire, ainsi que des enfants atteints de cancer de la thyroïde ont intenté des poursuites, c’est parce que d’autres souffraient également. Nos voix de victimes sont des avertissements pour l’avenir.
Dans le cimetière mentionné au début de ce plaidoyer, on trouve encore un espace herbeux sans pierre tombale. C’est là que je dormirai un jour. Quand je mourrai, je retournerai à Fukushima. Du jour où j’ai pris cette décision, je me suis sentie un peu soulagée. Je veux rentrer, cela fait 12 ans que je retiens ces mots. Même si ce n’est pas l’endroit où je suis née, Fukushima est encore aujourd’hui ma ville natale, celle où j’ai épousé mon mari, construit notre première maison, où les enfants sont nés, Fukushima qui nous a apporté tant de bonheur.
Je souhaite que plus personne d’autre, plus jamais, n’ait à connaître notre expérience. Que le pays ne soit pas davantage contaminé par une centrale, que la vie des gens ne soit pas affectée.
Mes prières accompagnent mon opposition à l’exploitation de toutes les centrales nucléaires.
Fin
Il m’a semblé important de publier le témoignage de Madame Miwa KAMOSHITA dans mon blog, pour que les mots nous traversent et que nous en soyons les dépositaires, chacun à notre manière. Ce texte a été relayé vers moi par Madame Yuko HIROTA.
1 はじめに
20 2 2年1 1月、私はふるさとの福島県いわき市平赤井南茨にあるシオンの丘というクリスチャン共同墓地にいました。
市内を見渡せる高い山の中腹。
征葉した木々に囲まれた墓地の中央には、大きな白い石の十字架。
手前には花を終えた吾亦紅(ワレモコウ)。茂みには赤い山帰来(サンキライ)の実。
やっと訪れることができだ壊かしい風景に、自然と涙が溢れました。
しかしその足元の土には、今でも数千Bq/kgの放射性物質が含まれているのです。
1 2年前の福島第一原発事故当時は、その数十倍から数百倍の汚染があったにも関わらず、私たちの住んでいた福島県いわき市には、一度も避難指示が出されませんでした。
私は、被曝を逃れるために子どもたちを連れて避難した、いわゆる自主避難者です。家があった福島県いわき市郷ヶ丘は、爆発した原発から南に4 0km(添付資料1ー地図(原告の居住地))。事故当時、2 0 0 2年に生まれた長男は8歳、2 0 0 7年に生まれた次男は3歳。ひとときもじっとしていられないような、やんちゃ盛りの子どもたちに、泥や埃や雨を避けるような生活ができるわけもありません。
彼らを放射線被曝から守るためには、無理をしてでも、避難するしかなかったのです。
2 放射性物質を扱う施設で実験を行う
私と夫の鴨下祐也は、東京理科大学基礎工学部生物工学科の研究室で出会いました。私が大学4年生だった1 9 9 2年のことで、夫は大学院生でした。
その研究室では、植物の分子遺伝学を研究していました。自らの体細胞のDNAに突然変異を起こさせる特殊な遺伝子配列(易変因子)を探査したり、そのメカニズムを解明したりするような研究が中心でした。当時、遺伝子を扱う実験では、遺伝子の配列を確認するためDNAを標識する必要があり、いわばその染料として放射性物質を使用することもありました。
その際は、研究棟とは別棟の放射線管理区域に指定された建物の中で、細心の注意を払って実験を行いました。今でいうガラスバッジを付け、自分が被曝しないための操作はもちろん、間違っても管理区域の外へ放射性物質を持ち出さないために、厳しく管理された中で実験を行っていました。
実験後にはガイガーカウンターで、実験台や床が汚染していないか、くまなく調べ、管理棟から外へ出る際には、実験で使った白衣やスリッパは念のため着替え、ハンドフットモニターで手足が汚染していないかも確認し、汚染がある人は外へ出られない仕組みになっていました。
実験で用いた薬剤の残りやゴミなどは、1 0 0 Bq/kg以上のものは全て専用の容器に入れて厳重に管理し、流しの排水なども下水には流さず一旦貯水し、十分に放射能が減衰するまできちんと管理されていました。
あの事故が起こるまで、研究室はもちろん、病院や、原発の敷地内であっても、放射性物質はそのように厳密に管理されてきました。もちろん現在でも、この原則は放射性物質を扱う施設では厳密に守られています。
しかしあの事故によって、東日本の広い範囲が、そのような放射線管理区域に指定された施設の中よりも、酷い汚染状況になりました。かつて私が実験を行っていた千葉県内にある東京理科大学の放射線管理施設でも、2 0 1 1年の春には、管理棟から外へ出る扉を開くと、普段は鳴らない放射能汚染を知らせる警告音が鳴り響き、扉を閉めると警告音が鳴り止む、という恐ろしい状況になりました。私たち夫婦の学生・大学院生時代の恩師の教授から教えていただいた話ですが、2 0 1 1年当時の大学生や大学院生たちの間では大変な話題になっていて、他の人からも同様の話を聞きました。実験棟の中の空気よりも、外の風の方が、遥かに放射能汚染していたのです。このように、学生の頃から放射性物質の危険性を学び、見えないそれを厳重に管理してきた私たち夫婦にとって、自分の家や、子どもたちが遊ぶ場所に、大量の放射性物質が降り注ぎ、子どもたちが素手で触れられるようになってしまったこと、呼吸するたびに体内に入ってくる状況になったこと、農地や河川に降り注いだこと、また風雨で移動し、風が吹けば土埃と共に再び空中に舞い上がる状態になってしまったことは、心が壊れる程の恐怖でした。
3 夫は牛乳を流しに捨てた
2011年の3月17日頃のことです。当時、私たち家族は東京に避難していましたが、東京でも物流の混乱から食料が手に入りにくく、私はその日、長いこと列に並んでやっとlLの牛乳を買いました。じっとしていられない3歳の男の子の手を握ったまま列に並ぶのは容易ではありませんでしたが、原発事故後、避難による混乱と移動が続き、子どもたちにあまり栄養のあるものを食べさせてやれていないことが、気になっていたからです。
やっとのことで牛乳を手に入れ、宝物のようにアパートに持ち帰ると、夫がそれを見て、何とも言えない苦々しい表情で 『なんで今、牛乳なんだよ』、と言ったのです。そして、牛乳のパックを手に取ると、開封し、全てを流しに棄てました。結婚以来、一度も食べ物を捨てたことが無かった夫が、傷んでもいない牛乳を捨てている。ありえないこと、信じられない光景でした。
私は、くるくると渦を巻きながら流しに吸い込まれていく白い牛乳を見ながら、世界が変わっていくと感じました。
夫は、チェルノブイリ原発事故でも牛乳が汚染したこと、草を餌にする乳牛や葉物野菜は、もっとも影響を受けやすいのだと教えてくれました。そして、これからは食品を買う際は、産地に気を付ける必要があること、米や乾物は今のうちに買っておくべきこと、海産物はまず小魚が、そして沿岸の魚が汚染しやすいことなど、順に話してくれました。また、牛乳など多くの食品は、品質の安定のために、元来複数の産地のものを混ぜて作られているので、汚染したものを避けにくいのだ、ということも。
健康のため、栄養があるからと、進んで子どもたちに与えていた牛乳やほうれん草、小魚などが、危険なものになってしまったことは、私にとって世界がひっくり返ってしまったと感じるくらいの衝撃でした。
やがて、飯舘村のほうれん草や、東京都の水道の汚染が相次いで報道されるようになり、この時に夫が話してくれたことが、現実だったことが突き付けられました。
一家の趣味だったキノコ狩りや山菜狩りも、もう出来ないということ、美しかった福島の山々が、見た目はそのままに静かに汚染されてしてしまったこと、健康のために推進される、たい肥や腐葉土を使った有機農法こそが汚染を受けやすいことなどを知り、深くショックを受けました。
私はこの日の出来事を今でも忘れることができません。白く渦を巻きながら、くるくると流しに吸い込まれていった新鮮な牛乳。草にも牛にも酪農家にも罪は無いのに、胸が張り裂けそうな思いで牛乳を棄てたあの日から、私の世界は色を失いました。
東日本の広い範囲で、無数の良いものが危険な毒物に変わってしまった原発事故。その放射能汚染は、私たちが生きているうちには消えません。本当の意味で、あの事故を償うことなど、人間には出来ないのだと思っています。
4 過酷な避難生活
(1) 避難の経過
避難生活は困難を極めました。
3月1 2日の早朝,私たち家族は,まず、私の横浜の実家に向けて避難を開始しました。私は,夜も明けぬうちに子どもたちを起こし,たくさんあるお気に入りのおもちゃの中から3つだけ用意するように言いました。我が家の自家用車には, 1日分の着替えと飲食物が詰め込まれていて,子どもたちの好きなおもちゃ全てを持って行かせることはできなかったのです。当時,8歳と3歳というやんちゃ盛りだった子どもたちが,車の中ではおもちゃを抱え,じっと静かにしていました。子どもたちなりに強い不安を感じていたのだと思います。
横浜に2日ほど滞在した後,私たちは,夫の実家の助けを借りて、3月1 5日に東京・小金井のアパートに引っ越しました。しかし、出費がかさみ、その後、都内の避難所に入れることが分かったため、4月の末にやっと避難所に入りました。ところが6月末にその避難所が閉鎖になったので、今度は都内の宿泊施設に滞在し、7月2 0日には都内の古い官舎の避難住宅へ移転しました。
(2) 夫の苦しみ
賠償金の出ない私たちには、避難の継続のためのお金が必要なので、福島県いわき市にある国立福島工業高等専門学校の准教授だった夫は、4月には福島へ戻って業務を再開しました。いわきへ戻る日、夫は 『もしも僕に何か起きても、決して(いわきに)戻ってこないでほしい。
むしろ何か起きたら、迷わず子どもたちを連れて、もっと西に逃げてほしい』と言い残して立ちました。この日は私たち夫婦にとって、新たな覚悟の日となりました。
当時、いわきに戻った夫が電話越しに、シンチレーションデイテクターの音を聞かせてくれたことがあります。チチチチという検出音が、やがてチーーーーという鳴りっぱなしの甲高い音に変わります。生活空間にあってはならないものがそこにある。その危険を知る夫にとって、そこで働くことがどれだけのストレスであったか、想像に余りあります。
職場では、地震で崩れたり埃だらけになった教室や研究室の掃除や片付け、毎日、使い捨ての雑巾で机や椅子、床などを拭く除染作業、校舎の屋上に設けていた水耕栽培の野菜のプラントを全て廃棄した上での除染作業などに追われていたそうです。大げさに聞こえるかもしれませんが、毎日机などを拭いても、拭き上げた後の雑巾をベクレルモニターで測定すると明らかに高い数値が出ていたのですから、生徒を守るべき立場にある教職にあった夫としては除染作業をやめることはできませんでした。
また、放射能汚染を心配する同僚の中には自主的に異動を申し出て福島を離れたり、退職したりして職場を去って行く人もいました。しかし、教員数が減ってもすぐに新しい教員が補充されるわけでもないため、事故後の職場では負担する雑務も増え、夫は激務が続いていました。
それでも夫は週末には、車で2 5 0kmの道のりを飛ばして、私たちに会いに来てくれました。
前述したように、事故後、激務が続いていましたので、体力的にも東京との往復は辛かったはずです。それでも家族に会いたい一心で、必死に福島と東京を往復していたのだと思います。
当時は、会うたびに夫が痩せていくのがわかり、その背中に幼い息子達がよじ登るのも、痛々しく感じました。
2 0 1 2年の春、夫が当時のいわきでの暮らしを語ってくれたことがあります。水や野菜の汚染が気になって、食事が全く楽しめなくなったこと。誰も居なくなった広い家や布団が冷え切っていること。3月1 1日のまま、時が止まったようにリビングには、電車のおもちゃが散らばったままになっていること。それで遊んでいた息子達の姿が目に浮かび、つらくて片付けられなかったこと。届けてあげようと、念のためおもちゃを拭いた不織布から放射性セシウムが検出され、子どもに触らせたくないと思ったこと。そしてどんなにきれいに拭いても、それを届けるべき避難所は、おもちゃを広げられる程広くなかったので、結局あきらめるしかな
かったこと。
夫がそんなことを話しながら、『あのおもちゃを届けられる頃には、もう電車なんか卒業しちゃってるんじゃないかな。僕も同じ。一緒に暮らせるようになる頃には、もう僕は必要とされなくなっているかもしれない』と、寂しく笑った顔を今でも覚えています。
何故、男性は悲しい時に笑うのでしょう。原発事故以来、涙ながらに被害を語る女性には沢山出会い、私も一緒に泣いてきまし。でも、涙を流す男性は本当にわずかでした。幼い頃から『男は泣くな』と育てられてきた男性たちは、耐えきれない程の苦しみや悲しみを抱えたとき、自虐的に笑いながら話すのだということを、私は原発事故で知りました。事故から1 2年。未だ被害は続き、私たちは元の生活を取り戻せていません。最近見るのは、涙も尽きて、心を閉ざした女性たちや、諦めたように寂しく笑う男性たち。逃げても地獄、残っても地獄。こんな残酷な事故を起こした原発を、私はもう二度と動かして欲しくないのです。
(3) 子どもたちの苦しみ
一方、離れて暮らす子どもたちも、辛い思いをしていました。日曜の夜、別れのときになると、4歳になった次男は満面の笑顔で、ジャンプしながら『ばいば~い、ばいば~い』と父を見送ります。しかし、父の車が見えなくなった途端に、その声が裏返り、バイオリンのような泣き声に変わるのです。そして一目散に部屋に駆け戻り、布団にもぐって泣くのでした。幼いながらに、父の帰る先が安全ではないことを感じ取っていた様でした。寂しさだけでなく、父を案じて声を殺して泣く姿に、胸がつぶれる想いでした。
この頃の忘れられない出来事があります。ボランティアが避難児童を遠足に連れて行ってくれたのですが、帰るときになって全員に、お土産を買うためにお小遣いが配られました。みんなが一斉に土産物コーナーに走っていく中、4歳の次男だけが回れ右をして、顔を上気させて私のところに走ってきました。そして小さな手の中の5 0 0円玉を嬉しそうに差し出して、『このおかね、おとうさんにあげて』
『ね、おかねあるから、もうだいじょうぶ』
『おとうさん、おしごとやめて、いっしょにみんなでくらそう』
4歳の子が、生まれて初めて手にしたお金で買おうとしたのは、お父さんとの暮らしでした。
私は涙が止まらず、ただ息子を抱きしめて『ごめんね』としか言えませんでした。
一方、8歳だった長男は、避難後、程なくして都内の小学校に転入しました。避難直後でランドセルも筆箱も無い息子を、学校は温かく迎えてくれました。先生も級友たちも優しく、初めての転校は、とても穏やかに始まりました。しかし4月の中旬のある日、その平和は突然崩れました。丁度、東京電力が避難指示区域の避難者に百万円の賠償金の仮払いをする、という報道が流れた直後でした。突然複数の級友から、金を返せと身に覚えのない罪で責められ、どんなに否定しても認めてもらえず、わけもわからぬうちに、息子はいじめの対象にされていきました。図工のエ作には無数の悪口が書きこまれ、休み時間には仲間外れにされ、罵声を浴びました。すれ違いざまに小突かれたり、福島の奴と、からかわれるようにもなりました。授業中も、先生に見えない形で攻撃され、足を鉛筆で刺されたり、足で机を離されたりしました。それらに耐え切れず、悲鳴を上げて教室から飛び出し、階段の陰に隠れたことも複数回あったそうです。やがて、お腹や体が痛くなるようになり、ある朝、ついに玄関でうずくまって学校へ行けなくなりました。恥ずかしいことに、そうなるまで私は息子の異変に全く気づきませんでした。そもそも、息子がいじめられるという発想自体がありませんでしたし、当時は、都内の物流も混乱していて、生活必需品を入手するだけで精一杯の中、4歳の次男を連れて避難先の新生活をひとりで立ち上げなければならず、全く余裕がなかったのです。
偶然その頃、都内の避難所に区域外避難者も入れることになったので、私たちは避難所へと転居し、息子を避難所のそばの小学校へと転校させました。しかし、程なく次の学校でもいじめが始まり、原発避難者報道と連動するように、断続的に小学校を卒業するまで、いじめは続きました。『避難者は金を貰っているズルい奴らだから成敗されて当然』、という誤った認識が、級友たちの卑劣ないじめを正当化させていた、と息子は語ります。毎日泣きながら帰ってくる息子には、胸に靴の形のあざができていたり、首に指の形のあざが出来ていたこともありました。担任の努力で学校でのいじめが沈静化しても、今度は通学路や塾でいじめが起き、便器に履物を入れられたり、弁当を床に撒かれたり、ゴミを入れた飲料を飲めと言われるなど、凄惨ないじめが続きました。当時の息子は、七夕の短冊に『天国へ行きたい』と書いたほど、生きることを苦しく思っていました。私は、何をしても止まないいじめから、せめて息子の命を守りたくて、息子に洗礼を受けることを勧めました。キリスト教が自殺を禁じていたからです。
後に息子から、その頃のことを以下の様に言われました。
『あれ(自殺したら天国へ行けない)は、意味があったよ(あれが無かったら自殺していたかもしれない)。自殺したら天国へ行けないと思っていたから、階段から突き落とされた時は、このまま落下すれば、相手を告発できるし、自分は天国へ行けると思った。でも、いざとなると反射的に受け身を取ってしまうので、死ねなかったけど』
息子は学区から遠く離れた私立中学に進学し、それを期に、避難者であることを隠すようになり、以降いじめは全く起きなくなりました。しかし小学校時代に刻まれたトラウマは根深く、息子は高校生になってから鬱を発症し、大学生になった今もまだ苦しんでいます。
私たちは、原発事故さえなければ、避難者と罵られることもなく、家族がバラバラになることもなく、息子達も、いわきの豊かな自然の中で、のびのびと少年時代を満喫できたはずです。
それを思うにつけ、原発さえなければ、と、悔し涙が溢れます。
5 区域外避難という困難
福島第一原発から噴出された放射性物質は、県境をはるかに越えて、広く東日本にまき散らされましたが、政府が避難指示を出したのはごく一部の狭い区域に限られました(添付資料2ー福島県地図(避難指示区域)とNPO法人みんなのデータサイトの2 0 2 2年の東日本ベクレル測定マップを重ね合わせたもの)。
そのため、避難指示は出なくても生活圏を放射能汚染された人たちは、当然被曝を回避したいと望みました。でも、行く当ても、情報も、お金も無い状態で、自力で避難することは容易ではありませんでした。それでも、せめて被曝に脆弱な子どもだけでも逃がしたい。放射線被曝から守りたい。そんな切実な思いから、多くの親たちが、私たちのように家族がバラバラにな
る形の避難を決意しました。
つまり、避難の費用を捻出するために、生計者が福島に残り、子どもたちとその養育者を、少しでも放射能の少ない場所へと送り出したのです。多くの場合、それは若い母と幼い子どもたちでした。夫婦が福島に残って働き、祖父母が孫を速れて避難したケースもあります。逆に祖父母が福島に残り、子や孫を仕送りで支えた世帯もあります。
とにかく皆必死で、愛する家族を被曝から守ろうとしたのです。
6 誤解と無理解に起因するバッシング
放射能は目に見えません。仮に測定機器があっても、知識と事故前の数値を知らなければ、その危険性はわかりません。
国の避難指示が無かったこともあり、いわきは汚染などしていない、全く問題がない、と信じ
ている周囲の人たちの中で、除染や被曝防護を訴え続けた夫は、罵声を浴び、差別を受け、次
第に孤立し、頭のおかしい人と、思われるようになっていきました。
7 事件と夫の退職
そんな折にある事件が起こりました。夫は、前述のとおり、国立福島高専の准教授で、高専には学生寮があったため、教官は持ち回りで寮監を務めていましたが、たまたま夫が寮の宿直だった2 0 1 1年の5月に、その事件は起こりました。
その日、夫は男子寮の宿直でしたが、女子寮の担当だった先生から、『ひとり、寝ていて、朝の点呼に起きてこない生徒がいる』、という電話がきたのです。これは尋常ではないと思った夫は、急いでその生徒の部屋に確認に行きました。しかし、夫が到着した時点で、その学生は既に心肺停止の状態でした。夫は急いで救急車を呼び、AED(自動体外式除細動器)を持ってくるように学生に指示を出し、自らは心肺蘇生を行いました。しかし心拍や呼吸は再開せず、運ばれてきたAEDを装着しても、停止したままの心臓に、除細動装置が電気ショックを送ることもありませんでした。やがて救急隊員が到着しましたが、『そのまま続けてください』と言われたため、夫は心臓マッサージを続けました。しかし結局、その学生の蘇生はできず、そのまま搬送先の病院で死亡が確認されました。
前日まで元気に部活動をしていた学生の急逝に、誰もがショックを受けました。結局、事件性が無いため司法解剖も行われず、この学生の死因はわからないままでしたが、夫はチェルノブイリ原発事故の時に、子どもたちの突然死が問題になったことを思い出していました。また当時の夫は、屋外での部活動に被曝の危険があることを会議で訴えていましたので、激しく放射能汚染した土にまみれる部活動が、1 7歳の少女の死を招いたのではないか、と思った様です。
もちろん、少女の死や心肺蘇生の体験自体も、大きなストレスだったと思いますが、教官として科学者として、学生たちを被曝から守れなかったことを、何より苦しく感じた様です。
こんな経験も重なって、夫は心身共に壊れていきました。2 0 1 1年の夏のある夜、夫の上司にあたる先生から、私の携帯に電話が入りました。例によって宿直中に、夫が寮の部屋のドアのガラスを素手で割り、両手に数針ずつ縫う怪我をしたというのです。病院に運び、今、縫合が終わったが、このまま1人で家に帰らせても良いだろうか? という相談でした。
日ごろから声を荒げることも無い、いつも穏やかな夫が、手でガラスを割るなど考えられないことでした。余程のことがあったに違いないと動揺しながら、電話を夫に代わってもらうと、電話口の夫の声は酷く疲れた風ではありましたが、落ち着いており、ただ静かに『大丈夫だから。ごめんね。もう、大丈夫だから』と、言っていました。
私は、大丈夫なわけないじゃないか、と思いましたが、自家用車も無い状態で、もう電車も無い時刻に、幼い子供を東京に残したまま自分が福島まで行く方法も思いつかず、結局、いわきでお世話になっていた教会の牧師さんに、病院まで迎えに行ってもらうように電話でお願いしました。牧師は病院に夫を迎えに行った後、家に夫を招き、食事を促し、泊まっていくように勧めてくれたそうです。
後に夫に、何故あんなことをしたのか、と聞いたところ、人がいるはずの宿直室が施錠されていて、窓が高く中の様子が見えなかったが、中から人が苦しんでいるような声が聞こえた様に感じたため、早く助けないと中の人が死んでしまうのではないかと思い、必死で窓のガラスを叩いているうちに割ってしまった、と話してくれました。
更にこの年の冬にも、もうひとり、寮生が突然亡くなりました。健康で、既往症もなく、直前まで何の異変もなかった子どもたちの突然の死は、夫でなくても、原発事故との関連を考えずにはいられない出来事だったと思います。
夫の職場は研究者が多くいましたが、放射線を扱う研究をする人はあまりいませんでした。また、学生たちを被曝から守ろうと、除染や屋外部活動の休止を訴えていた先生たちは、結局その後、次々に転職もしくは退職してしまい、一年後には被曝防護の必要性を訴える人は、夫だけになっていました。そのため、残った教官たちは、『無いものを過剰に怖がる頭の悪い人間』であるかの様に夫を扱うようになりました。
この頃から、夫が目に見えて弱っていきました。会うたびに髪が減り、皮膚が年寄りのようになり、やがてろれつがまわらなくなりました。早朝に目が覚めてしまい、あまり睡眠もとれていない様でした。見るに見かねた私は、夫に仕事を辞めて一緒に暮らすことを提案し、事故から2年後に、夫も避難者となりました。
8 鼻血と科学
不審な出来事と言えば、2 0 1 1年の頃は特に、避難所や避難住宅では、鼻血を出す子が多くいました。それも、見たことのない程、酷い鼻血です。 8歳の長男も、そのひとりでした。
吹くような、吐くような勢いで、鼻血が両鼻から出たり、口からも出る。綿やティッシュでは追い付かず、洗面器やレジ袋で、流れ出る血を受ける子どもたち。それが3 0分経っても治まらない。深夜に、若い母親から、どうやったら娘の鼻血を止められるのかと相談を受けたこともあります。結局、息子は手術で鼻血を止めました。
しかし2 0 1 4年に鼻血がニュースで取り沙汰された際には、環境大臣まで出てきて、原発事故と鼻血の関係を否定しました。そればかりか、メディアはまるで魔女狩りの様に、鼻血が出たと言う母親を晒しては、その証言を否定し、まるで精神に問題がある人であるかのように扱いました。私は、現実にあったことを、それを目で見ていない政府やメディアが頭ごなしに否定し、攻撃することを、非常に恐ろしく感じました。
科学は現実に起きていたことを否定できるものではありません。実際に、岡山大・熊本学園大・広島大らのプロジェクトチームによる疫学的調査でも、当時の鼻血には有意差があることが認められています。見たこともないような酷い鼻血を出す我が子を見て、危険を感じて避難した母親たちの存在を、否定し、嘲笑するこの国を、私は大変残念に思います。
一方、福島県の中通りで暮らす友人からは、息子の学校には紫斑病の子が多く、入院してしまった子もいる、という話も聞きました。2 0 2 2年には小児甲状腺がんを患った子どもたちが原告となった裁判も起きています。政府に選ばれた学者たちが、事故との因果関係を否定したとしても、現実に、自然発生では非常に稀な小児甲状腺がんに罹患している子どもたちが、福島県内だけで3 0 0人を超えていることは、動かしようのない事実です。
9 避難住宅の打ち切りと追い出し
2 0 1 5年6月、国と福島県は、区域外避難者への避難住宅提供の打ち切りを発表しました。
しかし同じころ、いわき市内の市民測定所『たらちね』では、市内の家庭用掃除機のダストを測定しており、そのセシウム1 3 4と
1 3 7の合計の数値が、2 0 1 5年でも数千~ 1万Bq/kgを越えている、という測定結果を公表していました。そんな場所に、自分や家族が暮らさねばならないなど、耐えられないと思いましたので、私は復興庁や環境省などと交渉を行い、室内にさえもまだ酷い汚染が日常的に侵入している状況なのだから、避難住宅の打ち切りは行わないで欲しいと訴えました。
しかし政府側は、『(事故当時に比べ)十分に線量が下がったから(打ち切りは行う)』と繰り返すのです。『それは事故直後が酷すぎただけで、事故前に比べれば、今でも酷い汚染状況であることは変わらない』、と言ったところ、『事故前のデータは(記録が)無いので比較できません』と、驚くべき返事が返ってきました。
もちろん事故前のデータが無いわけはありません。原発事故が起こるまで、私たちの避難元には、福島県原子力広報協会が隔月で発行する『アトムふくしま』という冊子が回覧されていました。そこには、原発周辺などの陸土や農産物、海産物などの放射能測定値も定期的に掲載されており、例えば陸土のセシウム1 3 7であれば、2 0 Bq/kg前後、という数値が示されていました。それと比較すれば、掃除機の中にある塵が、少なくとも事故前の数百倍の数値であることがわかります。にもかかわらず、事故前の数値を無視し、事故直後より大きく下がったのだから、もはや問題ないであろう、という政府側の言い分は、根拠もなく全く承服できるものではありませんでした。
いくら訴えても国が聞こうとしないのなら、と、国連や、ローマ教皇にも直接訴えました。私たちは2 0 1 8年春には国連人権理事会で原発事故避難者としてスピーチを行い、サイドイベントも行いました。また同年秋、ローマ教皇にも手紙を送り、苦しみを伝えました。更に翌年ローマ教皇が来日した際には、長男がローマ教皇の前でスピーチを行いました。しかしこの国は、国連の勧告にも正面から向き合わず、ローマ教皇の説教も聞き流してしまいました。
その上、2 0 2 2年6月の最高裁判決では、国にはこの事故に対して責任はないという、無責任極まりない判決が出されました。正義は、私たちの人権は、一体どこにあるのでしょう。
10 放射線による健康影響
安全な被曝などありません。放射線の人体への影響は、確率的なものです。少しの被曝なら大丈夫なのではなく、低い確率ではあっても、確実に被害は起きている。でも、そのような被害が起こりうることを、政府は完全に無視してきました。
殆どの人は、1 2年前の原発事故によって、今も東日本の広い範囲が、10 0 Bq/kg以上の汚染土壌となってしまっていることを知りません。事故前であれば、黄色いドラム缶に入れて、厳重に管理しなければならないレベルの汚染が、今も東北と関東に広がっ
ているのに、その危険をきちんと伝えず、被曝させ放題。こんな無責任極まりないこの国で、原発を動かしていいのでしょうか。
今、私たちは、低線量被曝によって病気を発症しても、原因は不明のまま。おそらくは生活習慣のせいと片付けられます。そんな『運の悪い人』が、静かにじわじわと増えている。セシウム1 3 7の半減期は3 0年。今ここにいる全ての人が亡くなったあとも、福島原発からばらまかれた放射能は、静かに生命を蝕み続けるのです。
11 最後に
『原発事故の避難者は、十分な賠償金をもらって、新しい家に住んで贅沢な暮らしをしている』というような、事実とは全く異なる『風評』によって、私たちは、いじめや差別に遭いました。息子は当時受けた過酷ないじめによって、今も心を病んでいます。仮に多額の賠償金がもらえていたとしても、それで奪われた人生を取り戻せるものでも無いのに、ただひとこと、
『辛い』と言葉をもらす自由さえも奪われるのです。原発によって歪められたお金は、人に幸せをもたらすことはありません。
私たち被害者は、その属性を知られるだけで、差別に晒されます。被害を訴えれば、復興を妨げる風評加害者だと攻撃されます。ましてや顔と名前を出して訴訟など起こせば、隣人や親せき、時には家族からも攻撃され、それまでの生活を失います。それでも、被害者が声を上げるのは、あまりの不正義と理不尽があるから。そして同じ苦しみを持つ人がたくさんいるからです。黒い雨を浴びた方々や、小児甲状腺がんに罹患した子どもたちが裁判を起こしたのも、同じ苦しみにある人たちがいたから。私たち被害者の声は、未来への警告です。
この陳述の冒頭に述べた共同墓地には、まだ墓石の無い草地があります。そこが、いつか私が眠る場所です。死んだら福島に帰れる。そう決めた日から、少しだけ心が楽になりました。帰りたい、という言葉をずっと封印してきた1 2年。生まれた場所ではないけれど、夫と結婚し、初めて家を建て、子どもたちが生まれ、たくさんの幸せを育んできた福島が、今でも私のふるさとです。
願わくは、私たちのような思いをする人が、二度と出ないように。
これ以上、原発によって国土が汚染され、人々の暮らしが歪められないように。
祈りを込めて、私は、すべての原発の稼働に反対します。
以上
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