« Personne ne décidera pour moi » : les Bleus, l'OL, son futur club... Rayan Cherki et son actualité chargée

Racontez-nous le moment où vous avez appris que vous étiez dans la liste...
J'ai appris ça d'une manière un peu différente parce que j'étais sur un tournage avec la LFP pour le titre de meilleur passeur de Ligue 1. On a dû regarder ça un peu rapidement sur une tablette, mais les sensations étaient quand même exceptionnelles.

Vous attendiez-vous à ça depuis longtemps ?
Je ne me mettais pas forcément de pression par rapport à ça, j'étais surtout concentré sur ma saison. Je voulais être le plus performant possible pour que ça puisse arriver. Je dois vous avouer que j'ai regardé la liste en mars. Je pensais que je pouvais être dedans. Ça m'a donné envie de travailler encore plus pour y figurer.

Vous êtes programmé pour ça depuis tout petit. C'est presque une suite logique, non ?
Je ne sais pas... (Il réfléchit.) On est programmé pour faire beaucoup de choses... Aujourd'hui, ce n'est que du bonheur. Je prends les choses les unes après les autres et j'essaie de les transformer en choses positives. C'est vrai que j'ai commencé ma carrière très tôt et qu'il y a eu beaucoup d'attentes. Mais je suis content d'avoir pris cette route-là, d'avoir fait une saison comme celle-là. Pour moi, le chemin n'en est que plus beau.

On a beaucoup parlé de l'Algérie et de l'Italie ces dernières semaines. Y avait-il vraiment une possibilité que vous rejoigniez l'une des deux sélections ?
Pour être franc et sincère, je n'ai jamais eu de contacts officiels avec les deux sélections. Avant que je débute ma carrière, en 2019, mon père a pu croiser Djamel Belmadi (ancien sélectionneur de l'Algérie), via un ami en commun, lors d'un de ses passages à Lyon. Mais depuis, les seules personnes qui ont pu m'en parler, ce sont deux ou trois joueurs que je connais personnellement, et il y a quelques semaines Paolo Rongoni (préparateur physique de la sélection algérienne), que j'ai côtoyé à Lyon. Mais je n'ai jamais parlé avec un sélectionneur ou un président d'une autre Fédération, aucun n'a même essayé de me joindre. »

« Après votre dernier match de la saison à Lyon mi-mai, vous n'étiez pas catégorique sur votre départ cet été. Quelques jours plus tard, pouvez-vous l'être ?
On n'est jamais sûr de rien. Mais je le dis : j'ai fait ce que j'avais envie de faire à l'OL, être un vrai Lyonnais et tout donner pour mon club. Je n'ai pas quitté le navire dans la difficulté. Je suis resté, j'ai serré les dents. J'ai pleuré, j'ai ri, j'ai eu peur. Mais un bonhomme doit être comme ça, ça fait partie de son ADN. Même quand c'est dur, même quand tu pleures, même quand tu as peur, tu dois aller à la guerre pour ton club.

Est-ce que vous auriez pu faire mieux cette saison ?
On avait un collectif pour faire mieux. Je pense que si on avait été un peu plus "méchants", on aurait pu faire de grandes choses, parce qu'on avait vraiment une très bonne équipe. On en a beaucoup parlé entre nous, dans le vestiaire.

Comment expliquez-vous que vous ne soyez pas parti l'été dernier ?
On revient toujours à la même chose : je suis un être humain. J'aurais pu faire d'autres choix, aller au Paris Saint-Germain directement et très tôt dans le mercato, sans même parler avec Dortmund. Mais cela fait partie de mon histoire, de mes étapes. C'était aussi mon premier gros mercato, où j'ai beaucoup appris, beaucoup réfléchi. Aujourd'hui, je suis prêt. Même si on aspirait à mieux collectivement et que c'est ce qui prime, je pense que je peux être satisfait sur le plan plus personnel. Battre les records que j'ai battus, les quelques récompenses individuelles, les liens humains magnifiques que j'ai tissés dans mon club de coeur... C'est un peu la finalité de toutes les années de travail, où ça a été dur pour moi.

Cet été, vous allez donc être le seul décideur de votre avenir ?
Exactement. Personne ne décidera pour moi comment, pourquoi, où. Je ne veux pas subir. Il y a beaucoup de joueurs qui subissent, mais le temps passe vite. J'espère que, dans dix ou quinze ans, je pourrai me dire que je suis fier de moi et de mes choix.

Qu'est-ce qu'un club doit faire pour vous convaincre ?
On doit me parler football. Du football, et encore du football. Tout simplement.

Il n'y a même pas un positionnement particulier sur le terrain avec lequel un entraîneur peut vous convaincre ?
Cela fait partie des choses sur lesquelles je me suis armé durant toutes ces années. J'ai joué neuf quand j'avais seize ans, j'ai joué à gauche, à droite, en 10, en 8... Aujourd'hui, mettez-moi juste sur le terrain ! (Rires.) Après, les clubs savent que mon poste préférentiel, c'est numéro 10, parce que j'ai la chance et l'aisance technique d'avoir les deux pieds. Je peux aller à gauche, à droite, je peux me retourner, dévier, dribbler, passer... Mais au final, qu'est-ce qui compte ? Être sur le terrain.

Quand on regarde les clubs intéressés, Manchester City et Liverpool par exemple, ce sont deux styles de football différents. Le système aura-t-il son importance ?
Je suis prêt pour n'importe quel système. Je travaille tous les jours, physiquement et mentalement, pour être prêt. J'essaie surtout de choisir la meilleure option pour moi, pour m'épanouir en tant qu'homme et footballeur.

Quand vous voyez la transformation d'un joueur comme Ousmane Dembélé, est-ce une inspiration pour vous ?
Ça ne m'a jamais trop étonné. C'est une suite logique pour lui. Quand tu te sens bien, que tu es à l'aise, il y a des choses qui viennent naturellement. C'est ce qui arrive à Ousmane. Il le mérite, et bien sûr que c'est inspirant. Toutes les belles choses sont inspirantes. Tu essaies de piocher un peu partout pour ta carrière.

« Avez-vous l'impression qu'on sait vraiment qui est Rayan Cherki ?
On me connaît peu, sinon je serais moins critiqué (rires). Quand on me connaît vraiment - et je vous invite à demander aux joueurs avec qui j'ai joué - il y en a plus d'un qui reste étonné.

Pourquoi ?
Ils entendent ce qu'on essaie parfois d'inventer sur moi, et ils se rendent compte que ce n'est pas vrai. Je n'ai pas envie de décrire comment je suis, je ne suis pas là pour ça. Et surtout, ce sont ceux qui me connaissent qui sont les mieux placés pour le faire.

Pourtant, c'est intéressant : vous êtes désormais un joueur de l'équipe de France, et on aimerait vous connaître un peu mieux...
Il suffit de regarder ce que je suis sur le terrain. C'est assez simple. Je suis quelqu'un qui aime prendre du plaisir et qui veut en donner. Et attention, donner du plaisir est un sujet vaste. Je vous donne un exemple : si vous avez besoin de quelque chose et que je suis proche de vous, je suis là pour vous. J'aime rassembler aussi. C'est une forme de plaisir.

Dans quelle mesure Kylian Mbappé, dont vous êtes proche, vous a-t-il inspiré ?
C'est une personnalité inspirante, comme Ousmane Dembélé. Ils réussissent beaucoup de choses. Quand tu les vois réussir, tu es obligé de t'en inspirer et d'essayer ensuite de retranscrire ça à ta manière.

Vous avez conscience qu'il y a toujours eu beaucoup d'attente autour de vous ?
Je sais... Je fais beaucoup parler depuis pas mal de temps déjà. Ça fait partie de mon histoire. Aujourd'hui, je suis armé pour faire face à tout type de situation. Je peux subir pas mal de vagues en étant offensif dans ma posture.

Quand vous parlez de "vagues", vous parlez de pression ?
Oui, mais je parle aussi de toutes les choses qu'on a inventées, toutes les choses qu'on a dites sur moi, sur mon entourage, alors qu'il n'y a jamais eu de débordements autour de moi. Je suis un être humain, donc parfois il peut m'arriver des choses positives ou négatives. On a parfois dit que j'étais quelqu'un de dur à vivre, de difficile à entraîner... Ce n'est pas vrai. J'ai toujours laissé parler, je n'ai jamais répondu. J'invite tous les détracteurs à me citer des choses réelles. Ils peuvent y réfléchir pendant très, très, très longtemps.

Est-ce qu'il y a eu un changement dans votre manière de communiquer ces derniers mois ? On vous sent plus ouvert...
Je ne parle pas beaucoup, en tout cas.

Oui, mais quand vous le faites, vous dites beaucoup plus ce que vous pensez...
Ça, oui. J'ai attendu d'être dans une posture où je pouvais le faire. Je n'ai pas changé grand-chose dans ma façon d'être. Elle restera toujours la même. Je vais rester un joueur qui a le sourire, qui veut donner du plaisir tout en laissant primer l'efficacité. Je peux simplement me permettre d'être plus ouvert grâce à cette posture.