En retenant la qualification unique de « logement » pour les activités de coliving - faisant fi de sa dimension servicielle marquée et de la diversité de ses modes d'exploitation -, la publication le 8 juillet 2024 par le ministère de la Transition écologique du guide « Evolution de la réglementation applicable aux destinations de constructions dans les PLU(i) » a fait l'effet d'une petite bombe pour les acteurs.
Un coup de tonnerre dans un ciel serein
Le coliving, activité de nature hybride combinant une offre d'espaces privatifs avec des espaces communs à l'échelle du logement ou de l'immeuble et des services aux résidents, n'est pas évoqué dans la nomenclature des destinations et sous-destinations fixée par le Code de l'urbanisme (art. R. 151-27 et R. 151-28 ; arrêté du 10 novembre 2016). Il peut se rattacher à plusieurs sous-destinations : « logement » ou « hébergement » dans la destination « habitation », mais aussi « hôtel » ou « autres hébergements touristiques » dans la destination « commerces et activités de services ».
Faisceau d'indices. En principe, la qualification s'opère au cas par cas, en recourant à un faisceau d'indices, selon les critères de durée du séjour et des services proposés (présence ou non d'au moins trois des quatre prestations hôtelières au sens de l'article 261 D du Code général des impôts : petit-déjeuner, nettoyage régulier des locaux, fourniture de linge de maison et réception, même non personnalisée, de la clientèle).
En retenant la qualification unique de « logement », le guide ministériel semble opter pour un traitement uniforme du coliving. Il précise en effet que les locaux concernés « ont généralement un usage d'habitation, sont meublés et se décomposent en espaces privatifs (chambre, salle de bains, petite cuisine) et partagés (salon, salle de sport, bibliothèque, spa…). Les occupants peuvent bénéficier de services mutualisés (wifi, ménage, parking… ) et paient un loyer comprenant l'assurance habitation. »
La crainte d'une dérive « AirBnB » ?
Un an auparavant, la cour administrative d'appel (CAA) de Bordeaux avait rendu une décision particulièrement remarquée à propos d'un projet de coliving. Elle avait qualifié de « logements » les chambres du projet, au motif notamment qu'elles faisaient l'objet d'un bail distinct pour chaque locataire et qu'elles comportaient des équipements tels qu'elles permettaient une totale autonomie des occupants, ne dépendant pas des services proposés par ailleurs dans l'immeuble (CAA Bordeaux, 6 juillet 2023, n° 22BX01135). Pourtant, dans cette affaire, ce n'est pas la qualification de logement qui était en jeu - puisque c'était celle retenue par le pétitionnaire - mais le nombre de logements considérés au regard des règles de stationnement du plan local d'urbanisme, qui liait le nombre de places au nombre de logements créés : il fallait déterminer si l'on devait raisonner à l'échelle des chambres ou des appartements créés. Cette décision, fondée sur un faisceau d'indices, n'épuisait donc pas la question de la qualification possible d'« hébergement » - souvent choisie par les exploitants -, au sein de la destination « habitation », en présence de services parahôteliers caractérisés.
Certains élus locaux considéraient, pour leur part, que le coliving constituait une « nouvelle forme d'économie ubérisée appliquée au secteur immobilier ». Ils appelaient donc à une assimilation de ces projets à des projets de logements à part entière (QE n° 12181, rép. min. publiée au JO Sénat du 6 juin 2024, p. 2589).
Une complexification des conditions de réalisation des projets
L'assimilation du coliving à du logement a un impact fort sur les opérateurs puisque les projets doivent obéir à des exigences souvent plus contraignantes en matière de stationnement.
Mixité sociale. Surtout, ils doivent intégrer l'obligation de mixité sociale en prévoyant d'affecter une part de leur surface à des logements sociaux. Une qualification d'hébergement, outre qu'elle serait davantage appropriée aux publics ciblés par ces projets et compte tenu des services proposés, permettrait d'écarter la règle de mixité sociale, le Conseil d'Etat considérant que les résidences à vocation d'hébergement n'en relèvent pas (CE, 13 décembre 2021, n° 443815, mentionné dans les tables du recueil Lebon).
Portée juridique contestable. Ni le Code de l'urbanisme, ni l'arrêté du 10 novembre 2016 modifié relatif aux destinations ne prévoient de texte d'application sous forme de guide ministériel. Dès lors qu'aucun texte officiel ne classifie expressément les résidences de coliving au regard des destinations d'urbanisme, il est permis de douter de la portée du guide du 8 juillet sur ce point.
Une cohérence à trouver avec le régime de la TVA
La récupération de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) sur l'acquisition ou sur les travaux est un enjeu crucial pour les propriétaires bailleurs de coliving. Elle est conditionnée à la réalisation d'une opération taxable, laquelle implique que les loyers soient soumis à TVA. Si, par principe, la location de locaux à usage résidentiel est exonérée de TVA, il existe une exception pour le secteur des résidences gérées - dont font partie les résidences de coliving et ce, quelle que soit leur classification en droit de l'urbanisme.
Assujettissement de plein droit. La loi de finances pour 2024 a clarifié le régime de TVA - jusqu'alors incertain pour les résidences gérées - et sécurisé pour les bailleurs les conditions de récupération de cette taxe. Désormais, la location directe et indirecte de telles résidences est assujettie de plein droit à la TVA si la location finale à l'utilisateur concerne un local meublé avec au moins trois des quatre prestations parahôtelières précitées, et ce peu importe la durée de la prestation d'hébergement. Ce régime s'applique aux résidences de coliving, comme l'a rappelé la doctrine administrative (TVA - Champ d'application et territorialité, n° 130, Bofip du 7 août 2024).
Cette dernière a en outre apporté des clarifications bienvenues pour ce type de résidences : - elle a confirmé une lecture souple des quatre critères parahôteliers : certains services, tels que le petit-déjeuner, le nettoyage hebdomadaire des chambres et le remplacement hebdomadaire du linge de maison peuvent désormais être optionnels, à condition que l'opérateur ait les moyens nécessaires pour rendre ces services et en fasse la proposition aux résidents ; - elle a étendu la tolérance sur la possibilité pour les résidents d'apporter leurs propres meubles sans que cela fasse échec au critère de la fourniture d'un local meublé à toutes les résidences de services, y compris donc le coliving (solution jusqu'à présent applicable aux résidences seniors uniquement).
Face à cette souplesse d'interprétation de la doctrine fiscale, il serait opportun que le ministère revoie sa copie sur la qualification urbanistique du coliving, et permette son assimilation à d'autres sous-destinations que le logement.
Ce qu'il faut retenir
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Dans un guide ministériel paru en juillet, la doctrine administrative assimile le coliving à du logement au regard des destinations d'urbanisme. Ce faisant, elle réduit l'attractivité de ce concept hybride combinant les codes du logement (espaces privatifs) et ceux de l'hébergement (espaces communs et services).
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Cette assimilation a un impact sur les opérateurs puisque les projets sont soumis à des exigences de mixité sociale notamment.
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La portée juridique de cette doctrine reste toutefois contestable dès lors qu'aucun texte officiel ne classifie expressément les résidences de coliving au regard des destinations d'urbanisme.
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Il serait opportun de mettre en cohérence le droit de l'urbanisme avec le régime fiscal, récemment sécurisé, qui soumet à TVA les résidences de coliving dès lors que la location concerne un local meublé avec la fourniture de services parahôteliers.