Les Français entretiennent une relation ambivalente avec l’expertise scientifique, notamment médicale. D’un côté, les différentes enquêtes réalisées sur ce sujet indiquent qu’ils font globalement confiance au monde de la science et de la recherche. Ainsi, selon une enquête d’OpinionWay pour Le Monde, 88 % des Français ont une bonne opinion de la recherche scientifique et des chercheurs [1]. Selon le baromètre IRSN sur la perception des risques et la sécurité [2], 8 Français sur 10 font autant ou plus confiance à la science qu’il y a une dizaine d’années.
Mais, parallèlement, les Français manifestent des inquiétudes dans certains domaines de la recherche : les OGM (organismes génétiquement modifiés, 68 %), le nucléaire (65 %), la génétique, la robotique et l’intelligence artificielle (47 %), ainsi que les médicaments (30 %). Autrement dit, leur méfiance semble s’accroître envers les applications des progrès scientifiques qui auront des impacts directs sur leur vie, notamment dans le domaine médical.
Source : OpinionWay, « Regards et attentes des Français sur la recherche scientifique », op. cit.
Ainsi, des débats émergent ou réémergent depuis quelques mois concernant les risques possibles de certaines avancées de la médecine, qui seraient sous-estimés par rapport à leurs avantages. En 2016, une enquête Ipsos indique que seul un Français sur deux considère que la vaccination présente plus de bénéfices que de risques [3]. Selon la même enquête, 84 % des Français font confiance aux médicaments ; néanmoins, cette confiance se dégrade pour toutes les catégories de médicaments et pour les vaccins, mais pas pour l’homéopathie.
Comment expliquer ce rapport ambivalent des Français envers le progrès médical ? Comment pourrait-il évoluer à l’avenir ? Pour le comprendre, Futuribles a interrogé deux experts sur ce phénomène : Pierre Corvol, professeur émérite au Collège de France, et David Heard, directeur de la communication et du dialogue avec la société chez Santé publique France.
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Peut-on parler d’une crise de confiance des Français envers les vaccins ?
Pierre Corvol : « La science en général dispose toujours d’une bonne image en France, comme le montrent plusieurs sondages en 2012 et 2016 [4]. Les Français s’intéressent à l’actualité des sciences pour deux tiers d’entre eux, juste après l’actualité internationale, et avant les actualités culturelles et politiques. Ils attendent d’elle et des nouvelles technologies une amélioration de leurs conditions de vie. À plus de 80 %-90 %, ils pensent qu’un jour la science et la technologie permettront de guérir le sida, le cancer, la maladie d’Alzheimer. Ils lui font même confiance pour cloner un jour un être humain et créer un être bionique. La confiance qu’ils accordent aux scientifiques pour dire la vérité sur les résultats et les conséquences de leurs travaux est, en revanche, plus ou moins grande selon les sujets, variant de 50 % de confiance pour les cellules souches et les neurosciences, à 33 % pour les OGM.
« Toutefois, plusieurs domaines de la santé sont affectés par une défiance marquée vis-à-vis de progrès médicaux incontestables. Le phénomène prend de l’ampleur et devient préoccupant, notamment pour la vaccination.
« L’OMS (Organisation mondiale de la santé) estime que la vaccination sauve 2,5 millions de vies par an dans le monde [5]. La variole a été complètement éradiquée, et la diphtérie et...
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