Sommes-nous vraiment la somme des personnes qu’on a aimées ? L’éclairage de Caroline Goldman

Sommes-nous vraiment la somme des personnes qu’on a aimées ? L’éclairage de Caroline Goldman
Caroline Goldman, psychologue pour enfants et adolescents, Docteure en psychopathologie clinique, enseignante et formatrice, auteure de livres en psychologie de l’enfant ©Caroline Golman / Instagram

Nos premières relations, qu’elles soient familiales, amicales ou amoureuses, laissent une empreinte durable sur notre personnalité. Caroline Goldman, psychologue pour enfants, nous aide à comprendre comment ces liens influencent nos choix d’adultes et jusqu’où il est possible de dépasser ces schémas.

Nos relations ne sont pas de simples interactions : elles sont des miroirs qui façonnent notre identité. Dès le plus jeune âge, elles construisent la manière dont nous percevons le monde et les autres. Comment nos premières relations, souvent marquées par les figures familiales, impactent-elles nos choix relationnels d’adulte ? Est-il possible de se libérer des schémas appris dès la petite enfance ? Caroline Goldman, psychologue pour enfants et auteure, nous offre un éclairage précieux sur ce sujet complexe et fascinant.

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Nos relations passées, un héritage qui nous façonne

Dès la naissance, chaque interaction avec notre entourage familial contribue à la construction de notre identité. L’affection, les tensions, les conflits ou les soutiens laissent une marque profonde, souvent inconsciente, sur notre manière d’aimer et d’être aimé. Caroline Goldman, psychologue pour enfants, explique que ces premières expériences sont fondamentales : « Lorsqu’on est petit, on n’a d’autre choix que de se laisser aimer par ceux qui nous entourent. »

Cette dépendance absolue aux premières figures d’attachement, que celles-ci soient les parents, les frères et sœurs ou d’autres proches, crée les premières « empreintes relationnelles ». Ce sont ces interactions qui guident, parfois à notre insu, nos choix relationnels à l’âge adulte. Mais, pour Caroline Goldman, cet héritage n’est pas une fatalité : il peut être modifié, repensé, réinventé.

« Lorsqu’on est petit, on n’a d’autre choix que de se laisser aimer par ceux qui nous entourent. »

Dès l’enfance, une personnalité en formation

Pour la psychologue, tout commence dès la petite enfance . « Les petits-enfants sont comme de la pâte à modeler, » souligne-t-elle. La première décennie de vie est marquée par une absence totale de recul : l’enfant absorbe comme une éponge les comportements, les émotions, et les dynamiques familiales.

Un exemple parlant est celui d’une étude menée à l’Université de Cambridge, qui démontre que les enfants ayant grandi dans un environnement serein et sécurisant développent une meilleure capacité à gérer les conflits dans leurs relations adultes. À l’inverse, ceux qui ont connu des situations de tension ou de manque affectif tendent à reproduire ces schémas ou à chercher inconsciemment des partenaires qui leur rappellent ces premières expériences . Caroline Goldman explique : « On recrée les modalités de lien qui nous ont été offertes. »

Reproduire les schémas relationnels du passé, une fatalité ?

La répétition des schémas relationnels n’est pas inévitable. En prenant conscience de ces influences précoces, il devient possible de s’en libérer. Ce n’est donc pas une condamnation. Comprendre l’origine de nos choix relationnels permet de s’en affranchir et de construire des liens plus équilibrés. Certaines personnes, sans même recourir à la thérapie, arrivent instinctivement à choisir des partenaires qui compensent leurs préoccupations affectives.

Dans un contexte thérapeutique, elle convoque l’exemple d’un patient qui, ayant grandi dans une famille marquée par des conflits incessants, choisissait systématiquement des partenaires avec lesquels il vivait des tensions similaires.

Ce n’est qu’après un travail qu’il a pu identifier ce schéma et commencer à chercher des profils de femmes plus apaisées, rompant ainsi avec un cycle de répétition inconsciente. Ces choix, parfois inconscients, montrent notre capacité à corriger ce qui nous a manqué.

« La famille est notre premier modèle relationnel »

Les racines familiales, plus profondes que les relations amoureuses ?

Les relations familiales ont une influence plus profonde et durable que les relations amoureuses, souvent plus tardives. « La famille est notre premier modèle relationnel, », rappelle Caroline Goldman. Ces premières interactions servent de référence pour toutes les relations futures , influençant la manière dont nous nous comportons avec nos amis, nos collègues et nos partenaires.

Les conflits parentaux laissent une trace particulièrement douloureuse dans cette mémoire relationnelle. Avoir assisté à la cohabitation sans amour entre des parents laisse par exemple des vestiges traumatiques qui risquent de se rejouer dans les choix amoureux ultérieurs.

La psychologue assure que nous pouvons rendre justice aux douleurs de petit enfant en nous. « Un ancien enfant insécurisé pourra chercher des amis ou un partenaire très calme, pour se rassurer. Un autre qui se sera senti très seul au cours de son enfance, pourra choisir de construire une grande famille pour éviter de retrouver cette sensation d’esseulement. Un troisième enfant qui a grandi entouré de parents déprimés et austères pourra choisir de faire de son quotidien une fête », développe-t-elle.

Les relations peuvent ainsi devenir une source d’épanouissement, permettant à chacun de réécrire son histoire. En prenant conscience de nos schémas hérités de l’enfance, avec ou sans l’aide d’un psychologue, nous avons la possibilité de construire des relations qui réparent nos manques et en font profiter nos entourages, en particulier nos enfants.