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La machine de désinformation russe, un écosystème en perpétuelle mutation

Protéiforme, le réseau d’influence informationnelle à la solde du Kremlin sait contourner les obstacles pour accroître sa diffusion. Une étude publiée par deux chercheurs français dévoile les structures étatiques et privées à la manœuvre.

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Publié aujourd’hui à 14h00, modifié à 14h51

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Le spectre de la manipulation russe réapparaît désormais à chaque étape de la vie démocratique en Occident. « Nous sommes dans une année électorale très importante, en particulier aux Etats-Unis. C’est pourquoi la question des ingérences russes devient un sujet de débat et se trouve hissée en véritable enjeu de sécurité », explique au Monde Maxime Audinet, chercheur à l’Institut de recherche stratégique de l’école militaire (Irsem). Il est le coauteur avec Colin Gérard, docteur en géopolitique, d’une étude très fouillée, intitulée « Sous les radars », consacrée aux mutations de l’écosystème d’influence informationnelle russe depuis l’invasion de l’Ukraine, en 2022. Publié le 7 octobre dans la revue Réseaux, l’article de 40 pages dissèque et cartographie un système en mutation permanente et doté de moyens grandissants.

Face au blocage des médias russes à destination de l’Europe et des Etats-Unis (RT, ex-Russia Today, et Sputnik) depuis 2022, les acteurs de l’influence informationnelle pro-Moscou « recourent à des pratiques plus furtives et clandestines pour diffuser leurs récits vers les publics occidentaux », expose l’article. Le plus souvent, ces campagnes sont « sous-traitées par la puissance publique à des entreprises spécialisées dans les relations publiques et le marketing numérique ». Des entreprises qui tentent de soudoyer des influenceurs occidentaux pour diffuser vers la plus large audience des éléments de langage favorables au Kremlin. Le message est ainsi « blanchi » puisque l’origine russe et l’intention propagandiste sont dissimulées au public.

Une autre tactique de manipulation relevée par les chercheurs consiste à usurper l’identité de sites Web de médias occidentaux réputés par « typo-squattage », c’est-à-dire en utilisant un nom de domaine presque identique. Cette opération baptisée « Doppelgänger » (« double » en allemand) est attribuée à trois entrepreneurs russes de l’influence (Vladimir Tabak, Ilya Gambachidze et Alexeï Goreslavski) tous rémunérés par le Centre S, la cellule d’influence informationnelle de l’administration présidentielle russe. Le fait d’opérer à travers des personnes privées permet à l’Etat russe de « gagner en souplesse » et de « nier toute responsabilité », notent les auteurs.

L’article est illustré par un organigramme du dispositif d’influence informationnelle russe, qui permet d’embrasser en un coup d’œil l’imbrication des structures étatiques et privées mobilisées. Même si les auteurs soulignent que l’ensemble du dispositif est dominé par l’Etat russe, il apparaît qu’un tiers des acteurs opèrent dans la sphère entrepreneuriale privée. Une sphère longtemps dominée par l’homme d’affaires russe Evgueni Prigojine, lequel bénéficiait d’une connexion personnelle avec Vladimir Poutine, jusqu’à ce qu’il tombe disgrâce et périsse dans le crash non expliqué de son avion en août 2024.

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