Si l’on vous disait que vous pourriez ne plus jamais avoir vos règles, accepteriez-vous ? Andréa, elle, refuserait. « Chaque mois, j’ai hâte, affirme cette maman de 33 ans. Je prends plaisir à avoir mes règles. Je ne dis pas que c’est tout rose mais j’en ai envie. » Selon une enquête réalisée par l’EHESS en 2020, seules 35 % des femmes non ménopausées aimeraient ne plus avoir de règles du tout. Mais, certaines – sans pour autant pleurer de joie et hisser le drapeau rouge tous les mois – entourent la période de menstruation d’une symbolique, d’une connexion avec leur corps, d’un sentiment de bonne santé ou de purification.

Ça a pourtant été un long chemin de croix pour Andréa. De ses premières règles à l’âge de 13 ans jusqu’à sa vingt-huitième année, c’est un calvaire : « Je détestais avoir un utérus, je me demandais pourquoi il fallait souffrir autant. » Elle a à peine 20 ans quand plusieurs médecins lui diagnostiquent des fibromes utérins et le syndrome des ovaires polykystiques – aussi appelé SOPK. Chaque cycle est douloureux et abondant. Puis, il y a trois ans, le déclic. Herboriste de formation, elle lance sa marque de tisanes à base d’herbes médicinales pour améliorer le bien-être des femmes à toutes les étapes de leur vie – règles, grossesse, post-partum, allaitement, ménopause – et change sa manière d’aborder les menstruations. « On parle toujours des règles de manière assez péjorative et ça a un impact sur la vie des femmes », déplore-t-elle.

En osmose avec son corps

Andréa se met à analyser ce qui lui arrive à chaque cycle : ses règles pendant quelques jours – la phase menstruelle –, puis son corps se prépare à l’ovulation – la phase folliculaire –, viennent ensuite les 24 heures de l’ovulation et, enfin, la phase lutéale, lors de laquelle son corps anticipe le prochain cycle. Et rebelote. « Quand on comprend les phases de son cycle, on peut apprendre à en tirer profit, explique la jeune femme. Par exemple, je planifie toutes mes prises de parole en public autour de l’ovulation. C’est une période où je me sens le plus magnétique, le mieux dans ma peau. Durant mes règles, à l’inverse, j’évite d’être au contact des autres parce que je n’ai pas d’énergie. »

Alma, 23 ans, est fascinée par le mécanisme de la menstruation : « Je suis parfois émerveillée de ce que mon vagin peut sortir. La journée, je vis mes règles comme une contrainte mais c’est sous la douche que ça me rassure et m’émerveille. C’est le produit de notre propre corps, il ne faut surtout pas dire que c’est "sale". »

À la recherche de ses « lunes »

Andréa, elle, adore constater la régularité de son corps : « Nos cycles sont comme les quatre saisons : l'été pour l'ovulation, l'automne pour préparer l'hiver et les règles puis, enfin, le printemps. Il faut accepter que l’on ait besoin de chaque saison pour arriver à l’été. » Selon Élise Thiébaut, journaliste et auteure de « Ceci est mon sang : Petite histoire des règles, de celles qui les ont et de ceux qui les font », ce désir de régularité peut s’expliquer par une quête de symboles : « Avoir nos règles, ça nous relie à beaucoup de choses, à la Lune par exemple. Les similitudes entre les cycles menstruels et les cycles lunaires font partie des éléments fondateurs de nos civilisations mais on a beaucoup perdu cette connexion. Ça ne m’étonne pas que certaines femmes cherchent à retrouver un lien avec leurs cycles “naturels”. » Et de nuancer : « Mais ça ne signifie pas que l’on aime avoir nos règles. C’est comme dire que l’on aime l’orage parce que l’on reconnaît que la pluie nous fait du bien. C’est très important pour notre équilibre psychique de sentir la régularité des choses et des rythmes. »

Ce besoin de synergie avec son corps, la gynécologue Laura Berlingo l’a également remarqué chez ses patientes. « Le fait de vouloir avoir ses règles s’accompagne d’une volonté de se réapproprier son corps », expose l’auteure du livre « Une sexualité à soi ». Elle associe ce phénomène à l’essor des applications de suivi menstruel : « Les femmes s’observent, observent leur énergie au moment de l’ovulation, la taille de leurs seins, leurs douleurs… »

Les règles comme purgatoire ?

Pour la spécialiste, ce désir de se réapproprier son corps ne vient pas tant d’une envie ardente d’avoir ses règles que d’une volonté de dire non aux hormones présentes dans les pilules. Arrêter sa pilule chaque mois afin de déclencher l’arrivée des règles est la manière standard de prendre une contraception orale. « Mais il n’existe pas plus de risques à prendre la pilule en continu qu’en discontinu », note Laura Berlingo. À comprendre : il est possible d’enchaîner les plaquettes et de ne plus avoir ses règles. « Mais être débarrassée de ses règles signifie recevoir des hormones en continu. Et de plus en plus de jeunes femmes sont très critiques de la pilule parce qu’elles n’ont pas envie de mettre des hormones dans leur corps », constate la gynécologue.

C’est en arrêtant sa contraception il y a bientôt un an que Charlotte a noué une nouvelle relation avec ses menstruations. « C’est un signe de bonne santé. Je me dis que mon corps fonctionne bien, et tout seul ! Ce ne sont plus des règles artificielles comme c’était le cas avec la pilule, s’enthousiasme la jeune femme de 27 ans. Et j’ai la sensation de me purifier chaque mois en évacuant mon sang. » Cette sensation de purification n’est pourtant qu’une impression. « Le sentiment de se purger est né par les mythes et religions qui ont stigmatisé les règles pour en faire quelque chose de sale et d’impur. Mais ça ne correspond à rien physiologiquement, expose Élise Thiébaut. Par exemple, enceinte ou ménopausée, la femme n’a pas besoin de se purger. »

« Si la douleur est handicapante, ce n’est pas normal »

Endométriose, règles abondantes ou irrégulières… Comme le rappelle Élise Thiébaut, toutes les femmes ne sont pas en capacité d’aborder leurs menstruations de façon sereine. « Nous ne sommes pas définies par notre corps mais par le rapport que nous sommes en capacité d’entretenir avec lui », résume l’auteure, qui confie avoir appris à aimer avoir ses règles malgré le fait qu’elles étaient très douloureuses.

« Il ne faut pas oublier que, si la douleur est handicapante, ce n’est pas normal et il faut aller chercher de l’aide », alerte Andréa. En plus des traditionnels antidouleurs, l’herboriste conseille quelques remèdes maison : « On peut prendre des feuilles de framboisier en tisane avant l’arrivée de ses règles, qui sont très bonnes pour les troubles féminins. La sauge permet de réguler le flux et les douleurs, je la recommande beaucoup dans les cas d’endométriose. Durant la période des règles, le gingembre et l’ortie, pleins de vitamines et riches en fer, donnent un gros boost. »

Article, publié le 26 juillet 2022, mis à jour.

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