Je m’appelle Marie-Élise, j’ai 41 ans et je suis en couple depuis un peu moins de deux ans avec un homme qui a deux garçons de 10 ans et demi. Quand on s’est rencontrés, j’ai senti que c’était le bon et je me suis dit que si je voulais que notre amour s'épanouisse, il allait falloir que je change de vie. J’ai donc tout lâché à Paris pour venir m'installer en pleine campagne, dans un village de 1400 habitants, parce qu’il est moniteur de ski et qu’il est installé dans les Hautes-Pyrénées.

J’ai toujours rêvé de rencontrer la bonne personne et de faire famille, de fonder un foyer, mais sans forcément être mère. Avec mon mec, c’était une rencontre surprenante de naturel. Je savais qu’il était veuf et qu’il avait des enfants, mais malgré ça, je ne pouvais pas passer à côté de cette évidence. Tu ne choisis pas de qui tu tombes amoureuse, et tu choisis encore moins s’il a des enfants ou non, tu prends le package. Comme j’avais toujours eu cette envie de fonder un foyer, je me suis donc dit « pourquoi pas ». On s’est embrassés début septembre 2022 et j’ai rencontré les enfants assez rapidement, en janvier 2023.

Quitte ou double

J’avais très envie de les rencontrer mais c'était quitte ou double. Je me disais que s’ils ne pouvaient pas me blairer c’était foutu. Si ça ne marchait pas avec eux, mon histoire d’amour était finie. Mais tout s’est bien passé et on a très vite passé du temps tous les trois. Je pense que pour que ça se passe bien, il fallait qu’on noue une relation sans leur père. Il y a une certaine connivence qui s’est installée entre nous et ça nous a permis de créer un lien sans qu’ils soient collés à lui.

J’ai emménagé avec eux à la rentrée 2023. Mon mec a fait leur rentrée puis il est parti travailler pendant quatre jours. Il a fait un choix de rythme de vie :  il ne travaille pas pendant les vacances scolaires de printemps, été et Toussaint pour passer du temps avec les enfants mais le reste de l’année, il a un rythme de travail soutenu. Je me suis donc retrouvée seule avec eux, sacré challenge de démarrer comme ça ! Avant que j’arrive, les enfants ont été habitués à vivre avec leurs grands-parents, qui prenaient le relai quand leur père était absent. Quand j’ai emménagé, j’ai voulu investir mon rôle à 100 % et je me suis donc dit que j’allais changer ça et les garder plus souvent à la maison, en mode « on va recréer une famille » mais je n'y suis pas arrivée. Gérer solo des enfants qui ne sont pas les tiens et un changement de vie, c’est dur ! Aux vacances de la Toussaint, j’ai verbalisé que j’allais avoir besoin d’un peu plus d’espace. Depuis, on fait beaucoup plus appel aux grands-parents, avec qui les enfants avaient trouvé leur rythme avant que j’essaie de faire autrement. On réfléchit en fonction de nos agendas, j’anticipe et si je me dis qu’à certains moments je sens que je vais avoir besoin de me reposer, les enfants vont chez leurs grands-parents et je me casse ! Je leur donne beaucoup d’énergie et de mon temps donc j’ai le droit de ne pas être là tout le temps et j’ai zéro culpabilité à le faire, mais au bout de 5-6 jours je suis trop contente de les retrouver !

Trouver son équilibre 

J’ai essayé d’instaurer un équilibre parce que l’école est à 25 minutes en voiture, et j’ai pas mal fait l’aller et le retour, mais maintenant mon mec fait au moins l’un des deux trajets. Pareil pour le mercredi après-midi, on part de la maison il est 12 h 30, on rentre il est 18 h avec plus de 100 bornes dans les pattes. C’est une journée où ça râle, c’est speed, je n’ai pas une minute à moi, bref c’est l’enfer. Donc je lui ai dit que je ne ferai plus qu’un seul mercredi par mois, qu’il se débrouille pour les trois autres. Le fait de mettre mes limites ça me va beaucoup mieux, j'atteins moins ma zone rouge, je suis moins énervée et je me sens mieux le mercredi soir.

Ma difficulté aujourd’hui, c’est de trouver ma place dans cette vie au sens large. J’ai tout plaqué (mon boulot, mes amis, ma vie de parisienne), j’ai très envie de leur donner beaucoup d'amour à tous les trois et que les enfants s’épanouissent mais moi aussi j’ai envie de m’épanouir et de trouver mes passions, sans m’adapter forcément aux leurs. Je me remets un peu plus au centre du village. Et si je devais changer quoi que ce soit, ce serait de rééquilibrer les choses, mais ça va se faire, je n’ai pas le sentiment de me faire avoir et je me sens à la bonne place.

Belle-mère

Je me suis mis beaucoup de pression dès le début, comme ils avaient perdu leur mère, il fallait que je fasse les choses au moins aussi bien qu’elle. Sans vouloir la remplacer, j’ai tout de suite voulu leur rendre la vie plus facile et je me suis dit qu’il faudrait être doublement à la hauteur, parce que je sais qu’elle a été une maman extraordinaire. J’ai ressenti un grand besoin de tendresse de la part des enfants et d’avoir une présence féminine. Je vais les chercher à l’école, je m’occupe de faire les courses et de leur faire de bonnes choses à manger, on fait les devoirs, je suis un peu leur super assistante (rires).  La réalité que j’ai prise en pleine face en arrivant, c’est que, dans ma tête, c’était sûr que j’allais les aimer d’un amour infini mais en fait, non. Ce ne sont pas mes enfants et j’ai ressenti un fort sentiment de culpabilité à cause de ça.  J’avais peur de ne pas assez les aimer et mes copines m’ont rassurée en me disant qu’elles aussi parfois, quand ils sont relous, elles aiment moins leurs enfants. J’ai fait la paix avec le fait que je ne les aimerai pas d’un amour infini et que ce n’est pas grave.

En revanche, trouver ma place dans cette maison, c’est plus difficile. J’ai emménagé chez eux, dans une maison que mon mec a acheté avec sa défunte femme il y a 10 ans et c’est dur. Elle est partie d’un cancer et il y a beaucoup de traces d’elle dans la maison. J’ai perdu ma sœur et j’ai un petit neveu qui n’a pas de maman donc je sais que c'est hyper important au quotidien qu’ils aient une trace de leur mère et qu’on parle d’elle, mais j’ai quand même envie qu’il y ait mes ondes à moi dans la maison. Avant que j’arrive, il y avait des souvenirs partout, mais, depuis, des photos sont passées du salon à leurs chambres et je n’y touche pas.  Il y a une malle dans notre chambre dans laquelle il y a toutes ses affaires à elle, qu’il a gardées pour leurs enfants. Il y a beaucoup de présence et je n’ose pas en parler à mon mec. J’ai peur de lui faire mal, à lui et aux enfants aussi, c’est encore trop tôt. On y va donc par phases.

Sur le piano du palier, il y a une photo d’elle et je la vois tous les jours. La dernière fois, j’ai fait la poussière sur ce cadre et ça ne m’a rien fait. J’accepte ces traces au fur et à mesure. Je pense que ce qui est primordial, ce qui va faire que notre famille c’est l’amour qu’on a tous les deux. J’ai très envie d’investir dans un projet commun, de faire table rase de nos passés pour construire notre foyer à nous. 

Relation

Mes beaux-fils sont jumeaux et très différents, l’un est très dans l'affect et notre lien s'est vite tissé, l’autre est dans l’observation donc je lui ai laissé le temps. Avant leur rencontre, je me suis préparée à la réplique « t’es pas ma mère », je me disais qu’il faudrait que je fasse une vraie réponse bien construite, mais je n’ai jamais entendu cette phrase. Il n’y a jamais eu de conflits et ça s’est toujours bien passé. J’ai envie de les voir grandir, de les voir évoluer dans ce monde et ils m’ont très vite acceptée. Je trouve qu’on a une place privilégiée en tant que belle-mère, ces enfants me font confiance et ils se confient en sachant qu’ils ne seront pas jugés. Ils me font aussi entrer dans leur univers et je fais de même. C’est un rôle hyper épanouissant pour moi et je vois ce que je leur transmets, notamment mes tics de langage, je trouve ça mignon.

Ce qui est horrible, c’est qu’on construit une famille mais que je n’ai aucun droit sur ces enfants, ils vont pourtant me connaître plus longtemps que leur maman. C’est aussi très dur d’accepter de construire quelque chose avec eux et de savoir que si on se sépare avec leur père, je ne les verrai peut-être plus. C’est important de donner une légitimité, un statut au rôle qu'on a auprès de ces enfants. Là, j’ai l'impression qu'on a une cape d'invisibilité. Et puis personne ne m’appellera maman. C’est compliqué pour moi d’avoir un enfant, j’ai de l’endométriose et un système reproductif qui ne fonctionne pas bien et avoir un enfant maintenant alors qu’on vient de se rencontrer et qu’on démarre notre relation, euh... Je laisse faire le temps mais je sais ce que le temps va me dire et je commence à l’accepter. Avoir un enfant aujourd’hui, c’est ralentir tout le reste, notamment la construction de mon avenir professionnel et je ne sais pas si je suis prête pour ça. Mais le puzzle est bien fait parce que ma situation fait que je n’aurai pas forcément d’enfants et là j’ai deux petits gars à la maison et on construit une famille.