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La couleur des idées

Sophie Galabru : "La colère nous permet de retrouver une amitié avec nous-même"

La philosophe Sophie Galabru
il y a 10 heures - mise à jour il y a 10 heures2 min
Par Tania Markovic et Simon Brunfaut

Ce samedi dans La Couleur des Idées, Simon Brunfaut reçoit la philosophe Sophie Galabru. Celle qui a consacré sa thèse à la pensée d’Emmanuel Levinas publie un premier essai aux éditions Flammarion intitulé " Le visage de nos colères " dans lequel elle nous invite à reconsidérer ce sentiment. Souvent décriée, perçue comme une émotion négative, incontrôlable de surcroît et donc redoutée, la colère n’a pas bonne presse. Sophie Galabru, elle, la présente sous un jour nouveau. Pour écrire son essai, elle a mené l’enquête. Ses investigations l’ont penché à se conduire sur la perception de la colère dans l’histoire philosophique et religieuse. S’opposant aux thèses des philosophes rationalistes reprises par le christianisme et particulièrement le catholicisme qui soutiennent, selon le mot de Spinoza, que la colère est une " passion triste ", la philosophe montre qu’il existe des colères saines. Sous sa plume, le quatrième des sept péchés capitaux devient vertueux, permettant une émancipation nécessaire, à la fois dans nos vies intimes et dans la préservation du lien social.

Les vertus de la colère

Dans "Le visage de nos colères", Sophie Galabru écrit : "Je ressens depuis longtemps que la colère est une ressource de vitalité". Elle explique que, lorsque nous sommes en colère – une colère philosophique dirigée pour se défendre ou restaurer la justice, par exemple – nous nous mobilisons tout entier pour lutter. La colère, comme dans le cas des mouvements civiques américains, nous met en mouvement, nous permettant d’obtenir des avancées majeures ou, dans ce cas précis, justice.

La colère nous permet de trouver de l’énergie pour combattre face à ce qui nous blesse ou nous épuise.

Dans la colère, quelque chose d’antisocial se manifeste. "Antisocial, tu perds ton sang-froid" chantait le groupe de hard rock français Trust. La colère nous fait rompre avec l’ordre établi, sortir de notre soumission encouragée par le new management "la positive attitude" est requise. La colère, nous dit Sophie Galabru, agit comme "un révélateur et un accélérateur de vérité". Quand elle s’exprime – car il y a une distinction entre ressentir la colère et la manifester – elle nous met dans une position dissidente. On ne joue plus le jeu, on brise l’hypocrisie sociale. C’est la fameuse scène du gigot dans le film "Vincent, François, Paul… et les autres" de Claude Sautet et cette célèbre colère de Michel Piccoli

Apprendre à recevoir la colère d’autrui

Sophie Galabru montre qu’il y a trois points importants concernant la colère. D’abord il y a le fait de savoir la ressentir qui nécessite de "se connaître soi-même" comme le préconisait Socrate. Ensuite vient le fait de l’exprimer sans culpabiliser après coup. Enfin, il faut accepter de la recevoir de la part d’autrui et ne pas y voir le nécessaire compte à rebours de la fin d’une relation. Sophie Galabru nous invite à l’entendre ainsi ce qui permettrait de redonner de la sincérité aux relations :

La colère n’est pas forcément synonyme de rupture définitive. Il peut s’agir parfois d’un débat conflictuel pour réguler la relation, y mettre de la distance, réimposer sa place, ses principes et ses valeurs.

Elle souligne qu’en général on n’ose pas se mettre en colère contre des gens qu’on ne connaît pas, qu’on n’estime guère et dont on n’attend rien. Sauf cas exceptionnel (comme en politique ou dans le monde du travail), on se met en colère contre ceux qu’on aime… Parfois il y a réconciliation, d’autres fois ruptures. Et de rappeler que ces dernières, pourtant perçues comme négatives, sont souvent des terreaux fertiles qui nous permettent de prendre "de nouveaux départs" plus en adéquation avec nous-même !

Retrouvez l’intégralité de l’entretien mené par Simon Brunfaut, à écouter ci-dessous ce samedi 26 avril dès 11 heures.

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