Appelons-la Aliya. De nationalité kazakhe, cette dame a obtenu il y a cinq ans une carte de séjour au titre de sa vie de famille avec un conjoint en règle, qui travaille. Au printemps 2021, comme c’est l’usage, elle s’y prend deux mois à l’avance pour faire sa demande de renouvellement sur la plateforme numérique de la préfecture.

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Malgré plusieurs relances, elle n’obtient aucune réponse quand expire son titre de séjour, en juillet dernier. Ce n’est qu’en octobre qu’on lui demande, viala plateforme, de nouvelles pièces, qu’elle fournit. Pourtant, à ce jour, Aliya n’a toujours pas eu de rendez-vous. En attendant, celle qui était jusqu’alors en situation régulière se retrouve sans papiers, à la merci d’un contrôle de police et donc d’un placement en rétention.

Combien sont-ils, ces étrangers qui se retrouvent privés d’un titre de séjour, auquel ils ont légalement droit, simplement parce qu’ils n’arrivent pas à déposer leur demande ? « C’est un phénomène massif qui ne s’améliore pas du tout. Dans nos permanences, la majorité des sollicitations sont désormais liées à ces difficultés d’accès aux rendez-vous », estime Lise Faron, chargée du droit au séjour à la Cimade.

Pour estimer l’ampleur du problème, cette association a mis au point un robot chargé de tester les demandes de rendez-vous. En cette fin 2021, plus d’une préfecture sur deux ne dispose d’aucun rendez-vous pour au moins une démarche liée aux étrangers. Le constat, particulièrement frappant pour les demandes de régularisation, est aussi valable pour les premières demandes comme pour les renouvellements, y compris pour les étudiants étrangers.

De lourdes conséquences

Les conséquences peuvent être très lourdes. « J’ai eu le cas d’un monsieur en centre d’hébergement qui, faute d’avoir pu renouveler ses papiers, risquait de perdre son allocation adulte handicapé, raconte Eléna de Guéroult d’Aublay, avocate spécialisée dans le droit des étrangers. J’ai aussi eu un client qui, après avoir échoué dans le renouvellement de sa carte de séjour, avait perdu son emploi, puis son logement, et se retrouvait dans la rue. »

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Si le phénomène, dû à l’insuffisance des effectifs dédiés en préfecture, n’est pas nouveau, il s’est accentué avec la volonté de dématérialiser la prise de rendez-vous. « Les difficultés ont commencé en 2017 et se sont accrues à partir de 2019, explique Eléna de Guéroult d’Aublay. Avec la crise sanitaire, la grande majorité des préfectures se sont dotées de plateformes de ce type. »

Cela en dépit d’une décision du Conseil d’État, en 2019, « qui rappelle que des alternatives aux démarches numériques doivent exister pour ceux qui n’ont pas accès à Internet, pointe Vanina Rochiccioli, présidente du Groupe d’information et de soutien des immigrés (Gisti). C’est sur cette base que nous avons attaqué, avec un collectif d’associations, 25 préfectures. Nous avons obtenu deux premières décisions, en Seine-Maritime et en Guyane, qui nous donnent raison. »

Une dématérialisation qui va encore s’étendre

De son côté, le ministère de l’intérieur n’entend pas ralentir. Grâce à des renforts en effectifs et un « point d’accueil numérique », il indique que « fin 2022, toutes les démarches du séjour des étrangers en France et de l’accès à la nationalité française pourront bénéficier d’une procédure en ligne ».

« Si la poursuite (de ce déploiement) et le renforcement des moyens humains devraient réduire ces tensions, ces éléments ne suffiront pas à les faire disparaître », sauf dispositions complémentaires, jugent cependant les députés Stella Dupont et Jean-Noël Barrot dans un rapport de mai 2021.

En attendant, les contentieux individuels pour forcer les préfectures à donner un rendez-vous explosent. « Avant, on saisissait le tribunal quand un client voulait contester un refus. Désormais, on doit le saisir simplement pour qu’il puisse obtenir un rendez-vous pour déposer sa demande », reprend Eléna de Guéroult d’Aublay.

Mais ça ne suffit pas toujours. L’avocate défend une Cap-Verdienne, qui a déposé en 2019 sa demande de rendez-vous. En vain. En novembre 2020, le tribunal administratif a sommé la préfecture de lui en donner un. Ce qu’elle n’a fait qu’en septembre dernier… pour lui redemander des pièces. À ce jour, son dossier n’est toujours pas enregistré.

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La délivrance des titres de séjour

Pour séjourner légalement en France plus de trois mois, un étranger majeur doit obligatoirement avoir un titre de séjour, sauf s’il est citoyen d’un pays de l’Union européenne ou de la Suisse.

Il existe cinq catégories principales de titres de séjour pour un établissement prolongé en France : le visa long séjour valant titre de séjour ; la carte de séjour temporaire ; la carte de séjour pluriannuelle ; la carte de résident ; et la carte de séjour « retraité ». Elles peuvent recouvrir différents motifs : travail, vie privée, vie familiale, asile, étranger malade…

Pour une demande de titre ou un renouvellement, la personne doit demander un rendez-vous en préfecture pour déposer un dossier avec les pièces justificatives. La préfecture peut refuser la délivrance d’un titre mais pas le dépôt d’une demande.