Gustave Flaubert, lettre à sa mère, Beyrouth, 26 juillet 1850 :
"Le lendemain, ou plutôt 3 heures après, à 6 heures, nous nous sommes embarqués, bagages et gens, dans le canot du lazaret. Nous avions avec nous, comme devant être nos compagnons de captivité, deux moines Franciscains, dont l'un s'en va à Ispahan et l'autre à Jérusalem, un capitaine maltais, deux ou trois marchands chrétiens de Syrie établis à Alexandrie, dont l'un possédait une pauvre petite négresse d'environ 10 à 12 ans. Quand nous sommes arrivés sur le vapeur, nous l'avions vue blottie dans un coin et qui pleurait à chaudes larmes. – Elle avait l'air si misérable et si triste que les marins en étaient apitoyés. Joseph [le drogman génois], qui connaissait son propriétaire, m'a dit : « Il est de si grandes canailles, ces chrétiens de la Syrie ! bien pis que des Turcs. Il est de mauvaises gens tout à fait ; durs, savez-vous bien ? brutaux comme des mulets. » Hier nous l'avons vue comme ses maîtres lui faisaient prendre un bain de mer. Son pauvre petit corps noir était là tout nu sur la plage, les pieds dans l'eau, en plein soleil, avec sa tête noire frisée et un grand anneau d'argent passé à son cou. Ils l'ont savonnée avec du sable, et d'une si rude façon que la peau lui saignait. Après quoi on l'a entrée dans l'eau et rincée comme un caniche. Alors j'ai pensé aux jeunes personnes d'Europe qui sortent dans la rue avec leurs mères, ont des maîtres, jouent du piano, lisent des romans, les pieds dans leurs pantoufles brodées..."
Gustave Flaubert, lettre à Louis Bouilhet, Jérusalem, 20 août 1850 :
"Jérusalem est un charnier entouré de murailles. – Tout y pourrit, les chiens morts dans les rues, les religions sont dans les églises : (idée forte). Il y a quantité de merdes et de ruines. Le Juif polonais avec son bonnet de peau de renard glisse en silence le long des murs délabrés, à l'ombre desquels le soldat turc engourdi, roule, tout en fumant, son chapelet musulman. – Les Arméniens maudissent les Grecs, lesquels détestent les Latins, qui excommunient les Coptes. Tout cela est encore plus triste que grotesque. Ça peut bien être plus grotesque que triste. Tout dépend du point de vue. Mais n'anticipons pas sur les détails. (...)
– Ensuite, nous avons été à la maison de Ponce Pilate convertie en caserne. C'est-à-dire qu'il y a une caserne à la place où l'on dit que fut la maison de Ponce Pilate. De là on voit la place du Temple où est maintenant la belle mosquée d'Omar. M Nous t'en rapporterons un dessin. Le Saint-Sépulcre est l'agglomération de toutes les malédictions possibles. Dans un si petit espace il y a une église arménienne, une grecque, une latine, une copte. Tout cela s'injuriant, se maudissant du fond de l'âme, et empiétant sur le voisin à propos de chandeliers, de tapis et de tableaux, quels tableaux ! C'est le pacha turc qui a les clefs du St-Sépulcre. Quand on veut le visiter, il faut aller chercher les clefs chez lui. Je trouve ça très fort. Du reste c'est par humanité. Si le St-Sépulcre était livré aux chrétiens, ils s'y massacreraient infailliblement. On en a vu des exemples.
« Tanta religio ! etc. », comme dit le gentil Lucrèce."
Gustave Flaubert, lettre à Louis Bouilhet, Athènes, 19 décembre 1850 :
"Dans un autre lupanar [à Istanbul] nous avons baisé des Grecques et des Arméniennes passables. – La maison était tenue par une ancienne maîtresse de notre drogman. On était là chez soi. Aux murs il y avait des gravures tendres, et les scènes de la vie d'Héloïse et d'Abélard avec texte explicatif en français et en espagnol."
Voir également : L'esclavage dans l'Empire ottoman
XVIIe siècle : le rôle des Grecs dans l'esclavage des Turcs à Cadix en Espagne
XVIIe siècle : le rôle des Arméniens dans l'esclavage des Turcs à Cadix en Espagne
La traite esclavagiste des Slaves par les Byzantins
Stupidité superstitieuse et typiquement "levantine" des clergés grec-orthodoxe et arménien : ils se battent comme des chiffonniers au Saint-Sépulcre
Grecs, Arméniens : encore un effort pour être européens, modernes et civilisés
La prostitution dans l'Empire ottoman
"Le lendemain, ou plutôt 3 heures après, à 6 heures, nous nous sommes embarqués, bagages et gens, dans le canot du lazaret. Nous avions avec nous, comme devant être nos compagnons de captivité, deux moines Franciscains, dont l'un s'en va à Ispahan et l'autre à Jérusalem, un capitaine maltais, deux ou trois marchands chrétiens de Syrie établis à Alexandrie, dont l'un possédait une pauvre petite négresse d'environ 10 à 12 ans. Quand nous sommes arrivés sur le vapeur, nous l'avions vue blottie dans un coin et qui pleurait à chaudes larmes. – Elle avait l'air si misérable et si triste que les marins en étaient apitoyés. Joseph [le drogman génois], qui connaissait son propriétaire, m'a dit : « Il est de si grandes canailles, ces chrétiens de la Syrie ! bien pis que des Turcs. Il est de mauvaises gens tout à fait ; durs, savez-vous bien ? brutaux comme des mulets. » Hier nous l'avons vue comme ses maîtres lui faisaient prendre un bain de mer. Son pauvre petit corps noir était là tout nu sur la plage, les pieds dans l'eau, en plein soleil, avec sa tête noire frisée et un grand anneau d'argent passé à son cou. Ils l'ont savonnée avec du sable, et d'une si rude façon que la peau lui saignait. Après quoi on l'a entrée dans l'eau et rincée comme un caniche. Alors j'ai pensé aux jeunes personnes d'Europe qui sortent dans la rue avec leurs mères, ont des maîtres, jouent du piano, lisent des romans, les pieds dans leurs pantoufles brodées..."
Gustave Flaubert, lettre à Louis Bouilhet, Jérusalem, 20 août 1850 :
"Jérusalem est un charnier entouré de murailles. – Tout y pourrit, les chiens morts dans les rues, les religions sont dans les églises : (idée forte). Il y a quantité de merdes et de ruines. Le Juif polonais avec son bonnet de peau de renard glisse en silence le long des murs délabrés, à l'ombre desquels le soldat turc engourdi, roule, tout en fumant, son chapelet musulman. – Les Arméniens maudissent les Grecs, lesquels détestent les Latins, qui excommunient les Coptes. Tout cela est encore plus triste que grotesque. Ça peut bien être plus grotesque que triste. Tout dépend du point de vue. Mais n'anticipons pas sur les détails. (...)
– Ensuite, nous avons été à la maison de Ponce Pilate convertie en caserne. C'est-à-dire qu'il y a une caserne à la place où l'on dit que fut la maison de Ponce Pilate. De là on voit la place du Temple où est maintenant la belle mosquée d'Omar. M Nous t'en rapporterons un dessin. Le Saint-Sépulcre est l'agglomération de toutes les malédictions possibles. Dans un si petit espace il y a une église arménienne, une grecque, une latine, une copte. Tout cela s'injuriant, se maudissant du fond de l'âme, et empiétant sur le voisin à propos de chandeliers, de tapis et de tableaux, quels tableaux ! C'est le pacha turc qui a les clefs du St-Sépulcre. Quand on veut le visiter, il faut aller chercher les clefs chez lui. Je trouve ça très fort. Du reste c'est par humanité. Si le St-Sépulcre était livré aux chrétiens, ils s'y massacreraient infailliblement. On en a vu des exemples.
« Tanta religio ! etc. », comme dit le gentil Lucrèce."
Gustave Flaubert, lettre à Louis Bouilhet, Athènes, 19 décembre 1850 :
"Dans un autre lupanar [à Istanbul] nous avons baisé des Grecques et des Arméniennes passables. – La maison était tenue par une ancienne maîtresse de notre drogman. On était là chez soi. Aux murs il y avait des gravures tendres, et les scènes de la vie d'Héloïse et d'Abélard avec texte explicatif en français et en espagnol."
Voir également : L'esclavage dans l'Empire ottoman
XVIIe siècle : le rôle des Grecs dans l'esclavage des Turcs à Cadix en Espagne
XVIIe siècle : le rôle des Arméniens dans l'esclavage des Turcs à Cadix en Espagne
La traite esclavagiste des Slaves par les Byzantins
Stupidité superstitieuse et typiquement "levantine" des clergés grec-orthodoxe et arménien : ils se battent comme des chiffonniers au Saint-Sépulcre
Grecs, Arméniens : encore un effort pour être européens, modernes et civilisés
La prostitution dans l'Empire ottoman