De l'un au multiple
| ,IV. Les aléas des textes
Si c’était à refaire... ou : de la difficulté de traduire ce que Confucius n’a pas dit
If it were to be redone... or: on the difficulty of translating what Confucius did not say
Résumé
Since the first translation of the Confucian Analects into a European language in 1687, translators have concentrated on the discursive and notional contents of the text. The challenge today consists in discerning the specific traits of the type of wisdom that is expressed not only in Confucius’ words but also in what he did not say, i.e. his gestures, his silences and his frequent refusal to speak. This paper examines how modem translators have dealt with the Master’s reticence to speak by chronologically reviewing different translations of Lunyu IX, 1: , one of the most controversial pieces in the small world of “Lunyulogy”, into French, English, German and Italian.
The problem with this passage is that it is grammatically possible to under-stand and translate the sentence as most Chinese commentators and occidental translators have done: “The Master seldom spoke of profit, of destiny and of ren is taken here as a coordinative particle meaning “and”. From the point of view of contents however, this reading seems to contradict the evidence from the Lunyu as a whole: ren is the object of no less than 48 of the Analects’ 499 sections and can thus hardly be called a topic that the Master rarely touched upon. In order to avoid the apparent contradiction, a number of commentators and translators have proposed to take yu as a verb synonymous to xu
(“The Master seldom spoke of profit. But he gave instructions on destiny and on ren.”) or as meaning “in comparison with” (“The master discussed material gain more rarely than the Will of Heaven and humaneness”). Yet, nobody has been able to present sufficient proof for either reading. Most recent interpreters have therefore more or less resignatively reverted to the traditional understanding.
The saga illustrates Ezra Pound’s remark that “some translators think of everything ... save what the original author was driving at”. Rather than quibble about the meaning of yu or reason in statistical terms, why not concern oneself with the interpretation of yan ? As Liu Xie observed, Confucius’ disciples were well aware that the Master spoke in “subtle terms” (wei yan
). Is it unconceivable that han yan
designates a mode of communication analoguous to wei yan, relying not exclusively on discursive language but also on allusions and silences? Questions of this kind make the decision worthwhile to add a new version to the pile of existing translations, even of a “seminal” text like the Lunyu, if it were to be redone.
J.K.
Texte intégral
1Il existe plus d’une trentaine de traductions du Lunyu
Entretiens Livre de la Voie et de la Vertu Laozi Daodejing Laozi Lunyu Laozi Entretiens Le Monde,2Dans un texte comme les Entretiens, on se retrouve d’emblée confronté à l’éternel dilemme entre liberté littéraire, voire poétique, et littéralité. Le traducteur est maintenu dans une tension constante entre le devoir de se rendre accessible au public, et celui de rester fidèle, non seulement à la langue de départ, mais dans le cas présent, à la longue et complexe tradition exégétique dont le texte original a été l’objet.
3Si l’on opte pour la liberté, on peut, comme Pierre Ryckmans, se prendre à rêver d’une traduction par Henri Michaux (Ryckmans 1987 : 8, n. L). Pour ma part, je me suis beaucoup nourrie de Montaigne au moment où je travaillais à ma propre traduction (Cheng 1981). Un grand chantre de la liberté, au détriment quasi total de la littéralité, fut Ezra Pound : « The translation succeeds in its moderate aim if it gives the flavour of laconism and the sense of the live man speaking. » (Pound 1951 : 5.) Il me semble que le poète américain, avec son flair légendaire, a mis le doigt sur l’essentiel : pour le traducteur du Lunyu, il s’agit avant tout de rendre la « saveur du laconique » et la « sensation de l’homme vivant en train de parler ».
4Laconique, le Maître l’était parfois au point de refuser de parler. A plusieurs reprises dans les Entretiens, on surprend Confucius à rêver de pouvoir se passer du discours :
Le Maître dit : « J’aimerais tant me passer de la parole. »
Zigong lui objecte : « Mais si vous ne parliez pas, qu’aurions-nous, humbles disciples, à transmettre ? »
Et le Maître de reprendre : « Le Ciel lui-même parle-t-il jamais ? Les quatre saisons se succèdent, les cent créatures prolifèrent : qu’est-il besoin au Ciel de parler ? » (Lunyu XVII, 19.)
5La toute première traduction des Entretiens en une langue européenne est due à Philippe Couplet. En 1687, il achevait avec son équipe la traduction en latin du Lunyu, du Daxue
La Grande Étude Zhongyong L’Invariable MilieuConfucius Sinarum philosophus Lunyu- 1 . Sur l’histoire textuelle du Lunyu, voir Anne Cheng, « Lunyu », in Michael Loewe (éd.), 1993 : 313 (...)
6On s’efforce actuellement de discerner les traits spécifiques – sans référence à un modèle de comparaison – d’un type de sagesse qui s’exprime par les mots, mais aussi dans le non-dit, même si cela paraît relever du paradoxe, voire de la provocation, que de s’interroger sur la traduction de ce que le Maître n’a pas dit... C’est là un exercice périlleux et extrêmement aléatoire, auquel on est toutefois acculé vu que le texte même du Lunyu est tout ce qu’il y a de plus douteux : composite, compilé et édité sur une très longue période1.
7Il se trouve que l’un des passages les plus controversés du Lunyu (IX, 1.) illustre éminemment la réticence de Confucius à parler :
8Ces huit malheureux caractères sont devenus une véritable « tarte à la crème » dans le petit monde des spécialistes des Entretiens, mais c’est justement là ce qui en fait un bon test. Je vais donc me livrer à un petit jeu très européen : voir comment différentes traductions en français, anglais, allemand, italien (je fais l’impasse sur les traductions dans les langues dont je n’ai aucune notion, notamment en russe) choisissent de traduire ce passage considéré comme problématique. Ce qui me permettra de passer en revue de manière plus ou moins exhaustive et plus ou moins chronologique les traductions modernes (fin xixe-xxe siècle) des Entretiens dans des langues européennes. Autant que leur façon de traduire, ce qui m’intéresse est la justification qu’ils en donnent dans leur appareil critique (introduction, commentaires, notes, etc.).
9Ces huit caractères qui constituent la première section du Livre IX, il est grammaticalement tout à fait possible de les comprendre et de les interpréter comme l’ont fait la plupart des commentateurs chinois et des traducteurs occidentaux :
10Le Maître parlait peu du profitable, de la destinée, et du sens de l’humain (ren).
11Yu
Entretiens.et () la Voie céleste nous reste inaccessible. (V, 12.)
Chaque fois qu’il voyait quelqu’un en vêtements de deuil ou de cérémonie ou () un aveugle... (IX, 9.)
- 2 . Cf. Édouard Chavannes qui traduit dans le même sens, Mémoires historiques, vol. V : 405.
12De plus, le passage ne semble pas poser de problème de corruption textuelle : il est reproduit mot pour mot dans les Mémoires historiques (Shiji) de Sima Qian, achevés au ier siècle avant J.-C.2
- 3 . Traduction faite en 1841, parue en 1861 dans le premier volume de The Chinese Classics, avec The (...)
13L’éminent traducteur et missionnaire anglais James Legge (1814-1897), dans Confucian Analects3, traduit simplement :
The subjects of which the Master seldom spoke were – profitableness, and also the appointment (of Heaven), and perfect virtue.
- 4 . The Sayings of Confucius: a new translation of the greater part of the Confucian Analects, Londre (...)
14Il est suivi en cela par Angelo Zottoli, père jésuite de Nankin, dans son Cursus Litteraturae Sinicae (1882 : II, 279.), et par Séraphin Couvreur, également jésuite et missionnaire de son état, surnommé « le Legge français », dans Les Quatre Livres, 1895. On retrouve la même traduction en anglais chez Lionel Giles, pourtant critique de Legge, The Sayings of Confucius, 19074 ; et chez William Edward Soothill, successeur de Legge à Oxford, The Analects of Confucius (1910).
- 5 . Kungfutse Gesprdche (Lun Yü), Iéna, Eugen Diederichs Verlag, 1910 ; réimp. Eugen Diederichs Verla (...)
15En allemand, la même interprétation est donnée par Richard Wilhelm (Kungfutse Gesprdche, 19105) : « Worüber der Meister selten sprach, war : der Lohn, der Wille Gottes, die Sittlichkeit. »
16La traduction n’est pas commentée, mais précédée, comme toutes les sections, d’un « chapeau » qui me paraît constituer une indication intéressante : « Esoterisches ».
17Malgré tout, Legge ne peut s’empêcher d’émettre un doute :
With his not speaking of jen (ren) there is a difficulty which I know not how to solve. The 4th Book is nearly all occupied with it and no doubt it was a prominent topic in Confucius’s teachings.
18La difficulté dont parle Legge, c’est que du point de vue du contenu, les huit caractères de la section IX, 1 semblent contredire l’évidence qui ressort de tous les Entretiens : tout le monde s’accorde pour constater que le profit (li
ming ren Entretiens, ren. Entretiens19C’est un exercice très plaisant, voire drolatique, de passer en revue les trésors d’ingéniosité déployés en vue d’expliquer que Confucius ait peu parlé du ren. Voyons comment les commentateurs patentés du Lunyu justifient la lecture traditionnelle (la plus simple). Selon He Yan (190-249) de l’époque des Trois Royaumes, dont l’interprétation sera reprise par son sous-commentateur Xing Bing (931-1010) : « Rares sont ceux qui sont capables de l’atteindre (le ren). Voilà pourquoi (Confucius) en parlait peu. »
20Huang Kan (488-545), dans son Lunyu yishu, a une lecture à peu près équivalente : toutes ces choses sont si graves que Confucius pensait rarement que quelqu’un pourrait s’y conformer (Lunyu V, 7 et 18 ; VII, 4 ; XVIII, 1.) – opinion reprise sous les Qing par Ruan Yuan (1764-1849).
21L’interprétation des Song, exprimée par Cheng Yi (1033-1107), reprise ici par Zhu Xi (1130-1200), diffère quelque peu en ce qu’elle dissocie les trois éléments ; le Maître aurait peu parlé de chacun d’eux pour des raisons différentes :
Maître Cheng a dit : « Tabler sur le profitable, c’est nuire au juste ; le principe du décret céleste est subtil ; la Voie du ren est grande. Autant de choses dont le Maître parlait rarement. »
22Quant au grand confucéen des Tang, Han Yu (768-824), il essaie de finasser dans son Lunyu bijie en arguant que ce dont Confucius parlait rarement était les hommes de profit, de destin et d’humanité, et non des trois themes eux-mêmes.
23D’autres commentateurs ont tenté de donner une lecture quelque peu différente, en jouant sur d’autres valeurs de yu
yu, xu Xuezhai zhanbiConfucius parlait rarement du profit. (Mais) il donnait ses instructions (ou : il autorisait la discussion) sur le Décret, il en donnait sur l’humanité.
24Dans un article de 1933 (1933 : 347-351), Derk Bodde, alors dans ses jeunes années, reprend cette dernière lecture à son compte et conclut avec satisfaction :
This is not only grammatically correct, but gives a translation thoroughly in accordance with the spirit of the Analects as a whole.
- 6 . The Analects of Confucius, Londres, George Allen and Unwin, 1938. D’après la périodisation propos (...)
25Toutefois, dans une évaluation rétrospective faite à l’occasion d’une réédition de son article en 1981, Bodde constate avec amertume que son article n’a produit aucun effet, toutes les traductions ultérieures perpétuant allègrement la lecture traditionnelle. Arthur Waley traduit en 19386 : « The Master seldom spoke of profit or fate or Goodness. »
26Dans une note, Waley précise :
We may expand : Seldom spoke of matters from the point of view of what would pay best, but only from the point of view of what was right. He did not discuss whether Heaven determines all human actions (a question debated by the school of Mo Tzu in later days and evidently already raised in the time of Confucius). He refused to define Goodness or accord the title Good to any of his contemporaries.
27Même traduction traditionnelle chez Daniel Leslie (1962) : « Le Sage ne parlait du gain, de la destinée ou du bien que rarement. »
28Leslie se contente de remarquer en note : « Après la mort du Maître, le gain (li) et la destinée (ming) ont provoqué de vives discussions. »
29Une seule exception aux yeux de Derk Bodde : la traduction de James R. Ware, dans The Best of Confucius (1950), « who apparently tacitly accepted this interpretation » :
7The Master rarely spoke of profit : his attachment was to fate and to Manhood-at-its-best.
30Dans sa note, Ryckmans reconnaît cependant que « cette dernière lecture est grammaticalement possible, bien qu’assez artificielle ». Il dit s’y rallier faute de mieux, en invoquant lui aussi l’argument statistique :
) apparaît 109 fois dans le cours des Entretiens, c’est-à-dire plus souvent même que celui d’» honnête homme » junzi (107 fois), de « voie/ vérité » dao (60 fois) ou de « vertu » de (38 fois) !
31Tout récemment, André Lévy a tenté lui aussi d’interpréter yu dans un autre sens (Lévy 1994) : « Le maître ne parlait que rarement d’intérêt, que ce soit à propos de la destinée ou du sens de l’humanité. »
32Une note rappelle que :
L’interprétation traditionnelle de ce paragraphe, « Le Maître parlait rarement de profit et de destin et de ren » (...) a de quoi laisser perplexe, voire pantois, puisque l’affirmation est contredite par l’ouvrage même.
33André Lévy cite ensuite l’interprétation de Shi Shengzu et de Qian Mu pour leur emboîter le pas :
Il nous a semblé qu’à partir du sens « avec », tout à fait courant, en le faisant glisser à celui d’» à propos », on réduisait la contorsion philologique, d’autant que Confucius parle une seule fois de profit à propos de ren (cf. Lunyu IV, 2.).
34En fait, André Lévy ne reprend pas ici l’interprétation de yu comme verbe adoptée par Shi Shengzu, mais celle de Jiao Xun (1763-1820), dans son Lunyu bushu : lorsqu’il arrivait (rarement) à Confucius de parler de profit, c’était en relation avec (ou : à la lumière du) le Décret céleste et l’humanité.
The Master rarely discussed material gain compared with the will of heaven and compared with humaneness (subjects which he discussed frequently).
35Ou, en d’autres termes : « The Master discussed material gain more rarely than the Will of Heaven and humaneness. »
It is interesting to note that all these attempts are based on the assumption that the two occurrences of yu have the same function, serving either as a marker of coordination (« and »), as a verb (« to give forth »), or as a preposition (« compared with » ; « than »). If we base our interpretation of the passage on the hypothesis that the two forms have different functions, we arrive at the following translation which well tallies with what is known of the topics of the Master’s teaching : « The Master spoke more rarely of profit and human destiny than of humanity » (my italics).
36Cette traduction lui donne la satisfaction de coïncider avec les données statistiques :
This statement tallies well with the statistics provided by Wing-tsit Chan : « It is true that the topic of profit is mentioned in the Analects only 6 times and destiny or fate only 10 times, but 58 of the 499 chapters of the Analects are devoted to humanity and the word jen occurs 105 times. »
37Dans son évaluation a posteriori (1981) de son article de 1933, Derk Bodde revient sur l’hypothese de Malmqvist, qu’il trouve ingénieuse, mais peu convaincante :
yü words, being so closely spaced, would still function quite differently. Second, even if they did, I believe that such a construction would then probably require a shift in word order. The resulting sentence – still quite awkward, in my opinion – might then read : (“As to the Master, compared with (yü) humanity, he rarely spoke of profit and (yü) human destiny.”) (Bodde 1981.)
38Devant cet authentique « casse-tête chinois », même l’éminent professeur Chan Wing-tsit ne peut que baisser les bras de découragement :
Unless better evidence is discovered, we had better leave the contradiction unsolved. (Chan Wing-tsit 1954-1955)
39Force est de constater que la plupart des traductions récentes choisissent de s’en tenir à l’interprétation traditionnelle. Voir, par exemple, la traduction italienne, sans commentaire, de Fausto Tomassini (1974) :
Raramente il Maestro parlava del profitto, dei decreti del Cielo e della carità.
40De même, D.C. Lau (1979) traduit, sans commentaire :
The occasions on which the Master talked about profit, destiny and benevolence were rare.
41Ma propre traduction (1981) :
Le Maître parlait peu du profitable, du Décret Céleste, et du ren.
42s’accompagne d’une note fidèle à l’exégèse chinoise :
Le Maître parlait des choses, non en fonction du profit, mais en fonction du Juste. La question de savoir si le Ciel détermine toutes nos actions l’intéressait peu : on a souvent dit que la pensée confucéenne est une philosophie de l’homme et non du Ciel. Enfin, on a vu avec quelle réticence Confucius fournit une définition du ren ou accorde cette qualification à quelqu’un (cf. Livre IV.).
43Plus récemment encore, Raymond Dawson (1993) en revient à l’interprétation traditionnelle : « The Master seldom spoke of profit and fate and humaneness. »
44Dans sa note, Dawson tranche avec un pragmatisme tout britannique :
This chapter has made commentators adopt all kinds of tortuous explanations, especially since it seems from the Analects that he referred to « humaneness » frequently. But one must remember that the fact that this is paradoxical does not mili-tate against its being recorded.
45Cette saga ne fait qu’illustrer la remarque d’Ezra Pound : « Some translators think of everything, positively of everything, save what the original author was driving at. » (Pound 1951 : 8.)
46Au lieu de s’acharner sur yu
han Lunyu hou’an Entretiens, xuan Entretiensren 8ren,Ce dont le Maître ne parlait jamais : l’étrange, la force, le désordre, les esprits. (VII, 20.)
47Un autre disciple, Yan Hui, reçoit une réponse apparemment sans rapport avec la première :
Vaincre son ego pour se replacer dans le sens des rites, c’est là le ren. Quiconque s’en montrerait capable, ne serait-ce qu’une journée, verrait le monde entier rendre hommage à son ren. N’est-ce pas de soi-même, et non des autres, qu’il faut en attendre l’accomplissement ? (XII, 1.)
48A un troisième, il est répondu :
En public, comporte-toi toujours comme en présence d’un invité de marque. Au gouvernement, traite le peuple avec toute la gravité de qui participe à un grand sacrifice. Ce que tu ne voudrais pas que l’on te fasse, ne l’inflige pas aux autres. Ainsi, nul ressentiment ne sera dirigé contre toi, que tu sois au service de l’État ou d’une grande famille. (XII, 2.)
49Il n’est guère étonnant, dès lors, que les disciples aient constamment l’impression que le Maître « ne leur dit pas tout » :
Zigong dit : « L’enseignement de notre Maître nous initie aux arts et aux rituels, mais sa vision de la nature humaine et de la Voie céleste nous reste inaccessible. » (V, 13.)
50On voit le disciple Ziqin intercepter Boyu, le fils de Confucius, pour lui demander en catimini : « Votre père ne vous a-t-il pas enseigné autre chose qu’à nous autres, ses disciples ? » (XVI, 13.)
51Le Maître dit encore à ses disciples :
Mes amis, vous pensez peut-être que je vous cache quelque chose. Non, je ne vous cache rien. Il n’est rien de ce que je pratique que je ne partage avec vous : telle est ma vraie nature. (VII, 23.)
52Les Entretiens laissent également entrevoir une sorte de communication muette entre le Maître et son disciple préféré Yan Hui : « A (Yan) Hui il suffit d’expliquer une chose pour qu’il en comprenne dix. » (V, 8.)
53A partir des Han (206 av. J.-C. – 220 après J.-C.) s’impose l’idée que Confucius est le dernier maître authentique, c’est-à-dire détenteur d’une « parole subtile » qui était en fait plus proche d’une manière d’être que d’une manière de parler, comme en témoigne l’historien Ban Gu : « Jadis, avec la disparition de Confucius, ce fut la fin des propos subtils (weiyan
54Remarque reprise au vie siècle par Liu Xie (465-522) : « Jadis Confucius parla en termes subtils (weiyan) et c’est ce qui fut noté par ses disciples. » (Liu Xie, 18 : 201.)
55Ne pourrait-on pas concevoir que le hanyan
weiyan yanjiao shenjiao EntretiensBibliographie
56Ban Gu. 1962. Han shu 30, Yiwen zhi. Pékin, Éd. Zonghua shuju.
57Bodde, Derk. 1933. « A Perplexing Passage in the Confucian Analects ». Journal of the American Oriental Society, 53, 4 : 347-351.
58– 1981. « A Perplexing Passage in the Confucian Analects », republié in Charles Le Blanc & Dorothy Borei (éd.), Essays on Chinese Civilization. Princeton University Press : 383-387.
59Chan Wing-tsit. 1975. « Chinese and Western Interpretations of Jen ». Journal of Chinese Philosophy, 4 : 107-129.
60– 1954-1955. « The Evolution of the Confucian Concept Jen ». Philosophy East and West, 4 : 295-319.
61Chavannes, Édouard. 1895/1897. Les Mémoires historiques de Sseu-ma Tsien. Paris, Leroux/Maisonneuve.
62Cheng, Anne. 1981. Entretiens de Confucius. Paris, Éd. du Seuil.
63– 1993. « Lunyu », in Michael Loewe (éd.), Early Chinese Texts : A Bibliographical Guide. Berkeley, University of California, The Society for the Study of Early China & The Institute of East Asian Studies : 313-323.
64Collani, Claudia von. 1990. « Philippe Couplet’s Missionary Attitude Towards the Chinese in Confucius Sinarum Philosophus », in Jerome Heyndrickx (éd.), Philippe Couplet, S.J. (1623-1693) : The Man who Brought China to Europe. Nettetal, Steyler.
65Couvreur, Séraphin. 1895. Les Quatre Livres, avec un commentaire abrégé en chinois, une double traduction en français et en latin, et un vocabulaire des lettres et des noms propres. Ho Kien Fou, Imprimerie de la mission catholique.
66Dawson, Raymond. 1993. Confucius, The Analects. Oxford, Oxford University Press, Coll. « The World’s Classics ».
67Giles, Lionel. 1907. The Sayings of Confucius : A New Translation of the greater Part of the Confucian Analects. Londres, John Murray.
68Gu Hongming. 1898. The Discourses and Sayings of Confucius. Shanghai, Kelly & Walsh.
69Hu Zhikui. 1978. Lunyu bianzheng. Taipei, Lianjing chuban shiye gongsi.
70Kimura Eiichi. 1971. Kôchi to Rongo. Tokyo, Sôbunsha.
71Laufer, Berthold. 1934. « Lun Yü IX, 1 ». Journal of the American Oriental Society, 54.
72Legge, James. 1893. « Confucian Analects », in The Chinese Classics. Oxford, Clarendon Press.
73Leslie, Daniel (ou Donald). 1962. Confucius. Paris, Seghers, « Philosophes de tous les temps ».
74Lévy, André. 1994. Les entretiens de Confucius et de ses disciples. Paris, GF-Flammarion.
75Malmqvist, Göran. 1978. « What did the Master say ? », in David T. Roy & Tsuen-hsuin Tsien (éd.), Ancient China : Studies in Early Civilization. Hong-Kong, The Chinese University Press : 137-155.
76Pound, Ezra. 1951. Confucian Analects. Londres, Peter Owen.
77Roy, Claude. 1987. Article. Le Monde, 27 nov. : 19.
78Ryckmans, Pierre. 1987. Les entretiens de Confucius. Préface d’Étiemble. Paris, Gallimard.
79Soothill, William Edward. 1910. The Analects of Confucius. Édimbourg, Oliphant, Anderson & Ferrier.
80Takeuchi Yoshio. 1979. « Rongo no kenkyû », in Takeuchi Yoshio zenshû, 10 vol., vol. 1, 1re publication 1939.
81Tomassini, Fausto. 1974. Testi Confuciani (Xiaojing, Daxue, Zhongyong, Lunyu, Mengzi). Introduction de Lionello Lanciotti. Turin, Unione Tipografico-Editrice Torinese, Classici delle religioni.
82Waley, Arthur. 1938. The Analects of Confucius. Londres, George Allen & Unwin.
83Ware, James R. 1950. The Best of Confucius. New York, Halcyon House. Republié sous le titre Sayings of Confucius, New York & Toronto, Mentor.
84Wilhelm, Richard. 1910. Kungfutse Gespräche (Lun Yu). Iéna, Eugen Diederichs Verlag. Réimp. Düsseldorf-Cologne, Eugen Diederichs Verlag, 1955.
85Zottoli, Angelo. 1882. Cursus Litteraturae Sinicae. Shanghai, Mission catholique, 5 vol.
Notes
1 . Sur l’histoire textuelle du Lunyu, voir Anne Cheng, « Lunyu », in Michael Loewe (éd.), 1993 : 313-323. Voir aussi Takeuchi Yoshio , Rongo no kenkyû
(première publication 1939), in Takeuchi Yoshio zenshû
, 10 vols., 1979, vol. 1 ; Kimura Eiichi
, Kôshi to Rongo
, 1971 ; Hu Zhikui
, Lunyu hianzheng
, 1978.
2 . Cf. Édouard Chavannes qui traduit dans le même sens, Mémoires historiques, vol. V : 405.
3 . Traduction faite en 1841, parue en 1861 dans le premier volume de The Chinese Classics, avec The Great Learning (Daxué) et The Doctrine of the Mean (Zhongyong).
4 . The Sayings of Confucius: a new translation of the greater part of the Confucian Analects, Londres, John Murray, 1907. Même le traducteur chinois Gu Hongming, critique acerbe de Legge, n’a rien de mieux à proposer dans The Discourses and Sayings of Confucius, Shanghai, Kelly and Walsh, 1898.
5 . Kungfutse Gesprdche (Lun Yü), Iéna, Eugen Diederichs Verlag, 1910 ; réimp. Eugen Diederichs Verlag, Düsseldorf-Cologne, 1955. Wilhelm fait précéder sa traduction de chaque section du Lunyu d’un « titre » ou d’un « chapeau » qui en indique le thème général.
6 . The Analects of Confucius, Londres, George Allen and Unwin, 1938. D’après la périodisation proposée par Waley, le livre IX ferait partie du oldest stratum (p. 21) ; mais Waley ne diverge pas de Legge dans sa traduction de IX, 1. Même chose chez Lin Yutang, The Wisdom of Confucius, New York, The Modern Library, 1938.
7 . Cf. Lunyu yaolüe (L’essentiel sur les Entretiens), Shanghai, Shangwu yinshuguan, 1930, republié Taipei, Taiwan shangwu, 1965.
8 . Pour un exemple de cette adaptation de l’enseignement à la personnalité de l’interlocuteur, cf. Entretiens, XI, 21 et II, 5, 6, 7, 8, où Confucius répond de façon différente à quatre interlocuteurs qui lui posent pourtant la même question : « Qu’est-ce que la piété filiale? »
Table des illustrations
© Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 1999
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