Phocée (act. Foça en Turquie) est une des 12 cités grecques de la confédération ionienne au même titre, par exemple, qu’Éphèse et Milet. La tradition en fait une cité de Phocidiens, c’est-à-dire de grecs originaires de Phocide, le territoire sacré de la Grèce antique.
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Mais la grande caractéristique des phocéens, nous raconte Hérodote (Histoire, I, CLXIII), c’est que ce sont de sacrés bons marins : ce sont les premiers grecs à s’adonner à la navigation au long cours et à s’éloigner substantiellement du monde grec.
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(Détail amusant : les phocéens, nous dit Hérodote, naviguent en Pentécontère, c’est-à-dire sur des navires de guerre version king size : 50 rameurs, longs de 38 mètres, larges de 5 et, accessoirement, à fond plat — très pratique pour remonter des fleuves).
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Il faut bien mesurer qu’au VIIe siècle av. J.-C. et du point de vue d’un grec, la Méditerranée occidentale c’est le bout du monde : à part les phéniciens de Carthage personne n’y met les pieds ; passé le détroit de Messine, c’est un monde de sauvages flippants.
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Sauf que les phocéens, eux, ils y vont quand même et ils poussent même le vice jusqu’à y fonder des comptoirs commerciaux : Élée (Vélia) sur la côte tyrrhénienne, Alalia (Aléria) en Corse, Emporion (Empúries) en Catalogne, Héméroskopéion (Dénia) en Espagne…
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… et c’est sans doute pour assurer la liaison jusqu’aux côtes ibères que les phocéens fondent aussi Massalia (Marseille).
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Pour ce qui est de la date, les sources antiques (Trogue Pompée place ça à l’époque de Tarquin l’Ancien par exemple) comme les découvertes archéologiques récentes pointent toutes vers environ 600 av. J.-C. (quand ça n’est pas *exactement* 600 av. J.-C.)
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Pour ce qui est du mythe fondateur, on a deux versions : celle d’Aristote (rapportée par Athénée de Naucratis) et celle de Trogue Pompée (abrégée par Justin). En gros, le chef des grecs épouse une princesse locale et c’est parti !
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Pour ce qui est du lieu, la calanque du Lacydon (act. Vieux Port), c’est une évidence : le coin est juste parfait. Facile à défendre, protégé des vents dominants (Mistral et vent d’Est), quelques belles collines, des sources d’eau douce : c’est le port idéal.
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Manifestement, les affaires des colons marseillais vont très vite tourner à plein régime. La ville s’étend et, de simple étape vers l’Ibérie, il semble que nos grecs comprennent assez vite qu’ils ont une carte (commerciale) à jouer avec l’arrière-pays et la vallée du Rhône.
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Mais le vrai moment clé c’est, vers 545 av. J.-C., quand Phocée est prise par les perses de Cyrus et son commandant en chef Harpage : tous les phocéens qui le peuvent s’enfuient et partent rejoindre leurs colonies, notamment en Méditerranée occidentale.
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Les auteurs antiques ne sont pas d’accord sur les détails mais il semble, globalement, qu’un contingent de phocéens se taille à Alalia (en Corse) mais, se livrant un peu trop à la piraterie, finissent par se pendre une coalition carthagino-étrusque sur la tronche.
#OoopsShow this thread -
C’est la bataille d’Alalia (vers 540-535 av. J.-C.) : 60 navires carthagino-étrusques contre autant de bateaux phocéens (d’après Hérodote), un vrai carnage et une victoire ou une défaite grecque en fonction de qui la raconte. C’est pas clair du tout.
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Ce qui est clair, en revanche, c’est que les marseillais ont la nette impression d’y avoir gagné quelques chose — genre le contrôle de toute la côte Nord de la Méditerranée occidentale. C’est à cette époque qu’ils érigent leur Trésor à Delphes pour célébrer l’évènement.
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(On est à peu près sûr d’avoir identifié ledit trésor dans le sanctuaire d’Athéna (terrasse de la Marmaria) : un véritable chef d’œuvre d’architecture grecque par lequel les marseillais signifient au monde grec qu’ils sont, désormais, une cité à part entière.)
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La population de Marseille explose et, malgré des relations parfois tumultueuses avec les autochtones, le commerce entre le monde méditerranéen et la vallée du Rhône (et au-delà), enrichi prodigieusement la cité phocéenne.
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Le portrait que tracent les auteurs antiques de Marseille et des marseillais a de quoi surprendre le lecteur moderne. Démonstration :
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Déjà, Marseille n’est pas seulement une ville grecque : c’est un modèle de cité grecque. Tite-Live (XXXVII, 54, 18-22) fait clairement état du respect que les marseillais imposent aux autres grecs, y compris ceux qui vivent en Grèce même.
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Strabon (Géographie, IV, 1) estime pour sa part que « la constitution de Massalia, avec sa forme aristocratique, peut être citée comme le modèle des gouvernements » et décrit dans le détail l’organisation « oligarchique » selon Aristote (Politique, VIII, V, 2) de la cité :
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Le conseil des Six-Cent (voir aussi Valère Maxime, II, VI), les 15 premiers (voir aussi Jules César, Guerre civile, I, 35) et l’espèce de triumvirat qui domine l’ensemble. « Les lois sont les lois ioniennes, précise Strabon, elles sont toujours exposées en public. »
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Les marseillais, nous disent tous les auteurs antiques (et notamment les romains), brillent par l’austérité de leurs mœurs, leur conservatisme moral, politique et religieux et leur attachement sans failles aux anciennes coutumes grecques.
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Cicéron (Pro Flacco, XXVI) les décrits comme « irréprochables », « ô Marseille, […] vous dont les mœurs et les solides vertus sont à mes yeux préférables à tout ce qu’on voit, je ne dis pas dans la Grèce, mais peut-être chez tous les peuples. »
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Marseille, c’est aussi l’alliée préférée de Rome. À vrai dire, personne ne sait à quand ça remonte ; à tel point qu’on est presque tenté de suivre Trogue Pompée et de croire qu’un traité d’amitié existe depuis Tarquin l’Ancien et donc la fondation de Marseille.
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Les romains, là-dessus aussi, sont unanimes et on pourrait multiplier les citations. Ma préférée est de Cicéron (Huitième Philippique, VI) : « Nul ne peut, selon moi, être ennemi de Marseille, s’il est l’ami de Rome. » C’est clair non ?
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De fait, la mémoire collective romaine se souvient que ce sont les marseillais qui ont contribué à payer la rançon exigée par Brennos lors du sac de Rome (390 av. J.-C.). Ça leur vaudra, entre autres, un traité « sur un pied d’égalité » (Justin, XLIII) avec Rome.
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(C’est à partir de ce moment, toujours selon Justin et donc Trogue Pompée, que les marseillais peuvent aussi commercer à Rome sans payer d’impôts et que, juste pour le fun, ils sont invités dans les tribunes des sénateurs pour assister aux spectacles.)
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« Du reste, écrit Polybe (Histoire, III, XCV), de tous les peuples, c’est celui de Marseille qui, dans la suite et surtout pendant la guerre d’Annibal, s’associa avec le plus de dévouement à la fortune de Rome. » Tite-Live (XXI, 21, 20) dit la même chose.
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Quant à Cicéron (Huitième Philippique, VI), il estime carrément que Marseille est la « cité sans laquelle jamais nos ancêtres n’ont triomphé des nations transalpines. » Il en remet d’ailleurs une couche dans *De Officiis* (II, 8).
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Quand, entre 125 et 121 av. J.-C., Marseille sera au prise avec son arrière-pays celto-ligures, Rome n’hésitera d’ailleurs pas une seconde et enverra ses légions débarrasser la côte et rendre leurs comptoirs aux phocéens.
#CoeurAvecLesDoigtsShow this thread -
(Bon, ça n’est pas totalement désintéressé : ils en profitent aussi pour mettre un pied de ce côté des Alpes et fonder la Narbonnaise mais, à l’époque, ça devait pas mal arranger des marseillais d’avoir une solide infanterie pour les protéger.)
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