Fabrice Deprez

Le voici ressorti par l’ancien ambassadeur français aux USAhttps://twitter.com/GerardAraud/status/1153072563620405250?s=03 …

Et ici encore par un chercheur spécialiste de l’Ukraine et de la Russiehttps://twitter.com/steven_pifer/status/1153368257983700998?s=03 …

Commençons par le commencement: non, les néo-nazis ne contrôlent pas et n’ont jamais contrôlé l’Ukraine. Leur poids électoral est, et a toujours été absolument minime. Non, l'anti-sémitisme n'est pas un problème en Ukraine (et tout cas pas plus, et sans doute moins, qu'en France)

Une fois qu’on a dit ça, est-ce vrai qu’”aucun parti nationaliste” ne dépasse les 5%? Ça se débat… voilà de nombreux mois que Petro Porochenko, d’abord comme président puis comme candidat, déploie une rhétorique ouvertement nationaliste.

Dimanche, le jour des élections parlementaires, il a assuré que son parti protégerait l’Ukraine contre la “cinquième colonne pro-russe.” Ce n’était pas un écart balancé sous le coup de l’émotion, c’est son argumentaire électoral depuis plusieurs mois.

Maintenant, que Porochenko fasse usage d’une rhétorique nationaliste ne veut pas forcément dire que son parti peut être qualifié de nationaliste. Comme je disais, ça se débat. Mais c’est déjà un peu plus compliqué que prévu…

Ensuite, le cœur du sujet: l’extrême-droite ukrainienne. Quand les gens soulignent leur faible poids électoral, il y a derrière cette idée que poids électoral signifie influence. L’extrême droite ukrainienne n’a aucun poids électoral, elle n’a donc pas d’influence.

C'est évidemment faux. Le poids électoral n'est qu'un indicateur parmi d'autres, et ne dit en soi pas grand chose de l'influence d'un groupe.

L'extrême droite ukrainienne a depuis quelques années une véritable influence en #Ukraine. Ils ne contrôlent pas le pays mais leur poids est largement supérieur à ce qu'on peut voir dans n'importe quel pays européen. Mais ça se joue dans la rue et les réseaux, pas dans les urnes.

On est sur Twitter et c’est un sujet compliqué, donc je vais essayer de me limiter à quelques exemples qui pourront vous donner une idée de ce poids, souvent informel, mais réel.

En mai, Evgen Karas et plusieurs membres de son organisation, C14, sont reçus par le patriarche honoraire Filaret, alors l’un des membres les plus puissants de la nouvelle Église orthodoxe ukrainienne. Ils vont recevoir une médaille “pour leur sacrifice et amour de l’Ukraine.”

(Filaret s'est abattu en flamme ces dernières semaines et n'est clairement plus si influent, mais c'est un autre sujet)

Comment le chef d’un groupuscule néo-nazi est parvenu a se faire inviter à cet évènement ultra exclusif, dans un lieu alors ultra sécurisé, où se trouvait notamment le président Petro Porochenko? Mystère.

L’un des principaux bénéficiaires de cette aide: Azov, un bataillon de volontaires qui a depuis pondu une myriade d’organisations ultra nationalistes. Parti politique, milice, organisation pour la jeunesse, organisation historique… ils sont sur tous les fronts.

Ils sont présents dans toutes les grandes villes et villes moyennes d’Ukraine, et occupent souvent très belles installations qui posent la question de leur financement. Ici malheureusement, c’est toujours peu clair.

Mais l’extrême-droite ukrainienne est aussi parvenue, notamment grâce à leur participation au conflit dans l’Est, a se doter d’une aura de prestige qui leur offre une véritable protection.

Notez par exemple que Porochenko mais aussi Zelensky ont félicité le bataillon Azov durant leur campagne présidentielle.

Ils ont aussi très souvent été décrits comme des “activistes” par la presse ukrainienne, une confusion qu’ils entretiennent volontairement en tentant des noyauter des actions, par exemple anti-corruption, mises en place par d’autres organisations plus “clean.”

C’est ainsi qu’on a eu l’année dernière cette situation complètement surréelle ou des organisations d’extrême droite demandaient que l’Etat ukrainien réagisse face a la montée (réelle) des attaques contre des activistes…