Tard dans la soirée du 18 décembre, l’Agence nationale de l’habitat (Anah) a été privée par le gouvernement de 130 millions d’euros qui auraient pu alimenter son budget 2019. En plus d’être le principal opérateur de la rénovation énergétique dans l’habitat privé, l’Anah a pour mission de « lutter contre les fractures sociales et territoriales » : l’agence va ainsi intervenir, en lien avec les collectivités territoriales, pour résorber l’habitat insalubre à Marseille à la suite de l’effondrement de deux immeubles rue d’Aubagne le 5 novembre dernier (voir notre reportage).
Intervenant également pour dynamiser le cœur des villes et bourgs en difficulté ou encore pour aider les ménages à adapter leur logement à la perte d’autonomie, l’Anah ne cesse de voir ses missions s’étendre et, en même temps, devenir plus urgentes. Ainsi, elle pilote le tout nouveau plan « Initiative copropriétés » annoncé par le gouvernement le 10 octobre dernier, qui vise à « apporter les moyens de lutter efficacement contre les copropriétés dégradées », soit 684 copropriétés en difficulté représentant près de 56 000 logements dans 26 territoires.
Face à ces nouvelles missions, le budget de l’Anah a été augmenté pour l’année 2019. Le gouvernement a en effet décidé de lui attribuer une part plus conséquente des taxes sur les logements vacants (+ 40 millions d’euros), portant le budget de l’agence à 874,1 millions d’euros, en hausse de 9,3 % par rapport à 2018. Dans le même temps, il a également décidé de réduire de 130 millions d’euros les financements que l’Anah obtient de la mise aux enchères d’une partie des quotas d’émission de CO2. Ces quotas de CO2 sont ceux dont les entreprises les plus polluantes ont besoin pour avoir le droit de relâcher des gaz à effet de serre dans l’atmosphère.
La lutte contre la précarité énergétique et la transition écologique devront encore patienter
Jusqu’à présent, la loi de finance prévoyait que l’Anah pouvait récupérer jusqu’à 550 millions d’euros de la vente de ces quotas. C’est ce plafond que le gouvernement a décidé de réduire à 420 millions d’euros, privant ainsi l’Anah de la différence. Le 29 novembre dernier, les sénateurs avaient pourtant alerté, indiquant que ce n’était pas « un signal positif » : leur amendement, voté aussi bien par la droite que par la gauche et contre l’avis du gouvernement, avait permis de rétablir une première fois ce plafond de 550 millions. En deuxième lecture à l’Assemblée nationale, le gouvernement a préféré ne pas en tenir compte.
Pourquoi le gouvernement augmente-t-il le budget de l’Anah tout en réduisant certains de ces crédits ? En raison du très faible cours de la tonne carbone sur le marché européen (environ 5 euros), ce plafond de 550 millions d’euros n’avait encore jamais été atteint [1]. Cela devrait changer : depuis quelques mois, les cours du CO2 remontent (environ 20 euros désormais), et le produit de la mise aux enchères de ces quotas pourrait tripler. Le ministère de l’Économie et des Finances a donc proposé au gouvernement d’en transférer une part conséquence au budget général de l’État et de réduire celle dévolue à l’Anah.
Plutôt qu’écouter les sénateurs, plusieurs députés et bon nombre d’ONG, le gouvernement a donc une nouvelle fois décidé d’utiliser l’aubaine que constitue l’augmentation du produit de la fiscalité écologique pour financer les cadeaux fiscaux accordés aux plus riches et aux multinationales. La rénovation des logements insalubres, la transition écologique et la lutte contre la précarité énergétique devront encore patienter.
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