Le fascisme ukrainien et sa survivance dans les instances représentatives ukrainiennes. 1929-1947
Nous allons commencer une série d'articles sur l'histoire du fascisme ukrainien et sa survie dans la diaspora ainsi que le rôle joué par la CIA dans sa renaissance dans la République Socialiste Soviétique d'Ukraine et après l'indépendance. Cette première partie s'arrêtant à la guerre froide, permettra de montrer pourquoi l'utilisation du mot néo-nazi pour l'ensemble des mouvements nationalistes ukrainiens actuels est abusive.
Nous allons commencer une série d'articles sur l'histoire du fascisme ukrainien et sa survie dans la diaspora ainsi que le rôle joué par la CIA dans sa renaissance dans la République Socialiste Soviétique d'Ukraine et après l'indépendance. Cette première partie s'arrêtant à la guerre froide, permettra de montrer pourquoi l'utilisation du mot néo-nazi pour l'ensemble des mouvements nationalistes ukrainiens est abusive.
Partie 1 : Le fascisme ukrainien 1929-1947.
Le fascisme est basé sur la dictature d'un parti unique, dans le cas de l'Ukraine l' ОУН* (OUN = Organisation des nationalistes ukrainiens), ayant à sa tête un guide, le vozhd (guide, en allemand Führer et en italien duce). Une des autres caractéristiques du fascisme est le rejet de la démocratie : Les membres de l'OUN, dans leur recherche des causes de l'échec de la lutte pour l'indépendance ukrainienne (1917-1920) furent convaincus que les masses avaient cherché un état indépendant mais qu'elles avaient été déçues et frustrées par le manque de leadership gouvernemental. La critique de ce manquement augmenta en un rejet systématique des principes démocratiques et socialistes qui furent la marque du mouvement national ukrainien à la fin du XIXe et du début du XXe siècle.
Projet de création de la République d'Ukraine lors de la conférence de Paris en 1919.
La troisième des caractéristiques du fascisme est l'exaltation nationaliste. Le nationalisme ukrainien a pris une ampleur significative à la fin du XIXéme (voir les œuvres et la bibliographie de Mykola Mikhnovsky). L’Ukraine en tant qu'Etat voit le jour en 1917, suite à l'écroulement des empires austro-hongrois et russe entraîné par la première guerre mondiale. La création de cette République engendra une balkanisation de la région et une série de conflits (ukraino-polonais, ukraino-russe) qui conduisirent à la disparition de la République Populaire d'Ukraine et au partage des territoires entre l'URSS et la Pologne principalement. Cette première naissance de l'Ukraine a été associée à une vague importante d'antisémitisme et de pogroms dénoncés à la Société des Nations (ancêtre de l'ONU). La seconde naissance de l'Ukraine en 1941 a quant à elle était marquée par l’antisémitisme et l'épuration ethnique des polonais (de 40.000 à 60.000 morts). Le projet territorial ukrainien présenté à la conférence de paix de 1919 (voir figure ci-dessus) basé sur la présence actuelle et historique de sujets ukrainiens constitue une idéologie tout à fait comparable au Volkstum du pangermanisme. Ce projet est repris dans l'acte créatif de l'OUN en définissant l'Ukraine comme l'ensemble des territoires peuplés ou ayant été peuplés par des ukrainiens.
Donc, un parti unique, un rejet de la démocratie, l'exaltation nationaliste, l'antisémitisme, l'épuration ethnique, le projet territorial (pan-ukrainisme) font de l'OUN un parti fasciste à part entière.
1941. Les Ukrainiens du bataillon Nachtigall défilent à Kharkov devant les autorités allemandes.
Liens et collaboration avec le fascisme Allemand (Nazisme).
De nombreux liens ont existé entre le nazisme et le fascisme ukrainien. Dès 1933, Richard Yari et Yevhen Konovalets entament des négociations avec la Gestapo. La même année Stepan Bandera fut porté à la tête de la zone ouest de l'OUN à Berlin. Dès 1934, il devint un agent de la gestapo. La quasi totalité des leaders nationalistes ukrainiens ont été membres de l'Abwehr (ex : Yari, Bandera). Cette collaboration OYN/nazisme se concrétisa en 1941 par un don de 2,5 millions de marks et la création de la Légion ukrainienne, composée des bataillons Nachtigall et Roland.
Le bataillon Nachtigall et la recréation de l'état Ukrainien.
Ce bataillon libéra la ville de Lviv le 29 Juin 1941 où fut proclamé l’indépendance de l'Ukraine (30 Juin 1941). La renaissance de l'Ukraine fut immédiatement suivie de pogroms, tout comme ce fut le cas en 1917. La déclaration d'indépendance de l'Ukraine par l'OUN sans accord préalable avec leurs alliés nazis provoqua la fin de leur collaboration. A partir de cette date, une partie des nationalistes ukrainiens rejoignirent la 14éme division SS Galicie et les autres rentrèrent en lutte contre les forces d'occupation allemandes puis soviétiques au sein de l'UPA. Après 1944, l’Allemagne porta à nouveau son soutien à l'UPA pour freiner l'avancée des troupes soviétiques.
L'épuration ethnique des populations polonaises par l'UPA.
La rupture avec le nazisme ne mit pas fin aux massacres commis par l'UPA, bien au contraire. Une épuration ethnique des polonais commença à partir d'avril 1943 pour éviter que comme en 1918 la Pologne puisse revendiquer la Galicie peuplée de polonais (1). Pour la seule journée du 11 Juillet 1943, 10 000 polonais ont été massacrés par l'UPA (2).
L'UPA a commis des crimes contre l'humanité (participation à la Shoah), des crimes de guerre (épuration ethnique des polonais) qui font d'elle, légale des Waffen SS et des Einsatzgruppen.
Pourquoi l'OUN n'a été poursuivie pour crime contre l'humanité ?
L'enquête par le Procureur Général soviétique Roman Rudenko, incrimina uniquement les forces allemandes pour les massacres commis principalement en Galicie, évitant ainsi à l'URSS de se retrouver complice de la Shoah par le biais de l'Ukraine (voir les controverses de Lviv).
Les USA voulant se servir des réseaux de l'OUN et de l'UPA furent tout aussi discrets sur leurs rôles dans la Shoah en échange d'une collaboration avec la CIA
Rapport de la CIA sur l'opération Belladonna
Dès 1946 fut mise en place l'opération Belladonna qui consista au recrutement d'agents au sein de l’église catholique orientale d'Ukraine par le biais d'Ivan Hrinioch. Cette opération fut suivie en 1948 par le programme "Cartel", centré autour de Mykola Lebed opposant à la dictature de Bandera au sein de la diaspora ukrainienne.
Les contacts entre Bandera et la CIA furent rompus en 1951, lorsque les USA renoncèrent à l'idée d'une Ukraine indépendante. A partir de cette date les réseaux Hrninioch-Lebel furent les seuls utilisés par les USA. Stepan Bandera associé à Stetsko fut quant à lui, l'homme du MI6 anglais jusqu'en 1954.
Au milieux des années 80, les agents de la CIA distribuèrent des cassettes audio de chants de l'UPA en Ukraine pour promouvoir le nationalisme.
A partir de 1985, la CIA commence à protéger Mykola Lebed qui est rattrapé par les crimes commis durant la seconde guerre mondiale.
La dernière pression de la CIA pour protéger l'OUN remonte à 1991, lorsqu'elle a essayé de dissuader l'OSI* d'approcher les gouvernements allemand, polonais et soviétiques pour les dossiers liés à la guerre.
Défascisation de l'OUN(M).
Elle fut entreprise au 3éme congrès général de l'OUN. Lors de ce dernier, il fut décidé de limiter le pouvoir du chef de file par la mise en place d'un congrès se réunissant tous les trois ans et d’introduire comme programme les principes d'égalité devant la loi, l'indépendance judiciaire et la liberté de conscience, de parole, de la presse, et d'opposition politique au sein du parti.
Épilogue : de l'usage abusif du terme néo-nazi et de la réduction "ad hitlerum".
Dès qu'il est sujet de nationalisme ukrainien, le terme "néo-nazi" est systématiquement utilisé par la presse dite de réinformation. Or, comme le démontre cet article le terme "fasciste", le seul utilisé par la presse russophone, est bien plus approprié. L'OUN est un parti fasciste à part entière d'abord allié puis concurrent au nazisme. Il ne peut donc pas être assimilé à ce dernier. Seul les galiciens ayant intégré la 14éme division SS Galicie ont épousé la cause nazi à part entière. Il en découle la classification suivante des partis nationalistes ukrainiens actuels :
Praviy Sektor : filiation spirituelle avec l'UPA donc parti fasciste.
UNA-UNSO : même créneau que le précédent mais avec une composante religieuse (Eglise Orthodoxe d'Ukraine). Parti fasciste.
Parti Svoba : de part son origine galicienne, ses orientations idéologiques (référence à la 14éme division SS), paganisme : néo-nazi.
Samopovitch : raciste (russophobe-antisémite), galicien, catholique. un parallèle avec le fascisme italien est envisageable.
Notes :
1 : Timothy Snyder,The Reconstruction of Nations : Poland, Ukraine, Lithuania, Belarus 1569–1999(New Haven : Yale University Press, 2003), p. 165
2 : Timothy Snyder, “‘To Resolve the Ukrainian Problem Once and For All’ : The Ethnic Cleansing ofUkrainians in Poland, 1943–1947”),Journal of Cold War Studies, v. 1, n. 2 (1999) : 99
3 : Satzewich,Ukrainian Diaspora, pp. 92, 96.
*OYH :ou OUN est l'organisation des nationalistes ukrainiens créée à Vienne en 1929. Selon sa déclaration initiale, l'objectif de l'OUN était d'établir un état national indépendant uni sur le territoire ethnique ukrainien. Cet objectif devait être atteint par une révolution nationale dirigée par une dictature qui devait chasser les puissances occupantes et mettre en place un gouvernement représentant toutes les régions et les groupes sociaux. L'OUN acceptait la violence comme un outil politique contre les ennemis étrangers et intérieurs de la cause. En 1941, elle se scinde en deux, la première partie (OUB(M) suit le vozhd élu en 1939 à Rome : Andrii Melnyk. La seconde Partie se rallie à Stepan Bandera (OUN(B)).
* OSI : l'Office of special investigation est le Bureau des enquêtes spéciales était une unité au sein de la division criminelle du Ministère de la Justice des États-Unis. Son but était de détecter et d'enquêter sur des personnes qui ont pris part à des actes commis en violation du droit international, tels que les crimes contre l'humanité.
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