オギュスタン・ベルクさんに聞く
Entretien avec Augustin Berque
西日本新聞(朝刊) 2011年6月17日(金)
震災・原発災害と日本
仏国立社会科学高等研究院教授
オギュスタン・ベルクさんに聞く
フランスの文化地理学者オギュスタン・ベルクさんが今月中旬から1カ月間、日本に滞在し、福岡 (21日)など各地で講演する。下旬には東日本大震災被災地の仙台を訪れ、東京では福島原発事故を取り上げる「福島と文化の危機」と題したシンポジウムにも参加する。来日前、日本や東日本大震災への思いを聞いた。(パリ国分健史)
米国型国土開発の誤り
− 東日本大震災から3カ月がたったが。
「これをきっかけに日本は、国土開発の制作を根本的に再考する必要がある。戦後の日本は、土地と資源を浪費する米国型の国土開発をしてきたが、根本的に間違い。国土も歴史も全然違う。」
「今回、私が日本で講演するテーマは『持続不可能な理想住まい』。都心から離れた自然の中に個人住宅を建て、都心との間を車で頻繁に行き来するという、米国型の『分散都市』に対する批判だ。これは持続不可能なことだ。日本は国土、特に農地が狭いのに、その農地をどんどんつぶして分散都市をつくった。伝統的な景色がなくなり、風景を殺し、醜く殺風景な世界になった。善に反し、持続不可能という意味で真に反し、美に反する」
— 「昔に戻れ」なのか。
「そうではない。伝統の中のよい面を復活させ、活かすということ。徳川の鎖国時代、悪い面もたくさんあったが、よい面は自足していたということ。自足できる国は生き抜ける。できない国は、強い国が主導する市場の奴隷になってしまう。日本はそうした危険の中にいる。強い国は今は米国、明日は中国。日本ではない。もっと自分の伝統を活かし、自足率を高めなければならない」
「自然の中の個人住宅というのはギリシャ時代からの理想だが、米国の分散都市は持続可能ではない生活様式。世界中の人々がカリフォルニアのように生きるには、地球は5個必要。基盤になっている米国型消費社会が間違っているのだ」
伝統を生かし、自足率高め
風土に合った生活様式に
— どんな生活様式がいいのだろうか。
「それぞれの社会がそれぞれの風土を基に、風土にあった生活様式を創造しなければならない。オーストラリアで日本風に生きるのは不可能だし、意味がない。和辻哲郎の『風土』を昨年、フランス語に翻訳して出版したが、彼は、日本では家族のメンバーが距離なく、個人でなく家庭として生きている、としている。もちろん戦前に書かれているので、反発することもあるだろうが、日本社会が個として生きるのではなく集団で共生する才能を持っているのは事実だ。大量消費社会を招くマイホーム、マイカー、マイテレビは基本的に日本の文化に反している」
「米国型の分散都市政策が間違っていると意識されるようになったのは20世紀の終わり、1990年代。コンパクト都市に戻ろうと。しかし、急に変えるのは難しい。今こそ、ちゃんとした方針を打ち出し、教育を通じて、時間はかかるが、再構築しなければ」
− 原発事故を受けて、日本では節電が叫ばれているが。
「消費と反対の方向へ行くというのはいいことだ。いろんなものを変えなければならない。建築はガラスを使って温室になっているし、洋服は日本の夏にあっていない。生活の全面を再考しなければならない。都市のスプロール(郊外の無秩序開発)も止めなければならない。日本は資源がないといわれているが、そんなことはない。海のエネルギー、地熱、風力など、いろんなやり方で開発できるはずだ」
Augustin Berque
1942年モロッコ・ラバト生まれ。パリ大学で学んだ後、69年に初来日。以来、通算17年間、日本に滞在し、独自の風土学を確率する。84年から4年間、日仏会館(東京)館長。2009年に福岡アジア文化賞大賞を受賞。
Du correspondant à Paris, T. Kokubu, pour le Journal Nishinippon, vendredi 17 juin 2011
L’aménagement du territoire sur le modèle américain : une erreur
Le géographe et orientaliste Augustin Berque sera au Japon pour un mois à partir de la mi-juin, pour donner une série de conférences dans tout le pays, dont une notamment à Fukuoka le 21. A la fin du mois, après s’être rendu à Sendai, dans la région sinistrée du séisme de l’Est du Japon, il participera au symposium intitulé "les implications culturelles de la crise de Fukushima", organisé à Tokyo autour de l’accident nucléaire de la centrale de Fukushima. Avant son départ, nous lui avons demandé de nous donner son avis sur la situation du Japon après le séisme du Tohoku.
Q : Trois mois sont déjà passés depuis le séisme de l’Est du Japon…
B : Cet évènement a montré qu’il était plus que jamais nécessaire de repenser fondamentalement la politique d’aménagement du territoire au Japon. Après la guerre, le Japon a adopté le modèle de développement territorial américain, qui a entraîné un gaspillage des ressources et des terres du pays. Dès le départ, ce choix était une erreur. Car le territoire, autant que l’histoire de ces deux pays sont radicalement différents.
Le thème que j’ai choisi de développer lors de cette série de conférences au Japon est "l’habitat idéal insoutenable". Il s’agit d’une critique de "l’urbanisation diffuse" à l’américaine, qui consiste à construire des maisons individuelles dans la nature, loin de la ville, et à faire de fréquents allers-retours en voiture pour se rendre en ville. Car ce mode d’urbanisation est insoutenable. Au Japon, bien que les terres, et surtout les terres cultivées, soient en nombre très limité, on n’a de cesse de les détruire au profit de l’urbain diffus. Ainsi, les paysages traditionnels disparaissent, les sites naturels sont détruits, et on se retrouve entouré de paysages laids et tristes. Ce que j’entends par "insoutenable" est quelque chose qui va à l’encontre du bon, du beau et de l’authentique.
Q : Faudrait-il alors un "retour en arrière" ?
B : Non, ce n’est pas ça. Il s’agit de faire revivre ce qu’il y a de bon dans les traditions. Par exemple, si on considère l’époque de l’isolationnisme sous les Tokugawa, il est évident qu’il y a de nombreux aspects négatifs, mais aussi des aspects positifs, notamment un certain degré d’indépendance. Seuls les pays qui sont capables de garder une certaine indépendance peuvent vivre en paix. Les pays qui n’en sont pas capables sont réduits à devenir les esclaves d’un marché mondial dominé par les pays les plus puissants. C’est le danger qui pèse aujourd’hui sur le Japon. Les pays puissants, c’est aujourd’hui les Etats-Unis, demain la Chine, mais ce n’est pas le Japon. Le Japon doit donc s’efforcer d’augmenter son degré d’autonomie en s’appuyant sur ses traditions.
Une maison individuelle au beau milieu de la nature correspond à un idéal qui existe depuis l’époque de la Grèce antique, mais l’urbanisation diffuse à l’américaine n’en est pas moins un mode de vie non durable. Pour que les habitants du monde entier puissent vivre comme les Californiens, il faudrait cinq planètes comme la nôtre. La société de consommation découlant du modèle américain est donc fondamentalement dans l’erreur.
Q : Quel mode de vie serait alors souhaitable ?
B : Chaque société devrait élaborer son propre mode de vie, en se fondant sur ses propres spécificités. Vivre à la japonaise en Australie serait non seulement impossible, mais n’aurait également aucun sens. L’année dernière, j’ai traduit en français et publié l’ouvrage de Watsuji Tetsurô "Fûdo : le milieu humain", dans lequel il décrit le mode de vie japonais traditionnel, dans lequel les membres d’une même famille vivent ensemble, et se perçoivent comme formant une entité, non comme des individus distincts. Bien sûr, ce livre ayant été écrit avant la guerre, on peut lui opposer bien des arguments, mais c’est un fait que la société japonaise possède cette capacité de vivre ensemble, en harmonie. Ainsi, les idées véhiculées par la société de consommation de masse : "ma maison", "ma voiture", "ma télé", etc., sont en contradiction fondamentale avec la culture japonaise.
Les biais de la politique d’urbanisation diffuse sur le modèle américain n’ont fini par être reconnus qu’à la fin du XXe siècle, dans les années 90. On s’est alors dit qu’il fallait revenir au modèle de la ville compacte. Mais il est difficile de changer les choses tout d’un coup. C’est pourquoi aujourd’hui, il est plus que jamais nécessaire de définir des lignes politiques claires, afin de permettre une reconstruction par le biais de l’éducation, même si cela va prendre du temps.
Q : Du fait de l’accident nucléaire, on entend de plus en plus d’appels à faire des économies d’électricité au Japon…
B : Je pense que c’est une bonne chose que l’on décide d’aller dans la direction opposée à la consommation. De nombreuses choses doivent changer : par exemple, l’utilisation de verre dans l’architecture au Japon est un non-sens : avec la chaleur, on se croirait dans de véritables serres ; les vêtements occidentaux non plus ne sont pas adaptés au climat de l’été japonais. Il faut donc repenser la vie quotidienne dans tous ses aspects. L’expansion anarchique des villes, avec le développement tentaculaire des banlieues, doit également être stoppée. On dit souvent que le Japon est un pays sans ressources, mais ce n’est pas vrai. L’énergie marine, la géothermie, l’énergie éolienne, de nombreuses potentialités restent à explorer.
Augustin Berque est né en 1942 à Rabat, au Maroc. Après avoir fait ses études à Paris, il vient pour la première fois au Japon en 1969. Il y a ensuite vécu 17 ans, et y a développé ses recherches sur les spécificités du climat japonais. De 1984 à 1988, il a été directeur de la Maison franco-japonaise de Tokyo. Il a remporté le Prix de la Culture Asiatique de Fukuoka en 2009.
21/06/2011