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  • Les écoles de la délation prospèrent en Corée du Sud

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    Par Sébastien Falletti Publié Réactions (30)
    Toujours embusqués, l'appareil photo à la main pour prendre en flagrant délit leurs concitoyens, les délateurs perçoivent 20% des amendes générées par leurs dénonciations.
    Toujours embusqués, l'appareil photo à la main pour prendre en flagrant délit leurs concitoyens, les délateurs perçoivent 20% des amendes générées par leurs dénonciations. Crédits photo : © Truth Leem / Reuters/REUTERS
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    Dénoncer des pratiques frauduleuses peut rapporter gros. Autant maîtriser les techniques de filature et d'espionnage.

    Dénoncer les travers de ses voisins, c'est facile, c'est pas cher et cela rapporte gros, au pays du Matin-Calme. «Je peux gagner autant qu'au loto», s'enthousiasme Moon Seoung-Ok, le directeur d'une école pas comme les autres. Son académie, nichée au 7e étage d'un immeuble vieillot de Gangnam, le quartier des affaires de Séoul, forme des experts d'un genre particulier : mouchards professionnels. Ces «paparazzis», comme les appellent les Sud-Coréens, sont toujours embusqués, l'appareil photo à la main, pour prendre en flagrant délit leurs concitoyens.

    Dans leur ligne de mire, les 336 infractions donnant droit à une prime de l'État en cas de dénonciation, preuve à l'appui. «Une photo d'un passant jetant son mégot et hop, je gagne 30 000 wons (20 euros) !», s'enthousiasme Mme Song, mère de famille à l'air sage, et nouvelle apprentie. Des primes qui s'élèvent à plusieurs milliers d'euros pour la dénonciation de fraude à l'assurance-maladie ou fiscale et s'envolent lorsqu'il s'agit d'affaires de corruption. «Parfois, j'ai gagné de quoi acheter un appartement à Séoul», affirme Moon, ancien flic reconverti dans la dénonciation de haut vol, qui s'attaque désormais aux trafiquants de drogue.

    Enregistreurs et microcaméras

    Selon lui, plus de 3 000 paparazzis vivraient confortablement de leur activité de délation dans le pays, sans compter les dizaines de milliers de mouchards «à temps partiel» qui arrondissent leur fin de mois en piégeant leurs concitoyens. Comme Lee Ji Hyo, 37 ans, honorée officiellement par le ministère de l'Éducation pour avoir dénoncé sans relâche les infractions des hagwons, ces cours privés qui pullulent dans une Corée du Sud obsédée par la réussite scolaire de ses enfants. En deux ans, cette mère de famille insatiable a empoché 188.000 dollars, en traquant les écoles qui ne respectaient pas le couvre-feu légal ou employaient des professeurs non diplômés. Car l'État reverse aux délateurs 20 % des amendes perçues, selon un système établi il y a douze ans, pour compenser des effectifs de police jugés trop réduits. Les paparazzis ont fait leurs preuves, affirme le gouvernement, qui a même décidé de créer des écoles pour encourager les vocations.

    «J'ai créé la première école au monde, maintenant même les Chinois s'en inspirent !», revendique fièrement Moon, 64 ans, cravate bleue kitsch au cou. ­Devant lui, les armes du parfait dénonciateur masqué : des enregistreurs camouflés dans des sacs à main, des microcaméras déguisées en boutons de chemise. Chaque mois, ce pionnier forme 300 apprentis paparazzis à l'utilisation de ces outils sortis tout droit d'un James Bond, durant des sessions de deux jours facturés 200 euros. Des dizaines d'autres paparazzi academies existent dans le pays. Elles passent en revue les nouvelles évolutions législatives et délivrent les derniers trucs pour pincer ses concitoyens. «C'est un savoir-faire technique : il faut être rapide et avoir un fort QI !», assène le patron de l'école Mismiz.

    Mais rien ne remplace la pratique. Kim Unji, la cinquantaine, vient de coincer sa première victime comme un pro. Le regard de cette mère au foyer s'allume lorsqu'elle raconte comment elle a filmé mercredi une masseuse non diplômée, à son insu, en visitant son institut de beauté munie d'une caméra camouflée dans son sac à main. Un exploit qui lui vaudra sa première prime de 300 dollars. Kim compte bien transformer l'essai en partant à la chasse aux infractions dans son voisinage. Incognito, bien sûr. «Personne ne connaît mon activité, pas même mon mari ni mes deux filles», confie-t-elle avec un air de conspiratrice.

    Car les paparazzis n'ont pas bonne réputation dans la société. Leurs pratiques évoquent le système de dénonciation en vigueur dans la Corée du Nord totalitaire. Et certains anciens élèves de l'école n'ont pas hésité à dénoncer leurs propres amis pour empocher des primes ! L'appât du gain est leur première motivation. «J'ai des dettes à rembourser», avoue Kim. «Nous allons là où la police ne va pas !», rétorque Moon, qui affirme avoir fait tomber un réseau de jeu illégal sur le port de Busan. «L'un des gangsters s'est même reconverti en paparazzi, je l'ai sauvé ! En France, vous devriez vous y mettre aussi…», conseille Moon, le justicier masqué.

    Par Sébastien Falletti
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  • AvatarGF13

    je me demande pourquoi nos journaux, quand ils nous parlent des pays d'Asie, s'attachent si souvent à n'en rapporter que les côtés les plus sordides.
    C'est peut-être pour nous rassurer ?

    Le 26/08/2011 à 15:04 Alerter Répondre
    AvatarCiti Zen

    C'est tout simplement le systeme le plus flexible et le moins couteux pour faire respecter la loi.

    Le 26/08/2011 à 11:19 Alerter Répondre
    AvatarVictime Royale

    La société Coréenne est déjà stressée entre l'indispensable réussite aux examens et le statut individuel dans la société. Il ne leur manquait plus que cela pour vivre heureux: se demander au quotidien si ils ne sont pas espionnés !!!!!

    Le 26/08/2011 à 03:14 Alerter Répondre
    AvatarAlain H Paris

    HONTEUX ! Ceux qui écrivent ici que "la dénonciation est un acte civique" ont la mémoire courte. La dénonciation d'un crime OUI, mais épier ses concitoyens pour en tirer un bénéfice : NON ! Vous n'avez rien appris de l'histoire du XXème siècle. La dénonciation au pouvoir légal entre 1941 et 1944 des résistants, des porteurs de l'étoile jaune , des minorités poursuivies par l'occupant était-il un acte civique ???
    Vous me répondrez naivement "ce n'est pas la même chose". Et pourtant ....

    Le 25/08/2011 à 23:50 Alerter Répondre
    Avatarpat128359

    ne pas confondre delation et denonciation de crimes et delits , denoncer des delinquants , des trafiquants de drogue ou des assassins n' a rien de choquant en soi , c'est plutot faire preuve de civisme , la delation est tout a fait autre chose .

    Le 25/08/2011 à 22:59 Alerter Répondre
    Avatargerold nielrow

    Comme partout, même en France. Demandez donc au fisc.

    Le 25/08/2011 à 22:28 Alerter Répondre
    AvatarJean Historien

    --Rien de nouveau sous le soleil ! La pratique de la délation a été codifié en Chine il y a 2.300 ans par un de ses plus grands philosophe, le légiste Han Feize. Aux USA, l'IRS (service des impôts) récompense tout "indic" (que l'on appelle en France "aviseur" quand il s'agit de fraude fiscale) de 20% de la somme en jeu. En France, c'était 15% jusqu'à ce qu'un nouveau Ministre du Budget, N.Sarkozy l'a fait supprimer. Hé oui, il n'y a pas de bonne police sans "indics", ni de bonne prises fiscales sans "aviseurs" . En Chine, il y a même un n° de téléphone spécial, et en prime au dessus d'un certain montant, le fraudeur écope de la peine de mort. L'homme n'est pas né ange ! Une corruption impunie conduit à la décadence et la montée des extrêmes.

    Le 25/08/2011 à 21:46 Alerter Répondre
    AvatarGC33

    La lecon de cette article et de ses commentaires: les francais n'aiment pas les delateurs, leur amour de la liberte se rebiffe face a une telle pratique. Par contre ils sont tout a fait pret a voter pour des gouvernements qui leur promettent toujours plus de policiers dans les rues et a laisser installer des cameras de surveillance un peu partout. Cherchez l'erreur.

    Le 25/08/2011 à 20:37 Alerter Répondre
    AvatarMCHL00111

    Ne pas confondre délation et dénonciation.

    La délation est faite dans l'intention de nuire (généralement sans preuve, la rumeur est une forme de délation).

    La dénonciation est un acte civique (la non dénonciation d'un délit connu est condamnable).

    Le 25/08/2011 à 20:30 Alerter Répondre
    Avatarpaquito -

    Pourvu que notre pays n'en arrive jamais là!

    Le 25/08/2011 à 20:17 Alerter Répondre
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