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| L'agenda des ventes aux enchères |
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Pierre Roussel (1723-1782), secrétaire à abattant en laque de Coromandel, placage
de bois de rose, satiné
et amarante, ornementation
de bronze doré, dessus
de marbre brèche d’Alep, estampillé, 117,5 x 71 x 36 cm. Estimation : 30 000/50 000 €.
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| En couverture cette semaine |
La foule se presse, en ce dimanche de mars 1896, devant la galerie Georges Petit. Comme le rapporte Charles Oudart dans
La Gazette de l’Hôtel Drouot, "Ce qui les attirait avant tout, c’était l’exposition des tableaux, objets d’art et d’ameublement provenant de la succession d’Alexandre Dumas." Et le directeur de la publication de prédire que la glorieuse mémoire de l’écrivain, "planant sur la vente, ajoutera une valeur idéale à la valeur réelle des œuvres qui passeront sous le marteau de Me Paul Chevallier". Les enchérisseurs lui donneront raison. Dans l’édition du 5 mars, on annonce les résultats. Sous le numéro 198 est évoqué un petit secrétaire droit Louis XV en laque de Coromandel, à fleurs peintes en couleurs sur fond noir et garni de quelques ornements de bronze... On reconnaît là notre ouvrage, dont la description précise encore : "À décor de paons parmi des rochers et des branchages de fleurs de pivoine, l’abattant découvrant un intérieur muni de six casiers et quatre tiroirs, la partie basse ouvrant à deux vantaux"... Nous savons aussi, grâce à l’inventaire après décès, que le meuble se trouvait dans l’appartement de l’auteur de La Dame aux camélias, Alexandre Dumas fils, rue Alphonse-de-Neuville, et plus exactement dans sa chambre.
Il est alors prisé 200 francs. Le public ne pouvait qu’être séduit par le charme de son décor, des panneaux de laque chinois aux couleurs vives, et par cette provenance prestigieuse qui allait permettre de décupler son estimation pour atteindre 2 020 francs. L’estampille "P. Roussel", présente sur un montant et sous le marbre, devrait ajouter une plus-value certaine... Reçu maître ébéniste le 21 août 1745, Pierre Roussel s’installe rue de Charenton, face à la rue Saint-Nicolas, à l’enseigne "L’image de saint Pierre". Reconnu pour ses talents de marqueteur, il bénéficiera entre autres de la clientèle du prince de Condé, tant pour l’ameublement du palais Bourbon que pour le château de Chantilly. Cité par François de Salverte, l’inventaire des marchandises dressé à la mort de Roussel par deux de ses confrères, Leleu et Cochois, dénombrera "quantité de différents ouvrages en marqueterie ou en mosaïque de bois des Indes, en laque et en acajou". Y figure notamment un autre secrétaire paré de laque de Chine, mais à fond rouge cette fois, de "trois pieds" et de forme antique. Quand le talent d’un ébéniste rencontre une plume romantique... |
Hôtel Marcl-Dassault.
Mercredi 23 juin.
Artcurial - Briest - Poulain - F. Tajan SVV. |
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Stanislas Lépine (1835-1892), La Seine à Charenton, huile sur toile, 16 x 42 cm.
Estimation : 35 000/40 000 €.
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| Le paysage écrin et sujet |
L’essor des tableaux de chevalet a inscrit les scènes religieuses, mythologiques et d’histoire, ainsi que les portraits, dans un paysage le plus souvent de convention. Avec l’influence de la peinture hollandaise et flamande, puis d’artistes comme Poussin et Le Lorrain, la nature revêt enfin un rendu plus fidèle, parfois remarquablement observée dans les variations des saisons et des jours. Cette sélection présente des tableaux où le paysage sert d’écrin, d’autres où il devient sujet. Pour Jean-Baptiste de Champaigne par exemple, quelques arbres, une ligne de collines à l’horizon et un ciel sombre suffisent à camper l’épisode de La Translation des reliques de saint Arnould, une huile sur toile estimée 60 000 €. Jean-Baptiste-Marie Pierre éclaire quant à lui par un vaste ciel la composition d’une Scène du massacre des Innocents, contenue par des bâtiments surmontés d’arbustes et d’herbes folles (30 000 € environ). À peu près à la même époque, Crépin d’Orléans livre des vues de la nature baignées d’une lumière dramatique, quelques minuscules figures animant la composition, comme Paysage de sous-bois et Paysage de torrent, une paire de toiles pour laquelle il faut compter environ 8 000 €. Dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, les peintres, notamment Hubert Robert, s’intéressent à la nature pour elle-même ou recomposée, comme dans les parcs à l’anglaise. Au siècle suivant, à l’instar de Boudin représenté ici par une huile sur panneau de 1893 évaluée 55 000 €, Trouville, les jetées, marée basse, les artistes sont séduits par la magie de l’eau. En particulier Stanislas Lépine, qui peint inlassablement la Seine, à Paris et dans les environs. Ici, il choisit de s’installer au milieu du motif en regardant vers l’horizon, construisant la composition le long de diagonales. Au premier plan, quelques personnages se promènent sur la berge de la Marne, admirant les barques et les bateaux, la lumière dans l’eau d’un bleu plus clair que celui de la Seine, fleuve qui borde la ligne d’horizon, traversée par le pont de Charenton ; au loin, on aperçoit les dômes des églises de la rive gauche de Paris. Pour vous repérer, sachez que de nos jours, la rive au confluent de la Marne et de la Seine, à gauche de la toile, est occupée par le complexe Chinagora... Lépine nous offre une image lumineuse et paisible d’un coin encore campagnard, très proche de la capitale. Sa palette est composée de bleus délicats, de gris évanescents, de touches de blanc, de vert profond pour la rive gauche de la Marne et de violet, mauve et rose saupoudrés de points d’ocre orangé pour la rive droite. Élève de Corot, Lépine mérite d’être reconnu comme l’un des précurseurs de l’impressionnisme, avec Boudin et Jongkind, partageant avec eux cette prédilection pour l’eau. Il eut cependant peu de succès de son vivant, bien qu’il ait exposé chez le Père Martin et chez Durand-Ruel ; pour se faire connaître, il organisa des ventes à l’Hôtel Drouot, de 1874, où il se sépare de trente-quatre tableaux, jusqu’en 1886, où figurent quatorze tableaux et onze études. Il meurt en 1892 dans le dénuement le plus complet, paralysé à la suite d’une hémiplégie, ses amis peintres se cotisant pour couvrir les frais des funérailles et aider sa famille. Peu après, Paul Durand-Ruel organise une exposition et Émile Cardon souligne dans la préface du catalogue : "Dès ses premières œuvres se révèlent ses recherches vers les colorations intenses, vers les clartés plausibles." Les grands collectionneurs comme le comte Doria, Hazard, Hoschedé et Depeaux ont acquis plusieurs tableaux, séduits par ces calmes paysages des bords de Seine et de Marne. Dans notre peinture, on peut voir comme Castagnary : "Un ciel, de l’eau et sur le bord une enfilade de maisons, rien de plus, mais comme cela fuit"... |
Lundi 21 juin, salle 5-6 - Drouot-Richelieu.
Tajan SVV. Cabinet Turquin. |
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Edwin Lord Weeks (1849-1903), Belle Orientale alanguie,
huile sur toile, 92 x 154 cm. Estimation : 150 000/200 000 €.
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| Les orientalistes infatigables voyageurs |
L’œuvre n’est pas terminée, mais qu’importe ! Elle allie le brillant métier qu’Edwin Lord Weeks a acquis au contact de Jean Léon Gérôme – délicatesse des tissus, virtuosité du rendu des marbres – à la poésie mélancolique de la femme du harem. Ce natif des environs de Boston est le plus célèbre des orientalistes américains. On sait toutefois peu de choses de sa vie privée, du moins de son enfance et de sa formation aux États-Unis. Une certitude cependant : le jeune homme manifeste de bonne heure son souhait de pratiquer la peinture et de voyager, un désir auquel acquiescent ses parents, marchands d’épices et de thé dans les faubourgs de Boston, qui le soutiennent financièrement. Adolescent, il se rend donc en Floride et au Surinam pour dessiner. Les voyages formant la jeunesse, il n’a que vingt-trois ans quand il part visiter l’Égypte, la Terre Sainte, la Syrie, le Liban et l’Afrique du Nord. À son retour, les journaux de Boston se font l’écho enthousiaste de son travail, des scènes rapidement exécutées sur le motif à partir desquelles il réalise des œuvres de grand format, fourmillant de détails. En 1874, Weeks arrive à Paris, dans l’atelier de Léon Bonnat. Et fréquente bien sûr l’un de ses excellents amis, Gérôme. Au contact de Bonnat, il oriente son dessin vers plus de réalisme, perfectionne son apprentissage en plein air. Voyageur infatigable, il séjourne ensuite au Caire, à Alger, Tanger, Rabat, Fès, Marrakech. Famine, froid, fièvre, inconfort : rien ne semble pouvoir arrêter son goût pour l’aventure. En 1883, il s’affaire en Inde. En 1892, il y retourne, mais, manifestement désireux de goûter les péripéties du trajet, c’est par l’ancienne route des caravanes qu’il s’y rend, en passant par Trébizonde, Tabriz, Shiraz, Ispahan… Il n’est qu’à lire la chronique de son périple, publiée par Harper en 1893-1895, pour mesurer le défi. Mais aussi ses talents de dessinateur. Après deux ans passés en Inde, il rentre chez lui, c’est-à-dire à Paris, où il demeurera jusqu’à sa mort. Des deux côtés de l’Atlantique, sa peinture de la vie aux Indes, devenue sa spécialité, recueille le succès. Il n’est pas difficile d’imaginer combien sa production a pu être impressionnante. Pourtant, rares sont ses œuvres sous le marteau en France. Celle-ci méritera donc toute l’attention des amateurs (voir photo). D’autres, plus classiques, pourront toutefois lui préférer deux grandes compositions de Jacques Majorelle, L’Aouache à Anemiter représentant, dans une intensité solaire, des femmes battant dans leurs mains, avec les musiciens assis au premier plan (300 000/350 000 €), et une vue de Tagadirt n’Bour, vallée du N’Fis dans le Haut-Atlas, dans laquelle il se concentre sur les masses cubiques des maisons (100 000/130 000 €). Ou opteront peut-être pour la pureté d’un paysage écrasé de chaleur en
Haute-Égypte, des Villageois au bord du Nil dus à Armand Dautrebande (30 000/40 000 €). De belles
fenêtres sur l’ailleurs… |
| Lundi 21 (salle 1-7, 14 h) et mardi 22
(salle 9, 11 h et 14 h) juin - Drouot-Richelieu.
Gros & Delettrez SVV. Mme Soustiel, MM. Chanoit, Achdjian, cabinet Vallériaux. |
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École française du XVIIIe siècle,
Portrait de Joseph de Saint-Étienne-Borne, comte de Saint-Sernin, 1744,
huile sur toile, 114 x 90,5 cm.
Estimation : 6 000/8 000 €.
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| Ancienne collection
Lally-Tollendal |
La perte par la France du comptoir de Pondichéry, en 1761, entraîna l’exécution de Thomas-Arthur de Lally-Tollendal et fut l’objet d’une cause célèbre défendue par Voltaire. Le portrait du chambellan du roi Auguste III de Pologne, capitaine des gardes (voir photo), peint à Dresde en 1744, figure parmi les tableaux, meubles et objets de la collection familiale. D’origine irlandaise, ce héros de la bataille de Fontenoy fut en effet accusé de faveur envers l’ennemi britannique. Prisonnier de guerre en Angleterre, il aurait pu y rester. Mais, ne supportant pas d’être accusé de trahison, il demanda sa libération afin de pouvoir se défendre. Mal lui en a pris : condamné le 6 mai 1766 à être décapité, sa sentence fut appliquée trois jours plus tard. Voltaire, tout en le qualifiant de "fou, étourdi, chimérique, absurde, violent, intéressé, fougueux et brutal", entreprit dès 1768 de défendre sa cause et demanda à la justice royale sa réhabilitation… ce qui arriva dix ans plus tard, quatre jours avant la mort du philosophe. Le 26 mai, Voltaire écrivit au fils de Lally, Trophime-Gérard : "Le mourant ressuscite en apprenant cette grande nouvelle ; il embrasse bien tendrement M. de Lally ; il voit que le roi est le défenseur de la justice : il mourra content." |
Lundi 21 juin, salle 11 - Drouot-Richelieu.
Le Brech & Associés. |
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Jean-Baptiste Perronneau (1715-1783), Portrait de Denis Mac Carthy, seigneur de Beaugé et Fonvidal et de Jeanne Fitz-Gerald, son épouse, paire d’huiles sur toile, l’une datée 1768, 73 x 60 cm.
Estimation : 80 000/120 000 €
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| Des Irlandais bordelais |
Au XVIIIe siècle, fuyant
l’oppression britannique, grand nombre de catholiques irlandais émigrèrent à Bordeaux. Denis Mac Carthy, semble avoir été doté d’importants moyens, car dès son arrivée dans le port il achète des propriétés pour des sommes conséquentes, notamment des maisons de rapport, revendues assez rapidement, une belle demeure pour lui-même, des chais et des vignes. Naturalisé en 1756, il fonde son négoce, "Mac Carthy Frères", qui existera jusqu’en 1828 ; sans enfant, il y associera ses neveux Daniel et Jean. Avec son épouse, née Jeanne Fitz-Gerald, il fait partie de la brillante société bordelaise : il est élu consul en 1766, Premier consul l’année suivante et juge des marchands en 1782, avant d’être nommé directeur de la chambre de commerce de Bordeaux. Son portrait par Jean-Baptiste Perronneau est daté 1768. L’artiste peint Denis Mac Carthy en buste, de trois quarts sur un fond neutre, et sa femme également en buste mais de face. Pastelliste et peintre, Perronneau a réalisé de nombreux portraits des riches marchands bordelais. Rival de Maurice de Quentin La Tour, il cherche une clientèle en province et à l’étranger. Il réside plusieurs fois à Bordeaux, entre 1747, l’année où il fut agréé à l’académie de peinture, et 1769. Son activité en France diminue à partir de la fin des années 1770. Perronneau voyage beaucoup en Europe, notamment en Hollande, va jusqu’en Russie en 1781, et en Pologne l’année suivante. Il meurt à Amsterdam en 1783, oublié de ses pairs. |
Vendredi 25 juin, salle 1-7 - Drouot-Richelieu.
Piasa SVV. Cabinet Turquin. |
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Louis-Jean Desprez (1743-1804), Concours artistique dans un théâtre antique,
plume et encre noire, lavis brun sur traits de crayon noir, 17,5 x 24,5 cm.
Estimation : 8 000/10 000 €.
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| Desprez, du séjour italien à la cour de Suède |
Louis-Jean Desprez, né à Auxerre, suit dès 1765 les cours de Jean-François Blondel à l’académie d’architecture. Comme les autres étudiants, il rêve d’Italie et s’attelle à obtenir le Grand Prix de Rome. Cependant ses projets, certes grandioses mais totalement irréalistes, rebutent les jurés. Il atteint néanmoins son objectif en 1776, grâce à la protection de Charles de Wailly. Arrivé à Rome l’année suivante, il y reste jusqu’en 1784. Il procède comme il se doit à de nombreux envois de projets architecturaux, mais, peut-être conscient du côté fantastique de son œuvre qui ne manque d’effrayer les académiciens, il développe d’autres activités, comme la peinture et les décors de théâtre. Autre moment fort de son séjour italien : sa rencontre avec l’abbé de Saint-Non, qui le recrute comme dessinateur de vues et de paysages pour illustrer le Voyage pittoresque ou Description des royaumes de Naples et de Sicile. Parcourant le sud de l’Italie, visitant Pompéi et Herculanum, imaginant des reconstitutions de monuments antiques, Desprez fournit à Saint-Non quantité de dessins, dont cent trente-cinq sont retenus pour l’édition finale. Le rendu architectural est précis, mais ce qui frappe et séduit dans ses feuilles, c’est le sens de la mise en scène et la vivacité des petits personnages animant ces ruines imposantes. De retour dans la Ville éternelle, il réalise avec Francesco Piranesi les gravures de ses dessins. Notre dessin se rapproche de ses reconstitutions, par exemple celui représentant la cérémonie inaugurale du temple de l’Immortalité, aujourd’hui conservé à l’Ermitage, où il déploie à traits vifs une longue procession de personnages. Ici, il préfère composer des groupes occupés à divers travaux, au premier plan sous l’arche d’entrée du théâtre, et, en continuant vers la droite, l’œil est attiré par les personnages installés dans l’arène près d’une fontaine baignée de lumière, les gradins et les portiques s’élevant en fond. On comprend alors que ses scénographies conçues pour le théâtre Aliberti à Rome aient obtenu un grand succès et attiré un illustre voyageur du Grand Tour, Gustave III de Suède, qui l’invite a devenir premier dessinateur de ses "menus plaisirs", c’est-à-dire les décorations éphémères. De 1784 à son décès, en1804, Desprez vécut à Stockholm, collaborant à un grand nombre de réjouissances et spectacles, et reprenant son activité d’architecte. On lui doit notamment le très néoclassique bâtiment du jardin botanique d’Uppsala et le charmant pavillon dit "les tentes de cuivre", destiné aux logements et écuries de la Garde dans le parc Haga, à Stockholm. Seules les façades reçurent leur habillage de cuivre émaillé, donnant l’illusion d’un campement de sultan… sur fond de parc suédois.
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Vendredi 25 juin, salle 2 - Drouot-Richelieu.
Millon & Associés SVV. MM. de Bayser. |
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Paire de vases cornets en porcelaine de Paris, l’un représentant la bataille de Wagram,
l’autre, le retour d’un colonel dans sa famille, signature de Colleville de Ruffey, époque Empire, h. : 23 cm. Estimation : 12 000/15 000 €.
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| Des céramiques témoins de l’histoire |
Trois pièces de la collection du général comte Guyot jalonnent ce parcours céramique, illustrant combien cet art du feu devient parfois un témoin de l’histoire. On retient d’abord deux parties de services de table : l’une, à décor blanc et or à guirlandes de lierre et fleurettes, porte la marque de Sèvres et la date de 1812 (10 000/12 000 €), l’autre d’époque Empire, plus sobre encore, en blanc et or, ornée de l’armoirie de général, portant la marque (illisible) du célèbre Nast (5 000/6 000 €). Mais il y a surtout notre paire de vases d’époque Empire reposant sur une base circulaire mobile à fond rouge carmin, signée Colleville de Ruffey. Curieux destin que celui d’Antoine Colleville, né le 25 août 1793 à Ruffey-sur-Seille, dans le Jura : après avoir servi brillamment comme cavalier des chasseurs de la garde impériale, lors des campagnes de Napoléon, il épouse la fille de son colonel, et choisit une carrière de peintre sur porcelaine. Et se taille encore une belle réputation, "en mettant au point et en perfectionnant la préparation des colorants sur porcelaine et toutes matières vitrifiables". Notre homme est mentionné à Sèvres comme préparateur des couleurs aux côtés d’un certain Desfossés, dans la première moitié du XIXe siècle. L’histoire ne dit toutefois pas comment il rencontra Claude Étienne Guyot (1768-1837). Ce dernier est lui aussi originaire du Jura, issu d’une famille de cultivateurs. Engagé en novembre 1790 dans le 10e régiment de chasseurs à cheval, il gravit les échelons (jusqu’à celui de capitaine) dans les armées du Rhin, de la Moselle, de Vendée et d’Italie. Promu capitaine d’habillement dans la garde consulaire, en 1802, il poursuit jusqu’au grade de colonel en second. Il se fait ensuite remarquer à Eylau, en Espagne et à Wagram, où ses exploits lui valent d’être nommé général de brigade. On le retrouve en Russie, escortant l’Empereur à la tête de son régiment de chasseurs. La liste est longue de ses faits d’armes, de Montmirail à Toulouse en passant par Montereau, Charleroi et la Loire. À la Révolution de 1830, il fit preuve d’un peu trop de zèle pour l’ordre nouveau et, peu de temps après, atteignait l’âge d’une retraite bien méritée. Commandeur de la Légion d’honneur, comte de l’Empire, chevalier de Saint-Louis et grand chambellan, le général Guyot est également l’auteur de Carnets de campagne, 1792-1815. Son portrait des années 1800, dû à l’entourage d’Anne-Louis Girodet, aura lui aussi pris le chemin des enchères trois jours auparavant (10 000/12 000 €). Une enchère de semblable altitude est espérée sur notre paire de vases. De belle qualité et d’une grande finesse, nos pièces devraient être également convoitées pour leurs sujets. Car si l’une met en scène notre homme chargeant à cheval et sabre au clair, l’ennemi à Wagram sur les rives du Danube les 5 et 6 juillet 1809, l’autre donne à voir le valeureux militaire tout à la joie de retrouver sa famille… Après l’effort, le réconfort. |
Jeudi 24 juin, Espace Tajan (16 h).
Tajan SVV. MM. Lefèbvre. |
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Encrier en néphrite opaque,
à décor sculpté de caractères stylisés
et emblèmes bouddhiques, Chine, XVIIIe siècle, monture en bronze
ciselé doré, signée Ferdinand Barbedienne, époque Napoléon III, h. 10, l. 19,5 cm. Estimation : 6 000/8 000 €.
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| Encre de Chine |
Séduisant objet, cet encrier composé d’une palette de peintre enchâssée dans une monture de bronze. Ferdinand Barbedienne (1810-1892) s’y entend pour réinterpréter le vocabulaire décoratif de l’Orient et de la Perse. Notre homme a décidément plus d’une corde à son arc, qui après avoir fait fortune dans les papiers peints ouvre à Paris, boulevard Poissonnière, une fonderie – l’une des plus importantes de la seconde moitié du XIXe siècle. Sa spécialité La reproduction de bronzes d’art, de l’Antiquité au XVIIIe siècle, au moyen d’un procédé de réduction mécanique inventé, en 1838, par son associé Achille Colas (1765-1859). Mais Barbedienne, grâce aux contrats d’édition, réalise aussi les fontes de sculptures d’Antoine-Louis Barye, Emmanuel Frémiet, Pierre-Jules Mène, Antonin Mercié ou Jean-Baptiste Carpeaux. Talentueux artiste et homme d’affaires avisé, il exécute encore – et vend – des boîtes à bijoux, des coupes, luminaires, vases, pendules et autres objets décoratifs en bronze, en marbre ou en émail, pour lesquels il reçoit la collaboration d’artistes réputés. Figure incontournable du monde artistique au XIXe siecle, la maison Barbedienne est notamment récompensée de trois médailles à l’Exposition universelle de Londres, en 1862. À celle de 1878, voici Ferdinand Barbedienne encensé comme "un prince de l’industrie et un roi-fondeur". N’ayons pas peur des mots ! |
Mercredi 23 juin, Hôtel Marcel-Dassault.
Artcurial - Briest - Poulain - F. Tajan SVV. Mme Buhlmann, M. Portier. |
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Livre d’heures manuscrites à l’usage du diocèse de Paris enluminé du début du XVe siècle, en un volume petit in-8° de 214 feuillets de parchemin calligraphiés, reliure de maroquin rouge du XVIIe siècle. Estimation : 15 000/20 000 €.
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| Lumineuses enluminures |
Treize grandes miniatures rythment notre manuscrit, rédigé en français et en latin à l’encre noire ou brune, de couleur ou dorée pour le calendrier. Réalisé à Paris vers 1410-1415, il est l’œuvre du maître de la Mazarine. Notre artiste a travaillé aux côtés du célèbre enlumineur qui tient son nom des Heures du maréchal de Boucicaut exécutées pour Jean II Le Meingre, maréchal de Boucicaut, vers 1405-1410. Outre un usage étonnant des couleurs, notamment dans les dégradés, le maître de Boucicaut révolutionne l’art de l’enluminure par le soin particulier qu’il porte à la construction des édifices. Ses architectures sont d’une structure complexe, ses perspectives, aériennes, les intérieurs semblant créés par la clarté d’une fenêtre ouverte. Une vision nouvelle de l’espace, qui allait inspirer des peintres tels le maître de Flémalle ou Jan Van Eyck. Originaire de Bruges, le maître de Boucicaut est souvent identifié à Jacques Coene, qui fit carrière à Paris et travailla en 1399 au dôme de la cathédrale de Milan. Parmi les chefs-d’œuvre issus de la collaboration du maître de Boucicaut et du maître de la Mazarine, citons les trente-sept miniatures du Livre des merveilles de Marco Polo. Une sacrée référence… |
Mercredi 23 juin, salle 10 - Drouot-Richelieu.
Maigret (Thierry de) SVV. M. de Broglie. |
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Breguet, montre à tact
en or et argent, 1808, n° 1668. Estimation : 35 000/40 000 €.
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| Temps tactile |
En exil en Suisse entre 1793 et 1795, Abraham-Louis Breguet met au point une montre à une seule aiguille, dite "montre à souscription". D’assez grand diamètre, elle présente une seule aiguille sur un cadran émaillé et est dotée d’un mouvement construit autour d’un barillet central. Sa commercialisation se fait par souscription, avec le paiement du quart de la somme à la commande. Breguet va utiliser ce calibre pour la réalisation de ses montres à tact, c’est-à-dire permettant de connaître l’heure au toucher, pour répondre aux convenances de cette époque, où il était malséant de sortir sa montre en société pour lire l’heure. Grâce à leur succès, les montres à tact seront une constante dans la production de Breguet à la fin des années 1790. Ensuite, elles seront surtout destinées aux aveugles. Les livres de la maison nous apprennent que cette montre n° 1668 fut vendue le 8 janvier 1809 au général Jean-Louis-Ebenezer Reynier, comte d’Empire. Cette année-là, il est de retour dans la capitale, après avoir occupé les fonctions de ministre de la Marine et de la Guerre du royaume de Naples, et il rejoindra Napoléon à Vienne, puis participera à la bataille de Wagram. |
Lundi 21 juin, salle 10 - Drouot-Richelieu.
Chayette & Cheval SVV. M. Turner. |
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Glace en placage de citronnier à décor marqueté en bois teinté, travail de la maison Alphonse Giroux, anneau de suspension
en bronze ciselé doré d’origine, époque Restauration, 54,6 x 53,4 cm.
Estimation : 1 200/1 500 €.
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| Miroir, mon beau miroir |
Aucun doute possible, une étiquette atteste de la provenance de notre objet : la maison Giroux. Créée vers 1799, au 7, rue du Coq Saint-Honoré, par François-Simon-Alphonse Giroux, la boutique devient une affaire familiale ayant pignon sur rue à l’arrivée des deux fils, Alphonse-Gustave et André. Très prospère, la maison Giroux vend des objets de curiosité, de tabletterie, de papeterie, des dessins, tableaux et gravures… Marchand, Alphonse Giroux fait bientôt fabriquer une grande partie des objets par ses ouvriers, tandis que l’autre est exécutée d’après ses dessins, à l’extérieur. À partir de 1834, il est mentionné à la rubrique des "Ébénistes" de l’almanach du commerce. En 1827, notre homme publie un Catalogue de l’exposition d’une variété d’objets utiles et agréables pour les étrennes. Louis XVIII et Charles X comptent parmi les clients, venant y acheter les cadeaux des jeunes princes. Ici une lanterne magique, une boutique de marchands de pains d’épices, un grand char de triomphe, là un atelier de tourneur, un polichinelle mécanique. Et même une voiture en or tirée par quatre chevaux finement sculptés en nacre de perles… pour laquelle la modique somme de 750 francs était demandée. Comment résister à de telles
tentations |
Jeudi 24 juin, salle 9 - Drouot-Richelieu.
Morel SVV. M. de Clerval. |
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John Claude White (1853-1918), Samiti Lake from Goecha La (Sikkim), Calcutta, ateliers Johnston & Hoffmann, 1905, épreuve
au charbon, 46 x 61 cm. Estimation : 6 000/6 500 €.
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| Si loin, si haut |
Fonctionnaire dans l’administration des Travaux publics en Inde à partir de 1889, administrateur politique pour le Sikkim, Bouthan et Tibet entre 1905 et 1908, John Claude White était aussi un photographe amateur de talent. Il accompagna la mission menée par Younghusband au Tibet en 1903 et 1904. C’est durant ce voyage qu’il prit une série de photographies, principalement des paysages, notamment des panoramas assez impressionnants. Certaines seront retenues pour être publiées par l’atelier de photographies Johnston & Hoffmann à Calcutta dans les deux volumes de Tibet and Lhasa, en 1906. Le contenu politique du texte fit que l’ouvrage fut retiré de la vente. White employa ces photos pour Sikkhim and Buthan : Experiences of Twenty Years on the North-Eastern Frontier of India, 1909 et dans des articles sur le Sikkim et le Bouthan écrits pour le National Geographic Magazine. Né à Calcutta en 1853, John Claude White, passe la majeure partie – hormis ses années d’étude en Angleterre et en Allemagne de 1868 à 1876 –, de sa vie en Inde, résidant au Sikkim de 1889 à 1908, date de son départ à la retraite. On ne peut qu’admirer le superbe panorama de Samiti Lake to Goecha La, c’est-à-dire le Kanchenjunga, le troisième plus haut sommet du monde, considéré pendant longtemps comme le plus élevé. |
Vendredi 25 juin - Drouot-Montaigne.
Binoche - Renaud - Giquello SVV. M. Plantureux. |
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Pierre-Karl Fabergé (1846-1920) et Henrik Immanuel Wigström (1862-1923), Le Gorille amoureux, agate et argent émaillé, socle en jade-jadéite, h. 8,7 cm. Estimation : 40 000/60 000 €.
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| Un irrésistible prétendant |
Recroquevillé, des fleurs à la main, le regard suppliant… voici un singe bien mignon, irrésistible. À ce charme ravageur s’ajoute une parure luxueuse. Technique minutieuse, matériaux précieux choisis avec soin, notre Gorille amoureux siège au panthéon des plus belles œuvres de la maison Fabergé. Cette famille protestante d’origine picarde installée en Russie depuis 1800, sous le règne de Catherine II, ouvre avec succès une boutique de joaillerie à Saint-Pétersbourg. À partir de 1870, le fils Pierre-Karl reprend l’affaire et diversifie la production en lançant la mode des petits objets de luxe, notamment les célébrissimes oeufs de Pâques. Le tout premier sera offert en 1885 par le tsar Alexandre III à son épouse, Maria Fedorovna. S’inspirant des arts décoratifs du XVIIIe siècle comme des bijoux antiques du musée de l’Ermitage, Karl donne naissance à toute une gamme d’objets du quotidien tels que pendulettes, coupe-papiers ou étuis à cigarettes, et plus fantaisistes, à l’image de notre figurine. Haut de seulement 8,7 cm, notre primate appartient à une série des statuettes animalières réalisées en pierres semi-précieuses de l’Oural : néphrite, bowenite, rhodonite, agate et cristal de roche. Avec un brin d’humour, ces figurines naturalistes s’inspirent des netsuke japonais, adoptant la forme d’un lapin, d’un koala, d’un ours, d’un serpent, d’un éléphant ou… d’une petite souris ! Le choix de la pierre est fonction du sujet. Ici par exemple, un défaut naturel de l’agate – une variété de quartz translucide – rend à merveille le pelage argenté du dos de notre gorille. Édouard VII d’Angleterre en commanda un impressionnant ensemble pour son épouse, la reine Alexandra. Les artistes russes firent à cette occasion le voyage jusqu’à Sandringham pour observer les hôtes de la ménagerie royale, avant de rejoindre Saint-Pétersbourg et de créer quelque 300 pièces. La maison Fabergé tire son succès du talent de ses sculpteurs et de ses orfèvres, à l’image d’Henrik Wigström, qui œuvra d’abord comme assistant de Michael Perchin puis, à partir de 1905, comme chef d’atelier. Les ouvrages en pierre dure constituent une part importante de son travail. |
Marseille, samedi 19 juin.
Damien Leclere Maison de ventes
aux enchères SVV. M. Terny. |
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