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Hubert Robert (1733-1808), La Sortie des orangers, huile sur toile, 40,5 x 32,5 cm. Estimation : 30 000/40 000 €.

À la une : une toile d'Hubert Robert
"En mai, fais ce qu’il te plaît"... Qui ne connaît pas le dicton ? C’est aussi le mois idéal pour sortir les plantes frileuses de l’orangerie. Ce ballet de caisses attire les badauds. Il fait beau, le soleil est tamisé par les feuillages des grands arbres, l’atmosphère rafraîchie par le jet d’eau. Hubert Robert, peintre et amateur de jardins, ne s’y est pas trompé. D’un pinceau vif, il met en place une composition centrée sur cet oranger dans sa caisse, placée sur un chariot que trois jardiniers s’affairent à déplacer. Le rouge vif de la ceinture de l’un se retrouve sur le gilet de l’autre, et essaime sur les vêtements des personnages flânant autour du bassin, sur la terrasse, en haut de l’escalier. Légèrement décalé, le jet d’eau irise la surface, et les hautes frondaisons forment une voûte, rappelant celles tant admirées par Hubert Robert lors de son long séjour romain. Curieux, fin observateur, il note dans ses nombreux dessins non seulement les détails architecturaux, la topographie et les perspectives, mais aussi la vie du peuple au milieu des ces ruines grandioses. Faire un feu dans une galerie écroulée, étendre son linge entre deux statues ou garder son troupeau parmi les vestiges de la Rome antique, sont pratique courante pour les habitants. Notre artiste pousse même plus loin, accompagnant l’abbé Saint-Non et Fragonard jusqu’à Naples et les ruines de Pompéi. Il visite également Florence, les villas toscanes et leurs écrins de verdure, leurs fontaines chantantes et leurs grottes. De retour en France, en 1769, il fréquente les salons du duc de La  Rochefoucault. Il est nommé en 1778 garde général des tableaux des collections royales et dessinateur des jardins du roi, comme Le Nôtre quelque quatre-vingts ans plus tôt. Hubert Robert prête son concours pour le nouvel aménagement des Bains d’Apollon à Versailles. Son goût des ruines, son observation des parcs de palais romains sont au diapason de l’engouement pour le jardin anglais, censé reproduire la nature. De Marie-Antoinette au marquis de Laborde, tout le monde cultive son jardin comme Candide... Hubert Robert dessinera le hameau du petit Trianon pour la reine, le parc du château de Méréville avec ses folies, grottes, ruines, lacs et ruisseaux pour le banquier. Mais aussi celui du marquis de Girardin à Ermenonville, lieu si cher à Jean-Jacques Rousseau. Le philosophe y est enterré, sur l’île des Peupliers, dans un tombeau dessiné par l’artiste. Notre tableau serait-il alors une vue d’un lieu précis ? Malgré les recherches de l’expert, rien ne concorde. Le peintre a juste cherché à saisir un instantané, maintes fois observé, et le rendre éternel dans cette vue préromantique. Une oeuvre à l’échelle humaine, comme nos trois jardiniers et leur précieux oranger.
Bayeux. Lundi 5 avril.
Bayeux Enchères SVV. Cabinet Turquin.
Paire d’appliques en bronze doré à deux bras de lumière en fer et tôle, fleurettes en pâte tendre, époque Louis XV, h. 39, l. 30 cm. Estimation :
15 000/25 000 €.

Fleurs et luminaires
Les appliques impriment leurs volutes le long du mur, tel le rosier grimpant. Fleurs et boutons en pâte tendre à décor polychrome au naturel apparaissent dans leur feuillage en tôle laquée – l’objet extrêmement décoratif demeure toutefois utilitaire. Sous la Régence, dès la tombée de la nuit, la lumière des bougies des appliques, lustres ou flambeaux projette la danse des flammes vacillantes, éclairant les diverses activités des occupants de la pièce et les surfaces rehaussées de bronzes dorés des meubles. Le décor au naturel des fleurettes en porcelaine apporte une touche de gaieté, typique de ces intérieurs où la société – aristocratique tout du moins – semblait vivre une perpétuelle fête galante. Les manufactures de Vincennes, Meissen et Chantilly produisirent quantité de ces petites fleurs, par la suite intégrées à des objets décoratifs plus ou moins élaborés comme lustres, candélabres, pendules, vases et pots-pourris vendus par les marchands merciers. Ces objets de luxe, signant le raffinement du décor pendant toute la première moitié du XVIIIe siècle, se retrouvent tant dans les intérieurs royaux que chez les grandes familles, comme les Noailles. Une paire d’appliques similaire à la nôtre est décrite ainsi dans la vente Charles de Lorraine, en mai 1781 : "Deux petits bras de cheminée de bronze surdoré, portant chacun une bobèche de même métal, et ornés de quantité de fleurs de porcelaine de Sèvres." On peut encore citer l’inventaire après décès de Louise-Bénédicte de Bourbon, duchesse du Maine : "Paire de bras à deux branches de bronze peint à fruits et feuillages de porcelaine prisée 80 livres." Les luminaires épousent le style de leur époque, même avec l’arrivée de l’électricité. Ainsi, dans cette vacation, figure également un plafonnier à vasque uni et six attaches en verre blanc moulé pressé patiné, du modèle "Églantines", présenté avec sa cordelière d’origine. Ce modèle raffiné a été créé en septembre 1926 par René Lalique et est aujourd’hui estimé environ 6 000 €. Il reflète la sobre élégance, la pureté des lignes et l’extrême soin apporté au choix des matériaux par les créateurs de l’esprit "art déco" en vogue dans les années 1925-1930. Dans le catalogue raisonné de l’oeuvre de Lalique, Félix Marcilhac indique que ce modèle a figuré aux catalogues de 1928 à 1932 et sur le tarif de 1937, mais ne fut pas continué après 1947. Ce plafonnier s’intègre parfaitement dans un intérieur moderne, apportant avec discrétion une élégance sophistiquée...
Mercredi 7 avril, salle 1 - Drouot-Richelieu.
Ader SVV. Cabinet Dillée.
Jean Raoux (1677-1764), L’Offrande à Priape, 1720, huile sur toile, 91 x 73,3 cm. Estimation : 40 000/60 000 €.

Un Raoux retrouvé
Grâce à deux sources, on connaissait la présence de L’Offrande à Priape, un tableau de Jean Raoux, dans les collections du duc de Choiseul. On le voit dans la gravure de Beauvarlet pour le Recueil d’estampes gravées d’après les tableaux du cabinet de monseigneur le duc de Choiseul, édité à Paris par Basan en 1771, et sur la miniature de Van Blarenberghe ornant une tabatière et représentant sa chambre. Amateur d’art, Choiseul avait réuni une collection de tableaux, meubles et objets d’art – dont plusieurs font aujourd’hui l’honneur des musées. Le duc laisse aussi le souvenir d’un homme "léger et frivole dans son privé jusqu’à l’effronterie", qui n’aurait pas déparé dans la société galante fréquentant les salons du Temple, demeure du grand prieur Philippe de Vendôme où se mêlaient les beaux esprits, dont Voltaire, et des danseuses et chanteuses peu avares de leurs charmes. Le prieur s’était lié d’amitié avec le peintre Jean Raoux, à Venise vers 1707, et lui confia d’importants travaux pour son palais sur la lagune. Le goût, alors, n’est plus aux tableaux à sujet édifiant mythologique ou historique, et notre artiste devient le peintre des grâces féminines. Son métier, proche de celui des Flamands, dont son maître Ranc était héritier, se pare de l’éclatante palette des grands Vénitiens. Les titres évoquent Pygmalion amoureux de sa statue, prétexte à une belle anatomie féminine, ou, comme ici, une jeune mariée amenée par une vieille prêtresse devant la statue de Priape, le sexe (presque) chastement drapé de fleurs ; au fond de la composition, le mari allongé se fait servir par un esclave une coupe, contenant peut-être un aphrodisiaque. Le duc de Choiseul avait accroché ce tableau à côté de la sensuelle Jeune Grecque sortant du bain de Vien.
Mercredi 7 avril, salle 8 - Drouot-Richelieu.
Deburaux - Aponem SVV. M. Dubois.
Pablo Picasso (1881-1973) - Madoura. Hibou, 1952, vase en terre de faïence blanche décoré aux oxydes, gravé au couteau sur émail ; au dos : édition Picasso, n° 1, pièce unique ; h. 54, diam. 25 cm. Estimation : 70 000/80 000 €.

Pièce unique
L’art céramique n’est pas totalement inconnu de Picasso lorsqu’il s’installe dans le Sud, en 1946, avant d’élire domicile à Vallauris jusqu’en 1955. Dès 1900-1901, il s’est initié à cette pratique avec son ami Paco Durrio, un céramiste proche de Gauguin. Trente ans après, il visite les ateliers de poterie de Vallauris avec Nusch et Paul Eluard, fasciné par ces "mains tranquilles qui vont leur chemin". La rencontre décisive avec les Ramié, repreneurs de la fabrique Madoura, a lieu à l’été 1946. Picasso modèle des statuettes, décore des plats et des vases. Il aime découvrir émaux et oxydes métalliques après cuisson : "La céramique fonctionne comme la gravure, la cuisson c’est le tirage." Notre vase à décor de hibou est un exemplaire d’essai, qui resta unique. Picasso n’admettait aucune frontière entre peinture, gravure et céramique, chaque forme nourrissant l’autre. Il a par exemple laissé des empreintes en faïence de ses gravures au linoléum, comme en témoigne une Grande Tête de femme au chapeau orné de 1964, plaque en terre de faïence rouge imprimée au tampon d’engobe noir, estimée 15 000 €.
Mercredi 7 avril, salle 4 - Drouot-Richelieu.
Bailly-Pommery & Voutier SVV. Cabinet Perazzone - Brun.
Paire de fauteuils à dossier "à la reine" en noyer sculpté de fleurettes, de moulures et de cartouches, époque Louis XV, vers 1745, h. 94. l. 68 cm. Estimation : 8 000/10 000 €.

Sièges sculptures
Inutile de chercher une estampille sur nos sièges : il n’y en a pas. Mais c’est tout comme, si l’on observe la richesse de la sculpture et la générosité des formes. Tout en effet porte à voir la marque du grand Nicolas Heurtault (1720-1771). Ce fils d’un sculpteur en sièges, Claude Heurtault, se consacre tout d’abord à la sculpture et entre à l’académie de Saint-Luc, en 1742. Pendant une quinzaine d’années, il exerce rue de Cléry, comme sculpteur en sièges pour des menuisiers tels Tilliard ou Sené, avant d’accéder à son tour à la maîtrise, en 1753. Heurtault exerce dès lors comme maître sculpteur et maître menuisier. Mais aussi, sculpteur en bâtiments. S’il ne livra pas pour la Couronne, notre artiste eut une clientèle particulière de choix. Son oeuvre est fortement marquée par son premier métier et ses sièges semblent souvent de véritables sculptures. Opulence, originalité... et un rythme qui s’adapte parfaitement aux lignes sinueuses et harmonieuses des sièges et des consoles. Ténor du style rocaille, Nicolas Heurtault participe toutefois au retour du classicisme et produit une oeuvre "Transition" parmi les plus intéressantes. Et qui ne sera pas sans influencer certains de ses confrères. Notre homme débordait d’énergie et d’imagination, mais sans aucun doute de grande maîtrise aussi...
Vendredi 9 avril, salle 4 -  Drouot-Richelieu.
Coutau-Bégarie SVV. M. Godard-Desmarest.
Fang, Gabon. Figure masculine de reliquaire, bois à patine brune et nuancée brun-rouge, h. 39 cm. Estimation :
70 000/90 000 €.

La force tranquille
Parmi les rites les plus importants des Fang, le culte des ancêtres, ou culte des morts, occupe une place primordiale. Rien de surprenant, donc, à ce que les reliquaires, dans lesquels on plaçait les restes des défunts, ainsi que les statuettes qui les surmontaient soient de sacrés morceaux de sculpture. À l’image de notre figure masculine mvai – Fang du Sud, vallée du Ntem, au Gabon –, d’une grande puissance avec son corps massif campé sur des jambes fortement galbées. À noter encore, les larges épaules, l’étonnant jeu de courbes du dos rythmé par le creux de la colonne vertébrale, la coiffe, figurant probablement des nattes séparées, la bouche étirée, entrouverte sur des dents limées en pointe, le menton effacé. À la puissante musculature répond une pose hiératique, qui force le respect... Et dont les cubistes se souviendront.
Samedi 10 avril, salle 16 - Drouot-Richelieu.
Cornette de Saint Cyr maison de ventes SVV. Mme Valluet.
André Malraux (1901-1976), L’Espoir, Paris, Gallimard, 1937. Édition originale, in-8°, sur hollande, reliure de Martin en demi-maroquin noir, plats de papier glacé vert, dos lisse mosaïqué, tête dorée, étui. Estimation : 4 000/4 500 €.

Être et agir
Notre exemplaire est l’un 23 de l’édition originale tirée sur hollande, le troisième papier après les 6 sur chine et les 12 sur japon. Mais outre la belle impression, notre ouvrage est habillé d’une séduisante reliure en camaïeu vert, due à l’un des plus talentueux créateurs de la période art déco, l’homme de métier Pierre-Lucien Martin (1913-1985). Et puis, il y a bien sûr le texte... Publié en 1937, L’Espoir interroge sur la place de l’homme et de l’engagement révolutionnaire, en l’occurrence dans la guerre d’Espagne à laquelle Malraux a participé. L’ouvrage se compose de trois parties : L’Illusion lyrique, fresque haute en couleur et en émotion de cette explosion qui a soulevé le pays contre la misère. À cette partie – intimiste et sentimentale – succède Le Manzanarès, du nom du cours d’eau reconquis par les Républicains, où il s’agit d’"organiser l’Apocalypse", car, en face, il y a Franco avec son armée en campagne. C’est la guerre pour une idéologie, avec la possibilité de vaincre, l’espoir enfin. Écrit comme une chronique, ce monument de la littérature raconte la guerre d’Espagne, non pas au travers d’un drame individuel mais dans sa totalité. Et dont la grande leçon serait l’action dans la fraternité, l’espoir en l’homme.
Vendredi 9 avril, salle 2 - Drouot-Richelieu.
Binoche - Renaud - Giquello SVV. M. Courvoisier.
Salvador Dali (1909-1989), The Precious Medium, 1946, dessin à l’encre 28,6 x 19,9 cm. Estimation : 60 000/80 000 €.

Dali visionnaire
La frontière entre psychanalyse et mysticisme est bien mince dans l’oeuvre de Salvador Dali. Passionné depuis ses études par les travaux de Sigmund Freud, le peintre voue notamment un culte à son Interprétation des rêves. L’ouvrage inspirera une grande partie des oeuvres de l’artiste sur le thème onirique, sur les fantasmes et les incohérences de l’esprit. Mais, comme tout surréaliste qui se respecte, Dali s’intéresse aussi aux arts divinatoires, à l’irrationnel. Il sera d’ailleurs l’auteur d’un tarot de 78 cartes, utilisé encore aujourd’hui par les professionnels de la voyance. Ainsi, notre Medium, tel un sphinx en plein désert, attaqué par des fourmis et des doigts lui transperçant les yeux, prend tout son sens dans l’oeuvre de Dali. Selon Robert Descharnes, il s’agit d’une illustration de Fifty Secrets of Magic Craftsmanship (Cinquante secrets magiques), un ouvrage publié par le Catalan en 1947 à New York, lors de son exil américain de 1939 à 1948 en compagnie de Gala, ex-Madame Eluard. Au fil des pages, le peintre livre son expérience et ses recettes picturales à l’adresse des artistes qui auraient le talent de les appliquer. Il y établit également une évaluation des grandes figures de l’histoire de l’art, auxquelles il attribue une note. Et là, surprise ! Son classement propulse en tête les peintres de la Renaissance ainsi que quelques grands maîtres, tels Vermeer ou Vélasquez... Une éloge du classicisme en guise de pied de nez aux diktats artistiques de son époque !
Deauville, dimanche 4 avril.
Massol SVV.
Jean Souverbie (1891-1981), Mère et enfant, 1929, huile sur toile, 100 x 73 cm.
Estimation : 20 000/30 000 €.

Maternité moderne
À la question de Philippe Lejeune pour son entretien publié par la galerie Malaval de Lyon en 1983, "Quel artiste rêvez-vous d’être ?", Jean Souverbie répondait "Rembrandt et Picasso". Cette ambivalence entre art classique et moderne est la pierre angulaire de la personnalité du peintre. En témoigne notre toile de 1929. Souverbie revisite ici la figure de la maternité. Résolument figuratif, il impose une composition claire et ordonnée, dans laquelle évoluent des personnages massifs, inspirés aussi bien de la statuaire grecque antique que des sculptures d’Henry Moore. Mais une autre influence se fait sentir, celle d’un certain Maurice Denis. La rencontre avec le fondateur du groupe des nabis et des Ateliers d’art sacré se révélera décisive. Jean Souverbie n’a que 17 ans lorsque le maître découvre, chez un encadreur de Saint-Germain, l’une de ses toiles et demande à rencontrer cet artiste prometteur. Il deviendra autant son professeur que son ami. Les deux hommes, outre une palette claire, partagent une inclination pour les oeuvres intimistes. Jean Souverbie peindra ainsi de nombreuses scènes familiales, avec son épouse et ses enfants, comme pour notre toile. Les années qui suivront – 1930 et 1940 – seront celles de la consécration : les grandes commandes se succèdent, les expositions se multiplient... Un poste de professeur à l’académie Julian lui est offert, suivi de la direction de l’Atelier d’art sacré en 1943, à la mort d’un maître et d’un ami, Maurice Denis.
Honfleur, dimanche 4 avril.
Honfleur Enchères SVV.
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