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Égypte, Nouvel Empire, XVIIe dynastie, règne d’Aménophis III, vers 1390-1352 av. J.-C. Cuillère d’offrande représentant une nageuse portant un ibex, bois et pigment noir, l. 25,8 cm. Estimation : 80 000/120 000 €.

À la une : Une cuillère égyptienne de la XVIIe dynastie
Nous sommes au "pays du lac", le Fayoum, dont l’oasis recueille les hautes eaux du Nil. Un lieu idyllique où s’exhale le parfum des fleurs d’oranger, où bruissent les palmes des dattiers, où scintillent l’argent et le bronze des feuilles d’olivier… L' endroit idéal pour édifier un grand harem royal. Ce qui fut fait à Goroub. Habitation des épouses et des concubines de pharaon, c’était aussi un centre économique important. Des impôts apportaient des revenus réguliers ; la possession de troupeaux, d’exploitations agricoles, de moulins et d’ateliers de tissage assurait non seulement l’ordinaire de la vie quotidienne, mais aussi une prospérité qui permit le développement d’un artisanat somptueux. Les fouilles du palais et de la nécropole en ont révèlé l’élégance et le luxe, jusqu’aux moindres objets. Peignes, pots à fard, miroirs et cuillères abondent, dont plusieurs exemples figuraient dans l’exposition «Pharaon» présentée à l’Institut du monde arabe, à Paris en 2004-2005. De ces cuillères dites "à fard en forme de jeune fille nageant" émane une séduction certaine, mais elles recèlent encore bien des mystères. Les baigneuses aux formes sensuelles portent leur tête bien droite, tandis que leurs bras soutiennent un bassin en forme d’animal. La rareté de notre exemplaire – le seul connu à ce jour, semble-t-il – tient au fait que la figurine aux bras tendus maintient hors de l’eau, non pas un canard, comme c’est habituellement le cas, mais un ibex. La position de ces nageuses paraît naturelle à première vue. Mais, en y regardant de plus près, apparaissent des invraisemblances anatomiques, comme la verticalité de la tête par rapport à l’horizontalité du corps, notamment des épaules et des bras. La sculpture égyptienne est coutumière de ces points de vue différents. On retrouve cette manière sur les fresques des tombes figurant dieux, rois et officiants, ce qui laisse à penser qu’elle revêt un caractère sacré. Alors, s’agit-il simplement d’une jolie naïade, dont la forme est prétexte à une pièce utilitaire ? L’affaire semble compliquée, comme on s’en aperçoit en lisant le cartel d’un même type de cuillère conservé au musée du Louvre : "Un tel objet, chargé de vertus positives de ces représentations magiques, ne pouvait que porter bonheur à son ou sa propriétaire. Fragile, délicat, esthétique, il a pu tenir le rôle d’objet d’art et de porte-bonheur, de talisman favorable à la vie sexuelle et à la vie tout court." Célébrant la jeunesse, la beauté et l’amour, le corps de la nageuse est nu. À l’arrière, les trois tresses de sa perruque, comme alourdies par l’eau, invitent le regard à descendre le long du dos. Des pigments noirs soulignent la coiffure, les yeux et le pubis de la jeune fille, ainsi que les cornes du bouquetin. Or, associer un animal considéré par les anciens Égyptiens comme néfaste à un objet relevant de la sensualité la plus exquise peut paraître paradoxal. Notre ibex ou oryx – dont le hiéroglyphe signifie aussi "glouton" –fait partie du bestiaire de Seth, meurtrier d’Osiris et défenseur de la barque solaire dans sa traversée de la nuit. Allégorie de l’hiver, de la nature figée, cet animal serait alors un présage de mort. Mais ici, il est représenté "maîtrisé", les pattes liées. «Plus aucun danger n’arrivera à celui qui me possède», semble dire notre cuillère, qui serait une amulette offerte lors des festivités du nouvel an, fixé au 19 juillet, lorsque le Nil est en crue et fertilise les terres. Les égyptologues, véritables détectives, poursuivent plusieurs pistes, sans hélas avoir la certitude de voir confirmées leurs hypothèses, contrairement à Hercule Poirot à la fin des romans d’Agatha Christie ! Que d’énigmes pour cette sensuelle naïade...
Paris, Drouot-Montaigne. Mardi 15 décembre.
Pierre Bergé & Associés SVV. M. Kunicki.
Heures à l’usage de Paris, Paris, cercle de maître François, vers 1470. Livre en parchemin composé de 166 feuillets, à 20 lignes par page, illustré de six grandes peintures, 35 petites et 211 petites bordures soulignant l’emplacement des initiales des psaumes et lectures diverses. Estimation : 60 000/80 000 €.

Bibliothèque du Lude, une passion
Réunie par Pierre Foullon, cette bibliothèque décrite dans les 260 numéros du catalogue est un rêve de bibliophile. À lui seul, le choix des reliures est tout bonnement époustouflant. En outre, il s’agit là des plus beaux exemples du XVIe siècle jusqu’au XXe. Le même commentaire s’applique aux illustrations, des Heures à l’usage de Paris aux compositions de Georges Rouault pour Le Cirque de l’étoile filante, en passant par des dessins de Cochin, des planches de Moreau le Jeune, Goya, Toulouse-Lautrec, Bonnard, Picasso... Une bibliothèque classique, certes, mais qui révèle une personnalité férue de son sujet, ne lésinant pas à mettre de la persévérance et des moyens importants pour réunir cet ensemble ; léguée par ce passionné à son filleul, Jacques Couppel du Lude, elle fut préservée avec des soins jaloux. Celui-ci gardait ainsi les persiennes du grand salon toujours closes, afin de préserver la fraîcheur de ces reliures exceptionnelles. Désormais, d’autres amateurs auront le privilège de goûter les mêmes joies, d’établir des correspondances subtiles entre les ouvrages... Parmi les six grandes peintures de nos Heures à l’usage de Paris, cinq sont dues au cercle de maître François. Celle représentant les possesseurs agenouillés est postérieure aux autres, ayant été réalisée par un artiste parisien vers 1510. On peut distinguer des armoiries à la base de l’encadrement architectural. Celles d’Emmanuel Philibert de Savoie ornent pour leur part les plats d’une reliure de l’atelier du doreur et relieur royal Claude de Picques, pour Le Premier volume de l’histoire et cronique de Messire Jehan Froissart (Lyon, Jean de Tournes, 1559), estimé 5 000/6 000 €. Ces deux ouvrages font partie d’un ensemble de livres du XVIe siècle aux remarquables reliures. Pour le siècle suivant, on remarque un album factice de 443 eaux-fortes de Jacques Callot, estimé 20 000 €, et un volume de l’Office de la semaine sainte, 1644, dans une reliure à la fanfare de style tardif par Antoine Ruette, relieur ordinaire du roi et éditeur de cet ouvrage (4 000 €). Cet exemplaire a appartenu au relieur Joseph Thouvenin, qui l’offrit à son ancien ouvrier et ami Delaunay, comme modèle d’excellence et de maîtrise de l’art. Parmi le florilège de livres du XVIIIe siècle, on retient plusieurs exemplaires se rapportant à La Fontaine. Citons un exemplaire des Contes et nouvelles en vers, deux volumes de l’édition de 1762 dite "des Fermiers généraux" en brochure d’origine (4 000 €), un recueil de 64 dessins de graveurs (50 000 €), dont 59 de la main de Cochin, d’après les dessins d’Oudry, pour l’édition des Fables, à Paris par Desaint & Saillant, en 1755-1759. Et, surtout, assortis d’une estimation de 40 000 €, les quatre volumes de cette édition en premier tirage sur grand papier de Hollande. Précisons qu’ils sont revêtus d’une reliure ornée de grands fers dorés rocaille juxtaposés aux armes de Louise-Élisabeth de Bourbon-Condé, princesse de Conti, les deux premiers volumes par Bonnet et les deux suivants par Padeloup. Pour parfaire cette bibliothèque, notre amateur a pu réunir deux ouvrages sur la tauromachie : un exemplaire du premier tirage de La Tauromaquia (Madrid, 1816), avec la suite des 33 eaux-fortes de Goya et le rare titre imprimé - un recueil relié par Madeleine Gras, pour lequel il faut prévoir 100 000 € - et celui du Tauromaquia o arte de torear... (Barcelone, Gustavo Gili, 1959) illustré d’une pointe-sèche réalisée en 1927 - pour le premier projet de cette édition, par Gustavo Gili père -, et de 25 aquatintes au sucre hors texte de Picasso. Prévoyez au moins 35 000 €. D’un livre l’autre se déploient de multiples jeux de correspondances... incitant les amateurs à rechercher pour eux-mêmes d’autres pistes.
Lundi 23 novembre, hôtel du Louvre. Alde SVV.
Mme Bonafous-Murat, M. Courvoisier.
Marguerite Gérard (1761-1837), Femme assise avec son fils, huile sur panneau, 38 x 32 cm. Estimation :
30 000/40 000 €.

Un portrait intimiste
Une femme et son fils. Rien d’autre - ou si peu - ne vient détourner le regard du spectateur. Il partage sans restrictions l’intimité de cette mère. Il se délecte aussi du miroitement des plis de la robe, que l’on imagine de lourde soie, des riches broderies du corselet, du collier aux camées dans le goût antiquisant et du charmant foulard servant de serre-tête ou de chapeau. On croirait reconnaître les modèles tant leurs visages sont rendus avec véracité, même ceux du fils si joliment chaussé de sandales bleues, visibles à travers la transparence de la robe. C’est là tout le charme de la peinture de Marguerite Gérard, qui sait si adroitement mêler peinture de genre et portrait. C’est vrai, elle a été à bonne école : sœur de l’épouse de Fragonard, elle vient toute jeune encore s’installer chez eux et bénéficie des leçons du maître. À la fin du XVIIIe siècle, le portrait intime joue un rôle de premier plan, la femme tient une place prépondérante et l’enfance se révèle un thème de plus en plus traité. Marguerite Gérard, avec l’appui de son beau-frère, va conquérir sa place de peintre grâce à ses portraits de petit format. Elle sait restituer la personnalité du modèle et, en quelques objets, planter le cadre révélant son rang dans la société. Comme l’écrit la spécialiste de l’artiste, Carole Blumenfeld, dans le catalogue de l’exposition qui lui est consacrée jusqu’au 6 décembre prochain, au musée Cognacq-Jay : "Les modèles se projetaient ainsi dans des scènes de la vie quotidienne, dans des compositions qui mariaient à la fois loisir, fiction et réalité"...
Lundi 23 novembre, salle 7 - Drouot-Richelieu. Cabinet V.A.E.P. Marie-Françoise Robert & Franck Baille SVV. Cabinet Turquin.
Edgar Degas (1834-1917), Jeune Fille appuyée au dossier d’un fauteuil, huile sur panneau, 70 x 50 cm, cachet de la signature. Estimation : 400 000/600 000 €.

Degas, observateur du quotidien
Les tableaux d’Edgar Degas qui viennent se brûler au feu des enchères se comptent sur les doigts d’une main, du moins de ce côté-ci de l’Atlantique et de la Manche. Le nôtre provient d’une collection monégasque, et est muni de son autorisation de sortie du territoire. Mais son pedigree ne se résume pas à cette seule information. D’ailleurs, ce n’est pas la première fois qu’il vient sous le marteau, puisqu’il figurait sous le n° 43 de la deuxième vente de l’atelier du maître, qui réunissait à la galerie Georges Petit, du 11 au 13 décembre 1918, le gratin des professionnels et des collectionneurs. Son heureux acquéreur n’était autre que le célèbre marchand Ambroise Vollard. Quelque temps plus tard, notre homme le cède à nouveau. Devinez à qui ? À l’autre grand galeriste de l’époque, Paul Durand-Ruel. Notre homme, qui a promu la peinture française du XIXe siècle aux États-Unis, vend à son tour le portrait aux époux Scheuer à New York. L’oeuvre enrichit ensuite, non loin de là, les collections du musée Guggenheim, avant de se retrouver au catalogue d’une vente londonienne de la maison Christie’s, le 30 novembre 1987. Notre tableau fut exécuté vers 1889. Malgré son titre, il fait l’objet d’une autre interprétation : la jeune femme, dans laquelle certains ont vu le portrait de l’une des cousines de l’artiste, serait non pas appuyée au dossier d’un fauteuil, mais en train de travailler à un ouvrage, peut-être monté sur un métier à broder ou un paravent. Sur l’élément rectangulaire occupant le quart inférieur gauche du tableau, on remarque une courbe noire ressemblant à une branche fleurie. Probablement un élément décoratif de la pièce sur laquelle s’applique notre modèle. À moins qu’il ne s’agisse d‘un tabouret dont elle serait en train de changer la tapisserie. Si Edgar Degas a fréquemment représenté des jeunes modistes à l’ouvrage, des repasseuses courbées sur leur labeur et, bien sûr, des jockeys, des nus et des ballerines, les brodeuses sont beaucoup moins connues dans son oeuvre. L’originalité du sujet, mis en scène dans un cadre familial, son format, sa provenance, sa mise en page, mais aussi le fond du tableau dont l’artiste a joué comme d’un élément à part entière, un peu comme s’il voulait faire disparaître son sujet, sont autant d’atouts...
Mercredi 25 novembre, salle 7 - Drouot-Richelieu.
Blanchet & Associés SVV. Cabinet Brame et Lorenceau.
Frantisek Foltyn (1891-1976), Composition, 1927, huile sur toile, 67 x 54 cm ; au dos, une autre Composition d’un format vertical. Estimation :
20 000/30 000 €.

Un artiste tchèque à Paris
Dans les années 1920, Paris est aussi la capitale de l’art moderne, notamment pour nombre d’artistes tchèques. Kupka est arrivé à la fin du XIXe siècle, Styrsky, Toyen, Sima et Foltyn ont aussi fait ce choix - et leur art en a été profondément changé. Ce dernier a fait ses études à l’école des arts appliqués de Prague, où il a peut-être vu l’exposition de Bourdelle en 1909. Comme nombre de ses compatriotes, il s’inscrit dès son arrivée dans la capitale française, en 1924, à l’académie de la Grande Chaumière, où le sculpteur donne des cours et vient personnellement corriger les oeuvres de ses élèves. Le jeune artiste fréquente aussi l’académie Julian et l’atelier de Kupka, à Puteaux. Bien qu’écrit quelque dix ans plus tôt, l’ouvrage de ce dernier, La Création dans les arts plastiques, a été publié en 1923 à Prague. Cet hymne à l’abstraction profonde de la nature a d’ailleurs peut-être convaincu Foltyn de venir s’installer à Paris. Très rapidement, il se rapproche des artistes réunis dans les "soirées de l’esprit nouveau" par Michel Seuphor, qui lui offrira sa première exposition, en 1927, à la galerie Au sacre du printemps. Ces soirées forment le creuset d’où va émerger le mouvement Cercle et Carré, dont l’unique exposition de 1930, galerie 23, regroupe des peintres comme Kandinsky, Mondrian, Léger, Arp... et Foltyn. À l’instar de nombreux participants, ce dernier rejoint le groupe Abstraction-Création l’année suivante, où il retrouve Kupka. Le tableau présenté lors de cette vacation montre l’évolution du style de Foltyn : au verso, on voit une organisation de formes géométriques sur lesquelles s’inscrivent des lignes sinueuses, qui envahissent ensuite la composition définitive, formant une harmonie de rythmes unifiant l’espace en un tout cohérent. Dix ans après, Foltyn retourne à Prague, où peu à peu il retrouve un style figuratif. Son abstraction avait vécu le temps d’un "printemps de Paris".
Mardi 24 novembre, salle Rossini.
Rossini SVV. M. Maket.
Niki de Saint Phalle (1930-2002), Garden, 1972, assemblage sur bois dans un coffrage en Plexiglas, 128 x 250 x 26 cm. Estimation :
180 000/250 000 €.

Expressions artistiques 1950-2000
L’art peut renaître des cendres de la guerre. C’est ce qu’ont affirmé plusieurs artistes en explorant des voies nouvelles. "Ce qui est intéressant, c’est les chemins dont on ne voit pas le bout, les trous dont on ne voit pas le fond, les fumées dont on ne voit pas le derrière, écrit Jean Dubuffet, ça permet à l’usager d’y faire des grandes promenades dans ces portraits-là et jamais les mêmes." Sa peinture datée de 1950 et estimée 350 000 €, L’homme au nez menu, ne rompt pas seulement avec l’iconographie traditionnelle, même mise à mal par les compositions issues du cubisme, mais aussi avec la matière. Quasiment contemporaine, une sculpture en fer soudé de Philippe Hiquily présente des formes abstraites géométriques (30 000 €). Si elle règne en maître à cette époque, l’abstraction mène aussi vers d’autres recherches, notamment celles de Georges Mathieu sur l’association de la spontanéité du geste au pouvoir d’expression. L’artiste lui-même, citant Blanche de Turenne peinte en 1952 et assortie d’une estimation de 180 000 €, explique : "L’adjectif tachiste a au moins l’avantage de signifier peinture directe. Il est assez intéressant de souligner que l’on ne fait pas la tache pour faire une tache, mais l’on fait la tache parce qu’on a besoin d’une certaine surface de couleur à un certain endroit "... Un dynamisme que l’on retrouve dans les griffures colorées d’Hartung, dont une toile datée 1964 est présentée dans cette vacation (120 000 €). À peu près la même année, Niki de Saint Phalle adopte une nouvelle matière, le polyester, qui lui permettra d’expérimenter diverses formes plastiques et, surtout, d’oser la couleur. Marquée par l’architecture foisonnante de Gaudí, elle va à sa manière en reconstituer la flamboyance. Réalisée en 1972, Garden est une œuvre joyeuse ; le mariage avec Jean Tinguely date de l’année précédente. Par la technique de l’assemblage, Saint Phalle installe les silhouettes de ses "nanas" dans un éden évocateur de la peinture. Elle est dans la plénitude de son art, envisageant de créer un autre jardin, cette fois-ci grandeur nature, le Jardin des Tarots à Garavicchio, en Toscane, point d’orgue de sa création. Un gros soleil domine une sorte de palais de conte de fées revu par l’architecte catalan, et baigne un cortège, véritable bacchanale où créatures fantastiques et familières nanas se baignent, s’accouplent ou s’égaient en folles cavalcades dans un paysage californien bordé de montagnes roses et ponctué de cactus et d’un lac... Au centre, sous la composition architecturale fantasmagorique et à l’aplomb de la boule du soleil, Niki de Saint Phalle a placé une spirale rouge, souvenir, peut-être, de la Spiral Jetty de Robert Smithson achevée en 1970, comme une allégorie de la puissance de la nature et de la vie.
Mardi 24 novembre, espace Tajan, 20 h.
Tajan SVV.
Jean-Émile Laboureur (1877-1943), Haute École, 1913, bois, épreuve sur papier chamois avec trois coloris au lavis ajouté à la main, 25 x 17,5 cm. Estimation : 1 500 €.

Jean-Émile Laboureur, graveur et peintre
Arrivé à Paris en 1895 pour y faire des études de droit, ce Nantais fréquente davantage les ateliers de l’académie Julian que les bancs de la faculté. Deux rencontres vont décider de sa carrière de graveur : celles d’Auguste Lepère et de Toulouse-Lautrec. Notre élégant cavalier de Haute École ne passerait-il pas aisément pour une version cubisante d’Au cirque ? Toujours curieux, Laboureur étudie les oeuvres synthétiques de Gauguin, les nabis, s’intéresse au cubisme : avec une élégance qui n’appartient qu’à lui, il intègre tous ces styles pour forger son vocabulaire. Cet important ensemble comprend des oeuvres de toutes époques. Un Bouquet champêtre, peint en 1914, était par exemple prévu pour le salon d’automne de cette même année. Estimée 2 000 €, cette toile, à la fois nabi et timidement cubiste, voisine avec La Ruelle de 1922, résolument adepte de ce dernier style et exposée au Salon d’automne, pour laquelle il faut compter 8 000 €. Après les bois des années 1896-1897, le graveur diversifie ses techniques. Ainsi, le catalogue de Lotz-Brissonneau, publié en 1909, comptait déjà 171 estampes, dont 97 bois. Après de nombreux voyages, Laboureur se fixe à Paris en 1912. Son graphisme rigoureux est empreint d’une tendresse non dénuée d’humour dans la représentation des personnages. En 1938, malade, il interrompt ses activités de peintre, graveur et illustrateur, ainsi que la fonction de président de la société des peintres-graveurs indépendants.
Mardi 24 novembre, salle 9 - Drouot-Richelieu.
Ferri SVV. M. Lecomte.
Filippo Tommaso Marinetti (1876-1944), Les mots en liberté futuristes, Milan, Edizioni Futuristi di Poesia, 1919. Exemplaire de l’édition originale. Estimation : 1 200 €.

Typographie explosive
En 1909, le Manifeste du futurisme de Filippo Tommaso Marinetti, publié en France dans Le Figaro, est d’abord un engagement littéraire parfaitement explosif. "La littérature ayant jusqu’ici magnifié l’immobilité pensive, l’extase et le sommeil, nous voulons exalter le mouvement agressif, l’insomnie fiévreuse, le pas gymnastique, le saut périlleux, la gifle et le coup de poing"... tel est son programme. Marinetti va utiliser des moyens inspirés de la publicité pour donner le plus d’ampleur à son appel à changer l’art, la façon de vivre et, surtout, la littérature. Depuis 1905, Marinetti fait l’apologie du vers libre et décide d’utiliser une nouvelle typographie pour casser les cadres de la page, pour donner aux mots leur liberté et visualiser "les flux et reflux du style". Diverses couleurs, de multiples caractères - italiques et gras - vont souligner la force d’expression des mots. En 1914, il publie Zang Tumb Tumb, un des chefs-d’oeuvre de la typographie futuriste, dont un exemplaire estimé 1 000 € est présenté dans cet ensemble consacré au futurisme. Le poème concret raconte avec force mots, onomatopées et expressions poétiques la bataille d’Adrianople, à laquelle il a assisté comme correspondant de guerre lors du conflit entre la Turquie et la Bulgarie. Puis, en 1919, sont publiés Les Mots en liberté futuristes, où Marinetti résume quinze années de recherches sur le renouveau du langage littéraire. Il dispose sur des pages dépliantes et dans un savant désordre une quantité de caractères typographiques de corps différents, certains connus, d’autres créés pour l’occasion. Une véritable dynamite !
Lundi 23 novembre, salle 15 - Drouot-Richelieu.
Binoche - Renaud - Giquello SVV. M. Oterelo.
Haute-Normandie, vers 1540. Bas-relief en calcaire représentant deux scènes séparées par un pilastre, à gauche Le Portement de Croix, à droite La Pâmoison de la Vierge, 63 x 103 x 19 cm. Estimation : 25 000/30 000 €.

À livre ouvert
Inutile - ou presque - de savoir lire, tant notre relief parle de lui-même... Ce fait n’est pas une rareté, les oeuvres d’art de l’époque devant édifier les fidèles et les guider dans leur vie quotidienne. Toutes n’ont cependant pas la qualité d’exécution de notre partie de retable, remarquable par son rendu des détails, son pittoresque, son dynamisme, le traitement en plusieurs plans, un fort relief, des paysages et des armes délicatement modelés... L’oeuvre est à rapprocher d’un ensemble de sculptures de Haute-Normandie, plus précisément de Seine-Maritime et de l’Eure. Ainsi d’une Vierge de pitié conservée à la cathédrale d’Évreux, d’une autre très proche et appartenant au musée des Antiquités de Rouen, d’un retable en terre cuite de Touffreville-Esteville, d’une représentation de La Mort de la Vierge en calcaire visible dans l’église de Nogeon-en-Vexin. Le point commun à toutes ces productions et, bien sûr, à notre (partie de) retable ? Leur fort relief, les nombreux acteurs mis en scène avec force détails, le souffle de vie et le tumulte qui les animent. Sans oublier, au chapitre des similitudes stylistiques, l’allongement des figures, les poses affectées de certains personnages, les envolées circulaires des vêtements, certaines chevelures agitées par le vent. L’école de Fontainebleau et les artistes flamands sont passés par là, qui ont donné naissance à ce maniérisme normand auquel appartient ce bas-relief de la Passion du Christ. Sur la première scène, le Christ est représenté à genoux, encadré par deux bourreaux et peinant à porter l’instrument de son supplice du tribunal au Golgotha. À sa gauche et malgré des visages illisibles, se devinent saint Jean et la Vierge ; derrière, des soldats, munis pour certains de tenons et de cordes, entourent l’un des deux larrons. Au fond, émergeant au-dessus des têtes, sont sculptés des hallebardes, pertuisanes et autres piques. Dans l’angle gauche, enfin, un arbre accroché à une butte et une architecture symbolisent Jérusalem. La partie droite du relief illustre quant à elle l’évanouissement de la Vierge. Marie-Madeleine, au centre de la composition, embrasse le pied de la croix, tandis que la mère du Christ, assise, les mains jointes, est soutenue par saint Jean et un soldat tenant un seau à eau bénite. Au second plan, ont pris place les saintes femmes, des soldats, des prêtres, ainsi que deux spectateurs à cheval. Au fond, des hampes d’armes d’hast et des arbres sur une colline complètent l’épisode. Une composition étonnante de vie et de pittoresque.
Vendredi 27 novembre, salle 14 - Drouot-Richelieu.
Piasa SVV. Mme Fligny.
Daum Nancy, La Coloquinte, vers 1905, cucurbitacée en verre modelé à chaud, la tige en verre filigrané, appliquée à chaud en haut relief, h. 32 cm. Estimation : 60 000/80 000 €.

Attention, fragile !
Vidée de sa pulpe et séchée, la courge (ou coloquinte) servait dans les temps très anciens de récipient, pour transporter de l’eau, du vin ou du sel. Les voyageurs l’utilisant comme gourde pour leur boisson, l’iconographie en a fait un attribut des pèlerins et des saints voyageurs, notamment Jacques le Majeur. Mais, n’allez surtout pas tenter de faire la même chose avec la nôtre... Vous commettriez un terrible sacrilège, tant notre cucurbitacée témoigne de la virtuosité du verrier, qui a su alterner surfaces mates et brillantes, internes et en relief, associer des couleurs éclatantes, projeter des granules de verre et de petites incrustations polies. Nous sommes au tout début du XXe siècle, les frères Daum viennent d’inventer une technique de "vitrification", qui restera leur spécialité. Les poudres colorées ne sont pas intercalées entre les couches de verre, mais appliquées en surface par les miracles de la fusion. Des gouttes, des cabochons, des larmes, des insectes, ou, comme ici, des tiges viennent rehausser ces sculptures de verre et leur donner une étonnante modernité. Notre plante potagère a la particularité de pousser très vite et très haut mais de perdre tout aussi rapidement sa vigueur. Gageons qu’il n’en sera pas de même des enchérisseurs...
Vendredi 27 novembre, salle 5-6 - Drouot-Richelieu. Millon & Associés SVV, Cornette de Saint Cyr maison de ventes SVV. Mme Marzet.
Pologne, Dantzig. Wladislas IV (633-1648). 10 ducats en or, frappé en 1644.
Estimation : 8 000/10 000 €.

Ducat de Dantzig
De 1582 à 1685, le port le plus important de la Baltique pendant la Renaissance et l’âge baroque, Dantzig, fait partie du royaume de Pologne. Les élus de la ville ont pris l’habitude de frapper des pièces pour les offrir lors des visites du roi ou de ses émissaires. Ces ducats d’or sont donc fort peu utilisés comme numéraire. Mais ce sont de véritables oeuvres d’art. Sur l’avers, l’effigie du roi régnant en buste, ici Wladislas IV Waza, couronné et cuirassé, tenant le sceptre de la main droite et le globe crucifère de la gauche. Il faut admirer la minutie des détails : le col en dentelle, le manche du poignard inséré dans la ceinture, le ruban noué sur le bras gauche et les trois fleurs apparaissant derrière ce bras. L’avers semble un bas-relief miniature. Sous le nom de Jéhovah, écrit en hébreu, dans des nuages rayonnants d’où sortent deux bras, l’un tenant une palme et un rameau, l’autre, une épée et une balance, est sculpté un panorama de la ville ; juste en dessous de ce dernier, on reconnaît les armes de Gdansk - deux lions tenant un écu portant deux croix, surmonté de la couronne. Wladislas IV, souverain de l’état lituano-polonais et roi de Suède, avait été élu tsar de la Russie en 1610, titre qu’il revendiqua jusqu’en 1634. Pourtant, son règne aura été pour ainsi dire inexistant, puisqu’en 1613 Michel Romanov était choisi comme nouveau tsar.
Jeudi 26 novembre, salle 12 - Drouot-Richelieu.
Hôtel des ventes de Niort SVV. Mme Bourgey.
Venise, 1710-1720. Miroir, d’une paire, en bois mouluré et doré, verre teinté gravé, couronné de médaillons aux armoiries de la famille Corner, 200 x 112 cm. Estimation :
80 000/120 000 € la paire.

Miroir, mon beau miroir...
Issu d’une famille fort impliquée dans la vie politique et économique de la Sérénissime, au XVIIe et au début du XVIIIe siècle, Francesco Corner s’est lui aussi taillé une solide réputation. Élu doge en 1656, cet habile politicien accroît encore la fortune des Corner, et assurera à ses successeurs une position dominante dans la société. Son petit-fils, Giovanni II, est à son tour doge de 1709 à 1722, mais également le citoyen le plus riche de Venise après son mariage avec sa cousine, Laura Corner. Les choses ne sont cependant pas aussi calmes que l’eau des canaux de la ville, il faut faire face à des conflits - au nord avec l’Autriche, au sud avec l’empire turc - et aux pertes de l’Istrie, de la Crète, de la Dalmatie, de la mer Égée. C’est néanmoins à Giovanni II que l’on doit la création du plus célèbre établissement vénitien, le café Florian, place Saint-Marc. Dans sa descendance figurent la reine de Chypre, Elisabetta, neuf cardinaux, de nombreux commandants et généraux, des magistrats, consuls ou hauts fonctionnaires. Cette famille, enfin, fut aussi à l’origine de l’organisation en corporations des artistes locaux, divisions qui permirent une production de haut niveau - notamment dans le verre gravé et coloré et le mobilier laqué - tout en rendant difficile, voire impossible, l’attribution à un artiste de telle ou telle production.
Vendredi 27 novembre, salle 1 - Drouot-Richelieu.
Marc-Arthur Kohn SVV.
Éventail, vers 1700, à feuille de vélin peint à gouache de la rencontre d’Antoine et Cléopâtre, au revers un jetée de fleurs, monture en ivoire décorée à la gouache d’or, h. 25,5 cm. Estimation :
1 500/2 000 €.

O rage ! O désespoir !
Zéphyr, le vent du printemps, s’étant épris de Flore, l’enlève et s’unit à elle en mariage : en gage d’amour, il lui offre de régner sur les champs et les jardins cultivés. L’auteur de notre écran à l’abondant tapis de fleurs savait-il que l’on nommait également l’éventail "précieux zéphyr" ? Mystère... Ce qu’il ne devait sûrement pas ignorer, c’est l’histoire des deux célèbres amants de l’Antiquité, Cléopâtre, dernière reine d’Égypte dont on sait la légendaire beauté, aussi habile séductrice que fin politique, et Antoine, général romain opposé à Octave dans la lutte pour le pouvoir, après la mort de César. En persistant dans cet amour, Antoine deviendra l’ennemi de Rome. Les choses finiront mal, bien sûr, Antoine se suicidant pour ne pas être fait prisonnier d’Octave après sa défaite à la bataille d’Actium, Cléopâtre se donnant la mort, de désespoir, en se faisant mordre par un serpent caché dans un panier de fruits, pour ne pas être conduite à Rome, enchaînée derrière le char triomphal du futur empereur. La vie de la belle a donné matière à maintes légendes, dont s’inspirèrent de nombreux artistes. Une fois encore, la fiction dépassait la réalité.
Mercredi 25 novembre, salle 3 - Drouot-Richelieu.
Deburaux Aponem SVV. Mme Saboudjian.
Henri Fantin-Latour (1836-1904), Vénus et l’amour, toile, 29 x 38 cm. Estimation : 30 000/40 000 €.

Fantin-Latour un talent à double facette
Henri Fantin-Latour se fait connaître du public au Salon de 1864, grâce à un portrait collectif intitulé Hommage à Delacroix, aujourd’hui conservé au musée d’Orsay. Autour de l’effigie du peintre, décédé un an plus tôt, Fantin-Latour réunit les hommes de lettres et les artistes qui l’admiraient. Il se représente lui-même sur la toile et use d’un pinceau précis et d’une palette sombre pour cette oeuvre trahissant son intérêt pour les études psychologiques. Rien de commun avec notre toile tout empreinte de romantisme, arborant des teintes douces, chaudes et dont la touche vaporeuse suggère une lumière vibrante. Si l’artiste a gagné la notoriété avec le réalisme de ses portraits et de ses natures mortes, il a en effet suivi en parallèle une autre voie. Loin de l’observation de la nature, il réalise dans son atelier des peintures qualifiées d’oeuvres d’imagination. Par ailleurs, le choix d’un sujet mythologique n’est pas anodin : il nous rappelle que le peintre a débuté sa carrière en tant que copiste, reproduisant notamment les tableaux des maîtres vénitiens exposés au Louvre, Véronèse, Tintoret et Titien.
Fontainebleau, dimanche 22 novembre,
Jean-Pierre Osenat Fontainebleau SVV. M. Millet.
Ensemble de trois pots à pharmacie en faïence de Clermont-Ferrand. XVIIIe siècle, h. 50 cm et 53 cm.
Estimation : 10 000/15 000 €.

Enquête en terre de faïence
Les spécialistes le savent bien : en matière d'art, on progresse chaque jour dans la connaissance, et c’est bien ce qui fait le charme de l'histoire. Ainsi de ces trois pots. Sur la pièce centrale, se trouve clairement indiqué "Clermont Ferrand". L’inscription est bien moins anecdotique qu’il n’y paraît. D’une part, elle authentifie les deux autres pièces et, de l’autre, elle apporte quelques nouveaux éléments à propos de la manufacture. Généralement, les pièces de cette provenance sont marquées des seules initiales "CF". Spécialisé dans la faïence de grand feu réalisée en camaïeu de bleus, l’atelier connaît une période d’activité de quelque vingt années, entre 1733 et 1757. Les deux hommes qui en sont à l’origine, Antoine Savignat et Antoine-Joseph Jouvenceau, seigneur d’Allagnat, ne manquent pas de mérite : la ville se situe en dehors des grandes routes du royaume, et l’Auvergne subit des droits de douane élevés. Ils font néanmoins venir des ouvriers de Montpellier et de Nevers, qui introduisent le décor "à la Bérain" de Moustiers, parfois associé au thème des quadrillages de Guillibaud à Rouen. Mais Clermont-Ferrand saura aussi doter ses faïences d’originalité, par l’invention d’une broderie ou guirlande de pourtour encadrant le thème central. On sait aussi que la manufacture fournit de nombreux pots, vases et chevrettes à l’hôtel-Dieu de sa ville.
Vichy, samedi 21 novembre.
Vichy Enchères SVV.
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