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L'agenda des ventes aux enchères |
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Jacob Jordaens (1593-1678), Comme les vieux ont chanté, ainsi les jeunes jouent de la flûte, toile, 165 x 237 cm.Estimation : 1,2/1,5 M€.
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À la une : Jordaens, un maître de la peinture flamande |
Étonnante assemblée ! Une magnifique lumière enveloppe les personnages dans cet intérieur au cadrage serré. De part et d’autre du vieillard tout à la joie du chant, la famille se met au diapason. Ou plutôt essaie, car, vu le jeune âge des enfants soufflant dans leur pipeau, une certaine cacophonie doit régner dans cette réunion musicale. Il faut tout le talent de Jacob Jordaens pour unifier cette scène familiale illustrant un proverbe tiré du recueil de Jacob Cats publié en 1632, Miroir des temps anciens et nouveaux : "Comme les vieux ont chanté, ainsi les jeunes jouent de la flûte." La lumière du jour provient de la fenêtre, tombe sur les épaules de la jeune femme, joue sur le blanc de son col en dentelle, éclairant le bonnet et le fichu de la femme âgée. Elle décline également des nuances de blanc chez le vieillard, se pose sur la nappe et illumine la précieuse aiguière. Puis elle rebondit du pelage du chien à celui du chat, du fichu de la petite fille au col du joueur de cornemuse. Pour exprimer la chaleur de l’intérieur, l’allégresse de la famille autour d’un bon repas, Jordaens choisit une gamme de jaunes, bruns et rouges, rythmée de larges aplats de bleus. Les membres de cette joyeuse compagnie seraient ceux de sa famille : sa femme, Anna Catharina, leurs trois enfants, ses beaux-parents (son maître Adam Van Noort et Elisabeth) et lui-même, en joueur de cornemuse. Si tout cela s’impose au premier coup d’oeil, le public de son époque, lui, y voyait immédiatement une fable moralisatrice. Dans d’autres versions de ce sujet, le proverbe est même inscrit dans un cartouche. Notre composition recèle d’autres rébus. Sur la partition tenue par le vieil homme, on lit "Chanson contre les gueux", un discret rappel des clivages politiques et religieux d’alors : les "gueux" font en effet allusion aux Néerlandais alliés à la France dans le conflit les opposant aux Espagnols en Flandres, et qui subirent, en 1638, une grave défaite à Kallo, sur l’Escaut. La figure du fou au visage tanné et ridé se retrouve dans plusieurs tableaux de Jordaens. Le chat à l’expression courroucée dans ses bras permet de comparer ce tableau à celui de la collection Wule, La Femme, le fou et le chat, vers 1645, dont la morale signifie "estre fou et se réjouir, c’est estre sage ; estre sage sans se réjouir, c’est être fou". Même la nature morte renvoie ici aux vanités. La présence du pain et du vin, symboles de l’Eucharistie, évoque l’opposition entre catholiques et protestants dans les provinces du Nord, l’état de paix étant aussi précaire que l’harmonie musicale. Par rapport aux autres versions connues, notre oeuvre est plus complexe, plus aboutie. Jordaens, depuis la mort de son ami Rubens et celle de Van Dyck en 1640, s’affirme comme le maître incontesté de la peinture flamande. Ce tableau, qui a fait partie de la collection d’Arenberg, a été exposé pour la dernière fois en 1905, à l'occasion de la rétrospective d’Anvers. Par son harmonie dorée et lumineuse, ses allusions à une morale exigeante tout en dépeignant la vie quotidienne dans un intérieur de la bourgeoisie aisée , cette peinture est assurément un chef-d’oeuvre. |
Paris, Drouot - salle1-7. Vendredi 26 juin.
Piasa SVV. Cabinet Turquin. |
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Osias Beert (vers 1580-1624), Nature morte aux quatre plats et verres de vin, huile sur panneau, 52 x 72 cm. Estimation :
200 000/250 000 €.
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Nature morte et vanité |
Les peintres hollandais et flamands ont apporté un réalisme nouveau aux natures mortes, surtout aux XVIe et XVIIe siècles. Les allusions chrétiennes se font alors plus voilées et d’autres suggestions apparaissent. L’époque connaît une prospérité économique soutenue, malgré les guerres et les conflits religieux. L’or des Amériques, les épices d’Asie, les porcelaines de la Chine, les bois précieux affluent dans les ports européens, notamment à Anvers. La nature morte du XVIIe siècle doit communiquer ce sentiment d’abondance. L’un des maîtres de ce nouveau genre se nomme Osias Beert. Ses compositions sont toujours hautement raffinées, alignant sur un dessus de table des objets d’art rares et des mets onéreux ; il porte un soin tout particulier aux effets de texture, observe avec minutie les détails apportant ainsi un sentiment de réalité... Notre tableau possède toutes les caractéristiques de l’art de ce maître : la simplicité de l’agencement des éléments et la sobriété du fond, une palette composée de blancs, d’ocre et de marrons qui unifie la composition. Mais à l’époque, devant une telle nature morte, le spectateur percevait aussi d’autres messages, par exemple celui, encore évident de nos jours, des deux verres de vin et de la miche de pain pour symboliser l’Eucharistie. On note aussi le couteau comme symbole de la trahison de Judas, la châtaigne évoquant la chasteté, mais aussi la pauvreté, en opposition avec les gâteaux et autres friandises, allégories de l’abondance et de la fête. La pêche, semblable au fruit du péché originel - la pomme - figure l’Ancien Testament tandis que les raisins noirs et blancs renvoient au Nouveau. Les olives, signes de richesse et d’abondance, trouvent d’autres significations pour les exégètes : grâce de l’Esprit saint, conscience, miséricorde et charité. Au XVIe siècle, la pâtisserie connaît un essor prodigieux avec l’importation du sucre de canne et d’épices. Les petits gâteaux se diversifient pour donner des gaufrettes, des craquelins ou des financiers. Mais même à cette époque, le spectateur admire la réalité de la nature morte et reste sensible à la poésie de la composition, tombant d’accord avec Charles Sterling : "Une authentique nature morte naît le jour où un peintre prend la décision fondamentale de choisir comme sujet et d’organiser en une entité plastique un groupe d’objets." |
Vendredi 26 juin, salle 10 - Drouot-Richelieu.
Doutrebente SVV. M. Latreille. |
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Henri Fantin-Latour (1836-1904), Fleurs et paniers de roses sur une table, 1883, huile sur toile, 62 x 74 cm. Estimation : 450 000 €.
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Venise inspiratrice |
"Nous autres peintres prenons la liberté que prennent les poètes et les fous", avait protesté Véronèse, sommé par le tribunal du Saint-Office de s’expliquer sur sa trop personnelle interprétation du dernier repas du Seigneur, dans La Cène, destinée à remplacer, au couvent Saints-Jean-et-Paul, celle de Titien, qui venait de brûler dans un incendie. Trois siècles plus tard, en 1854, quand l’artiste russe Alexandre Petrovich Bogolyubov effectue son premier séjour dans la Sérénissime, l’ensemble des ouvrages et des chefs-d’œuvre qui offrent aux peintres leur inspiration sont déjà en place. Originaire de Poméranie, Alexandre Bogolyubov est un peintre voyageur. Jugez plutôt : il a sillonné l’Europe entière, de la Belgique à l’Italie, en passant par la Suisse, l’Allemagne et la France, séjournant près de trente ans chez nous, en ardent défenseur des relations franco-russes. Venise fut toutefois sa destination de prédilection. Dans ses Notes d’un marin et artiste, il confessera d’ailleurs : "La beauté de Venise m’a frappé si profondément et s’est gravée si fort dans ma mémoire que j’ai peint énormément de vues à chaque moment de la journée et que je continuerai à le faire jusqu’à la fin de ma vie [...] J’ai réalisé des dessins précis de chaque colonne, fronton et corniche des palais et bâtiments ; faire une liste complète des dessins m’a enseigné comment construire une architecture, architecture pour laquelle j’ai développé une véritable passion." Sa formation à l’académie de Saint-Pétersbourg achevée, en 1854, il se rend donc en Italie, visite Rome et Milan, puis s’installe, avec son ami le prince Maksutov, dans la Sérénissime, près du palais des Doges. Bogolyubov est sous le charme de la ville, dont il réussit à capter l’atmosphère et les cieux brumeux qui la rendent si romantique. Il y séjournera à nouveau de janvier à avril 1863. Ses oeuvres le font remarquer de commanditaires importants, parmi lesquels le roi du Danemark et l’empereur Alexandre III, duquel il est proche depuis de longues années. Les années 1870 saluent l’apogée de son talent de védutiste, par de nombreuses expositions et des commentaires élogieux. Mais, si son oeuvre est profondément influencée par ses voyages, elle porte incontestablement en elle son héritage russe. Avec les silhouettes des monuments vénitiens ou des personnages animant les rives des canaux, on n’est jamais bien loin de Saint-Pétersbourg, de la Neva, du golfe de Finlande ou des étendues de la Volga... "À Venise, rien n’est simple, écrit Jean-Paul Sartre, parce que ce n’est pas une ville, non : c’est un archipel. Comment pourrait-on l’oublier ? De votre îlot, vous regardez l’îlot d’en face, avec envie : là-bas il y a... quoi ? Une solitude, une pureté, un silence qui n’est pas, vous en jureriez, de ce côté-ci. La vraie Venise, où que vous soyez, vous la trouvez toujours ailleurs." Venise qui se dérobe pour donner l’envie de la chercher toujours... |
Lundi 22 juin, hôtel Marcel-Dassault, 19 h.
Artcurial - Briest - Poulain - F. Tajan SVV. |
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Jacques Majorelle (1886-1962), Mina, marchande de piments, ou Mauresque, 1918, huile sur toile, 80 x 65 cm. Estimation :
100 000/150 000 €.
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L’Orient des peintres |
Galerie Georges Petit, au 8 de la rue de Sèze, tout près de la Madeleine, en 1922. Le lieu où il faut exposer quand on est un peintre en vogue, le lieu aussi où se tiennent des ventes aux enchères prestigieuses. Pour l’heure, les cimaises accueillent la première rétrospective d’un peintre, fils d’un Nancéien célèbre, Jacques Majorelle. L’exposition est un succès, qui réunit cent tableaux, dont soixante-trois évoquant Marrakech. Notre Mauresque en fait partie. Elle est une parfaite illustration de cette première "vie" artistique du peintre, parti soigner au Maroc une santé fragile, après un premier séjour en Égypte (1910-1914). De 1918 à 1921, l’artiste se consacre ainsi exclusivement à Marrakech et à ses environs. Les mosquées, les souks, les remparts, les petits métiers, les foules de Marrakchis sont ses motifs préférés. Les portraits, eux, sont rares. C’est dire l’importance de Mina, marchande de piments, avec ses coloris vifs, sa touche rapide mais "bien en pâte", son dessin d’influence cubiste, sa matière sensuelle. La jeune femme immobile et silencieuse annonce les beautés noires du Glaoua des années 30. Une chose est sûre - ou presque - les amateurs ne devraient, eux, pas perdre la parole... Quatre autres tableaux de Jacques Majorelle viendront aussi se mesurer au feu des enchères : deux paysages du Sud marocain, La Kasbah de Tazouda, 1949 et La Kasbah d’Anemiter, 1950, avec leurs maisons traditionnelles berbères dont l’ocre et le rouge contrastent avec les verts tendres de l’oasis indiquant la naissance du printemps (150 000/200 000 € et 180 000/200 000 €). Deux oeuvres illustrent pour leur part ses voyages en Afrique occidentale entre 1945 et 1952. Peintre des paysages de la forêt tropicale, Majorelle se montre également brillant dans la représentation des marchés africains, avec leur richesse colorée, la lumière si particulière, mais aussi les rites et les coutumes. Pour preuves, une huile sur carton, Femmes aux masques ou danseuses guinéennes, 1948, et une technique mixte à rehauts d’oxydes métalliques, La Robe bleue, Dakar, 1952, pour lesquelles des sommes de 40 000/50 000 € et 100 000/150 000 € sont respectivement espérées. "Vivre intensément dans l’éternelle poursuite d’un rêve jamais atteint", tel était le vœu de Jacques Majorelle. Comme on le comprend... |
Lundi 22 (salle 5-6) et mardi 23 (salle 9) Drouot-Richelieu. Gros & Delettrez SVV. Mmes Nataf-Goldmann, Soustiel, MM. Chanoit, Romand, Achdjian, cabinet Vallériaux. |
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François Boucher (1703-1770) et son atelier, Le Billet doux, toile, 314 x 187 cm.
Estimation :
400 000/450 000 €.
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Un puzzle sur toile |
Boucher n’a décidément pas son pareil pour mettre en scène les épisodes galants, bien désuets aujourd’hui. Le roi, madame de Pompadour et bien d’autres amateurs ne s’y trompèrent pas, qui lui commandèrent nombre de compositions. Une activité à laquelle s’ajoutent celles de décorateur pour le théâtre et l’opéra, de cartonnier pour les manufactures royales. De 1755 à 1765, Boucher occupe notamment aux Gobelins la charge de surinspecteur. Notre tableau est de fait formé de trois bandes de toiles issues de deux cartons de tapisserie différents : les trois figures de gauche, d’une pièce intitulée Le Pêcheur, les deux jeunes femmes attachant un billet au cou du volatile, de La Fontaine d’amour. Ces deux compositions, tissées en 1755, faisaient néanmoins partie d’une même série de six, intitulée La Noble Pastorale. À l’époque, la pratique est courante qui consiste à découper en bandes verticales les cartons pour faciliter le travail des lissiers, puis à les recoudre, sans respecter nécessairement la composition initiale. Les bandes restantes des cartons de notre Noble Pastorale furent remontées pour former d’autres oeuvres, aujourd’hui conservées aux quatre coins de la planète. "Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme", déclarait un certain Lavoisier... |
Mardi 23 juin, 19 h, espace Tajan.
Tajan SVV. Cabinet Turquin. |
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André-Robert Andrea de Nerciat, Les Aphrodites ou Fragments thali-priapiques pour servir à l’histoire du plaisir, Bruxelles, 1864, 8 tomes en 4 volumes, maroquin bleu janséniste de Noulhac de 1919, illustrations aquarelle du frontispice de Félicien Rops. Estimation : 20 000/25 000 €.
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Joutes érotiques |
Si la reliure est en maroquin bleu janséniste, texte et illustrations n’ont rien de sobre ni d’austère... Et pour cause, il s’agit de l’ouvrage capital de l’auteur de romans libertins, Andrea de Nerciat. Né à Dijon et mort à Naples, André Robert Andrea de Nerciat, fils d’un avocat au parlement de Bourgogne, fut tour à tour militaire, diplomate, espion, agent double - chargé entre autres missions de surveiller Joséphine Bonaparte en Italie -, libraire à Hambourg, chambellan de Caroline de Naples... avant d’être emprisonné au château Saint-Ange, dont il ne sortira que pour mourir. Homme aux talents multiples, Andrea de Nerciat possède bien celui d’écrivain, certains le considérant même comme "le plus grand romancier érotique de toute l’Europe, sachant exprimer le pire libertinage sans être vulgaire, n’avilissant jamais l’esprit en excitant les sens". Notre homme puise matière à son oeuvre dans la fréquentation de sociétés secrètes de libertinage. Ses Aphrodites paraissent en 1793 et mettent en scène une société secrète vouée aux joies de "l’accolade". Morceau de bravoure de cette bacchanale, un concours à l’issue duquel la multiplication de sept vénus par sept mars donnera beaucoup plus que quarante-neuf combinaisons. Mais ici, contrairement au marquis de Sade, pas de fouet, de viol ou de sang. Seulement des êtres consentants qui ne céderaient leur place pour rien au monde ! Comme on les comprend... |
Mercredi 24 juin, salle 11 - Drouot-Richelieu. Choppin de Janvry & Associés SVV. M. de Broglie. |
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Jean Paulhan (1884-1968), 55 lettres autographes signées dont 25 ornées de dessins ou collages (1941-1967), à Hélène Anavi-Hersaint, environ 100 pages de formats divers. Estimation : 25 000/30 000 €.
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Fantaisie épistolaire |
Une cinquantaine de lettres prennent le chemin des enchères, illustrant la profonde amitié et la grande confiance que lièrent, pendant un quart de siècle, le critique, écrivain, éditeur et animateur de la Nouvelle Revue Française, Jean Paulhan, et Hélène Anavi. Cette correspondance inédite, pleine de fantaisie et de poésie, est de plus très joliment illustrée de dessins ou de collages. On y croise les figures de Jean Dubuffet, Jean Cocteau, André Pieyre de Mandiargues, Roberto Matta, Balthus, Jean Fautrier, Jean Genet, André Mauriac ou Georges Braque, et l’on découvre aussi Hélène Anavi. Épouse de Claude Hersaint, dont elle divorcera plus tard, Hélène Anavi fut une grande collectionneuse d’art moderne, accueillant avec son mari nombre d’artistes dans leur château de Villebon, dans les environs de Paris. À la fin de sa vie, elle se retirera au moulin de Paulhiac, dans le Lot-et-Garonne, où elle décède en 1981. Les 27 et 28 mars 1984, la maison Sotheby’s dispersait sa collection, de l’autre côté de la Manche. Le 11 mai 1955, Jean Paulhan écrit à son amie : "Réflexion faite, je crois que j’aurais parfaitement tort de me présenter à l’Académie. Sans le moindre dédain pour cette institution (au fond, j’aime bien les institutions). Mais je ne suis pas de ce monde-là." Huit ans plus tard, il était élu, au premier tour, au fauteuil de Pierre Benoît. Une arrivée que Mauriac saluait comme un miracle. Preuve que ceux-ci existent, même au sein de la vénérable institution... |
Mardi 23 juin, salle 8 - Drouot-Richelieu.
Piasa SVV. M. Bodin. |
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Daniel Govaers (reçu maître en 1717-vers 1754), tabatière de forme contournée en or jaune fondu et ciselé, Paris 1732, 152 g, 8,8 x 6,1 x 2,7 cm.
Estimation : 50 000/70 000 €.
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Luxueuse tabatière |
La mode de priser le tabac remonte à Catherine de Médicis, qui, souffrant de violentes migraines, découvrit grâce à son ambassadeur à la cour d’Espagne, un certain Jean Nicot, les propriétés médicinales de cette plante. Plus tard, on ajouta au tabac à priser des herbes ou quelque huile essentielle, afin d’en affiner le goût. Priser est de bon ton dans les salons et il convient même de changer de tabatière chaque jour. Celle-ci, passant de main en main, ne permet-elle pas de jauger la fortune de son propriétaire ? Elle devient vite le dernier accessoire à la mode et est fort prisée comme cadeau diplomatique. Dans ce cas, elle est souvent agrémentée d’un portrait du souverain, comme le montrent deux modèles conservés au département des objets d’art du musée du Louvre, réalisés par Daniel Govaers - dit aussi Gouers - et ornés des portraits du roi et de la reine par Jean-Baptiste Massé. D’origine hollandaise, cet orfèvre obtient sa maîtrise en 1717. Très vite reconnu, il est nommé marchand orfèvre de Louis XV et de Marie Lesczynska. Il est fréquemment mentionné dans les registres des présents du Roi entre 1726 et 1736. La tabatière présentée ici porte le poinçon pour Paris 1731. Le couvercle est ciselé d’une scène allégorique des arts, dans un décor d’architecture : l’astronomie est représentée par un imposant globe sur lequel s’appuient des amours, la peinture par une palette, l’architecture est personnifiée par un amour tenant une équerre, et la sculpture par un autre tenant un ciseau, tandis qu’un médaillon sculpté d’un visage est tenu par deux autres amours voletant sur fond de pyramide tronquée. L’allégorie de la musique est visible en retournant l’objet. Un véritable petit chef-d’oeuvre dû à un orfèvre particulièrement recherché. |
Jeudi 25 juin, salle 8 - Drouot-Richelieu.
Beaussant - Lefèvre SVV. Cabinet Serret-Portier. |
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Rouen, vers 1750. Plat à deux anses dit «bannette», en faïence à décor polychrome, l. 44,5 cm. Estimation :
10 000/12 000 €.
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La Chine vue de Rouen |
La première moitié du XVIIIe siècle marque l’apogée de la faïencerie rouennaise. Les diverses fabriques maîtrisent les décors polychromes à l’imitation de la porcelaine chinoise et les artisans multiplient les formes originales. Deux pièces présentées lors de cette vacation permettent de constater la variété des décors «chinois». La bannette reproduite ici, spécifique des productions de Rouen, présente un décor composé peut-être d’après une gravure ou de décors hollandais inspirés de la Chine. Au centre de la composition, devant une barrière, un dignitaire chinois est abrité sous un parasol porté par un serviteur. Ce groupe central est encadré par deux cavaliers juchés sur des dromadaires, tenant des étendards, frappés pour l’un d’un croissant, et pour l’autre d’une tête de Maure. Un peu plus loin, sur la droite, un musicien assis sur un tertre pince les cordes d’un instrument. Au-dessus d’eux volent des phénix et des papillons stylisés. Une scène assurément exotique. L’autre pièce, une assiette ronde, présente un décor plus directement observé des productions chinoises. Réalisée à la même époque et estimée 4 000 €, elle est ornée de «Chinois à la robe noire». Le rouge enfin maîtrisé et le noir brillant font chanter le fond blanc, et les jaunes et bleus soutenus, les verts tendres. Puis, peu à peu, l’exubérance du décor rocaille prend le dessus, seuls subsistent quelques éléments extrême-orientaux, relégués dans les contours. Les charmantes figures chinoises sont remplacées par des fêtes galantes... |
Vendredi 26 juin, salle 14 - Drouot-Richelieu.
Thierry de Maigret SVV. M. L’Herrou. |
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Jean-Baptiste Dupleix de Cadignan (1738-1824), Journal des différentes campagnes..., manuscrit autographe signé, deux volumes de 285 pages, grand in-folio, et de 141 pages, in-folio, reliures de l’époque en parchemin. Estimation :
20 000/30 000 €.
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Un Français à Yorktown |
En 1738, naquirent Jean-Baptiste Dupleix de Cadignan, à Condom, dans le Gers, et, à Londres, George William Frederik, futur George III du Royaume-Uni. Ils ne se rencontrèrent jamais. Cependant, le Gascon participa aux guerres d’Indépendance américaines, territoire que ce roi perdit. Pis, grâce à ce journal on sait que Dupleix de Cadignan a passé l’essentiel de sa carrière militaire à combattre les Anglais. "J’étois entré au service le 15 avril 1754", écrit-il. Embarqué le 11 avril 1755, il quitte Brest pour l’île Royale (île du Cap-Breton sur la côte du Canada). Il souligne déjà le désir du Royaume-Uni de "se rendre maîtresse de toutes nos possessions dans ce nouveau monde". Observateur perspicace, il décrit l’environnement, le climat, les ressources naturelles et les mœurs de "la nation sauvage des Mickmaks". La garnison française capitule le 26 juillet et notre héros est fait prisonnier. À peine libéré, il repart pour une campagne dans le nord de l’Europe. Avec le capitaine Thurot, il prend en 1760, la ville irlandaise de Carrickfergus, plus importante à l’époque que Belfast. Peu après, il retrouve pendant deux mois les geôles britanniques. De 1769 à 1772, il fait la campagne de Corse contre Paoli, dont il dresse ici un portrait sans complaisance, dénonçant les soutiens qu’il reçoit d’Angleterre. Il note par ailleurs que les bandits le sont «de père en fils» et que les habitants sont «fanatiques de la Corse». Puis, il embarque pour Saint-Domingue en 1777, pour participer à l’intervention française visant à "mettre fin à la prétention des Anglais de faire la police des mers et d’empêcher l’aide aux insurgents américains. Il relate les évènements de la guerre d’Indépendance américaine dont il est témoin, mais aussi dont il eut une connaissance directe par des participants, des espions ou des déserteurs. Son journal fourmille de données concrètes : précisions sur les vents, la mer, la visibilité, les noms des officiers, les distances parcourues quotidiennement... Il sait le rendre vivant par de multiples anecdotes, des mots mémorables et des observations pertinentes, comme celle concernant la manoeuvre britannique cherchant à "réveiller adroitement dans toutes les cours d’Europe, l’idée de l’ambition de la France, idée née sous Louis XIV". Le chevalier Dupleix de Cadignan prend sa retraite en 1785... à Condom. Cette année-là, George III reçoit à Londres les lettres de créance du premier ambassadeur de la jeune République et futur deuxième président des États-Unis, John Adams... |
Vendredi 26 juin. Salle 4 - Drouot-Richelieu.
Néret-Minet - Tessier SVV. M. Bodin. |
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Sizaire et Naudin type Grand prix des voiturettes, dit "Le Monstre", 1908. Estimation : 120 000/220 000 €.
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Le monstre |
C’est à une bête de concours que nous avons affaire. Fabriquée pour battre tous les records, la Sizaire et Naudin type Grand prix des voiturettes s’est retrouvée en tête de tous les podiums, justifiant son surnom de «monstre» donné par son concepteur Maurice Sizaire. Sa forme profilée perchée sur de hautes roues, dont l’agressivité est accentuée par l’avancée de son réservoir d’eau en forme d’obus, constitue un atout indéniable pour les courses automobiles. Elle représente l’aboutissement d’une aventure commencée en mars 1904 au Salon des inventeurs, avec l’exposition du premier modèle de voiturette de la société Sizaire Frères et Naudin, créée un an plus tôt. Non contente de voir affluer les commandes, la société peut s’enorgueillir des exploits qu’elle réalise haut la main à l’occasion de la Coupe des voiturettes : en 1906 et 1907, elle rafle la victoire à chaque épreuve, au nez et à la barbe des plus grands noms de l’automobile. Ce sera encore le cas avec «le monstre», dont les qualités sportives poussées à l’extrême permettent de remporter la Coupe et de battre le record du monde de vitesse en 1908, puis d’être encore primé l’année suivante en Angleterre. Notre modèle, doté du fameux moteur n° 2, circulait à Vienne avant 1914, conduite par Josef Anderle. Exemplaire unique, notre bolide décrochera-t-il la médaille des enchères ? |
Dimanche 21 juin, Fontainebleau.
Jean-Pierre Osenat Fontainebleau SVV. M. Montanaro, M. Pluton. |
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Maxime Maufra (1861-1918), Le Vallon à Vaucotte-sur-Mer, 1900, toile, 61 x 74 cm.
Estimation : 24 000/26 000 €.
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Nature et couleurs |
Maxime Maufra fut l’un des membres les plus célèbres de l’école de Pont-Aven. Fidèle parmi les fidèles de Paul Gauguin, il n’applique pas à sa peinture les leçons de synthétisme chères au maître de la pension de Gloanec, mais saura retenir ses conseils en matière de couleur. En témoigne notre toile à la palette chatoyante. Maufra sait trouver un juste milieu entre la touche impressionniste et les théories de Gauguin. Avec lui, il partage un même désir de rendre les effets de la nature de manière condensée. C’est avec Gustave Loiseau qu’il se rend à Pont-Aven en 1890. Jusqu’alors, ce natif de Nantes a vécu en Angleterre avec son père, qui le destinait à une carrière commerciale, avant de tout abandonner pour revenir en France. Il reçoit d’abord les leçons du peintre nantais Charles le Roux, puis part exposer à Paris. Ses toiles rencontrent un bel accueil dès le Salon de 1886, où sa peinture impressionniste est louée par Octave Mirbeau. L’exposition organisée par Le Barc de Boutteville en 1894 consacre son talent. Le peintre partage sa production entre des vues parisiennes la butte Montmartre et les vieux quartiers - et des paysages, en particulier les côtes de Bretagne et de Normandie, sur lesquelles il se rend en compagnie de Moret ou de Loiseau. Notre Vallon à Vaucotte-sur-Mer illustre cette seconde thématique, de même que La Roche volée, Finistère, datée de la même année, 1900 (28 000/32 000 €). Une pâte épaisse déposée librement, des couleurs soutenues, autant de qualités qui font de Maufra un peintre de la modernité. |
Bergerac, dimanche 21 juin.
Hôtel des ventes du Périgord - Périgord Auctions SVV. M. Delarue. |
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Keith Haring (1958-1990), Totem d’acrobates, 1987, sculpture en acier peint jaune, vert et rouge, 60 x 29 cm. Estimation : 80 000/100 000 €.
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La figure du graffiti |
À l’heure où les graffitistes s’invitent au Grand Palais, quand leurs oeuvres vivent de beaux jours en salles de ventes, revenons sur l’une des figures les plus importantes de l’art urbain : Keith Haring. Le musée d’art contemporain de Lyon rendait hommage l’année dernière à cet artiste avant-gardiste, qui reste dans les mémoires comme une icône du graffiti, autant par son oeuvre que par son destin tragique. Malgré une brève carrière Keith Haring est mort à 31 ans du sida , sa production est connue de tous. Quoi de plus normal pour un artiste qui s’inspirait de l’imagerie populaire, de la bande dessinée ou de la télévision ? Keith Haring aimait aussi coller à l’actualité, abordant les thèmes de la guerre ou de la drogue, et réalisait dans le quartier de Harlem des fresques dénonçant les préjugés raciaux et sexuels. Chacun se reconnaît dans ce travail, dont le but a toujours été de communiquer avec le public. Il l’expliquait ainsi : "L’art vit de l’imagination des gens qui le regardent. Sans ce contact, il n’y a pas d’art." Cet artiste de la rue n’a rien d’un autodidacte. Keith Haring étudie le graphisme publicitaire à Pittsburgh avant de s’installer à New York en 1978. Il entre alors à la School of Visual Arts, où il suit les cours de Kossuth et de Sonnier. C’est en 1980 qu’il se lance dans les graffitis. Dans des happenings improvisés, il tague les murs du métro. L’année suivante, les New-Yorkais Leo Castelli et Tony Shafrazi lui ouvrent les portes de leurs galeries. Son style se définit par une écriture simple, parfaitement identifiable : de petits personnages ou animaux accompagnés de symboles. Si ses graffitis urbains adoptent la couleur noire, l’artiste préfère pour ses panneaux ou bâches les couleurs vives, voire fluorescentes. Keith Haring aime aussi varier les supports, abordant à partir de 1985 la sculpture sur métal, à l’image de notre Totem d’acrobates. Sur les conseils d’Andy Warhol, l’artiste déclinera ses créations sur des tee-shirts, des badges ou encore des livres, vendus dans sa boutique de Soho, le Pop Shop. Celui qui voulait "faire concurrence à la télévision" savait décidément utiliser tous les moyens de communication ! |
Marseille, vendredi 26 juin.
Damien Leclere Maison de ventes aux enchères SVV. Mme Le Chanjour. |
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