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L'agenda des ventes aux enchères |
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Chine, dynastie des Han postérieurs, Ier-IIIe siècle environ. Cheval composé de huit pièces de bois, pigments ocre, blanc et noir, h. 114 cm.
Estimation : 80 000/100 000 €.
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À la une : Kenzo, un collectionneur ouvert au monde |
Une austère façade de bois percée de larges baies apparaît derrière un rideau de vastes pots, où s’élancent des bambous et s’étalent des rhododendrons en fleur. Pas de bruit et pourtant nous sommes au cœur de Paris, dans une cour nichée entre des immeubles du quartier de la Bastille. Bienvenue dans l’oasis que s’est créé Kenzo Takada, le couturier japonais dont le prénom a conquis la mode parisienne. Né en 1939 à Himeji ville dominée par un château donjon élevé durant la période Muromachi et visible de tout point de la cité , Kenzo s’intéresse d’abord aux magazines de mode de ses sœurs. Une impasse : au Japon, la couture est un métier fermé aux hommes. Il s’inscrit donc à l’université de Kobé, où, selon ses souvenirs, il s’ennuie ferme. Le Bunka Fashion College, la première institution japonaise à enseigner toutes les techniques nécessaires à la mode occidentale, ouvre enfin, en 1957, ses portes aux étudiants masculins ; Kenzo quitte l’université et sera l’un des premiers diplômés. Son rêve peut enfin se réaliser : aller à Paris et conquérir le monde de la haute couture. Les premières années dans la capitale sont rudes, mais il arrive malgré tout à placer ses dessins et à nouer des contacts. En 1970, Kenzo organise son premier défilé et ouvre une boutique. Le succès est immédiat, l’argent abonde, la vie est une fête... Il lui faut de la place : il s’installe alors dans un hôtel particulier de la villa Montmorency. Lors de voyages au Japon, avec son ami architecte Xavier de Castella, il redécouvre l’architecture nippone, l’art des jardins japonais. Germe alors un pari fou : se construire une maison japonaise à Paris. «Je n’ai jamais cessé de rêver et j’ai rêvé très fort», avoue-t-il dans un sourire... Un hangar industriel posé dans une vaste cour à proximité de la Bastille est acheté, puis rasé, en 1985. Les matériaux sont acheminés du Japon, comme les pierres longeant le ruisseau et le bassin des carpes, dont l’emplacement exact est noté ; chaque roche, dûment numérotée, (re)trouve sa place. Pendant que la maison prend forme, Kenzo et Xavier voyagent, chinent et rapportent de nombreux objets, qui trouveront naturellement leur place dans la demeure dont ils rêvent. C’est là le tour de force de Kenzo : établir une correspondance symbolique et visuelle entre les œuvres, pour parvenir à créer une atmosphère harmonieuse, presque imperceptiblement. Dès l’entrée, cet univers, qui semblait clos de l’extérieur, offre d’infinies perspectives ; des effets de lumière jouent sur un monde minéral et sur les bois aux blonds chaleureux ou rosés délicats, choisis avec le soin d’un maître de l’estampe. L’espace se sculpte au gré de cloisons, des ouvertures omniprésentes et d’échappées inattendues. Il recèle même un lieu secret, magique entre tous : une maison de thé.
Kenzo, maître du thé
Nous pénétrons dans une authentique maison de thé japonaise érigée selon les règles les plus strictes, respectant les codes établis au XVIe siècle par Sen no Rikuyu, spécialiste de la cérémonie. «En fait, il s’agit de faire du thé et de le servir à des personnes de caractère identique, explique l’expert Jean-Luc Estournel, et de créer l’environnement adéquat avec un état d’esprit harmonieux.» Ici, tout est agencé et pensé dans l’esprit zen. Maître du thé, Kenzo choisit selon la personnalité de ses invités les peintures le plus souvent des calligraphies , les arrangements floraux et les chawans. Lointains héritiers des bols de riz utilisés par les paysans coréens, ces récipients doivent répondre à la tradition wabi («austérité») et sabi («patine, rouille»). Une fois en main, ces humbles ustensiles se transforment en véritables chefs-d’œuvre. Jusetsu Miwa explique que tenir un chawan revient à porter le cosmos entre ses mains. Nommé trésor national vivant en 1983 pour sa maîtrise de la technique développée à Hagi, ville située sur la mer du Japon, célèbre pour la beauté de ses céramiques, Jusetsu Miwa a, avec son frère, redonné vie à cette tradition malmenée depuis l’instauration de l’ère Meiji. Comme tout chajin (homme du thé), Kenzo réalise ce rêve : posséder un chawan Oni («démon») du maître. Pendant des années, Jusetsu Miwa a observé le déferlement des vagues, qui «même par légère brise s’écrasent avec fracas sur la côte», déclarait-il en 2006. À 96 ans, il avoue «n’avoir su que tout récemment transmettre ce sentiment de turbulence intense dans ses créations»... Pour cela, il mélange une argile provenant des montagnes avec beaucoup de sable, afin d’obtenir cette matière granuleuse au toucher. Il perpétue aussi le pétrissage traditionnel, jetant la matière sur le sol pour l’écraser des heures durant avec ses pieds. Quant à l’émail, il est mélangé à des cendres, selon sa recette secrète. Au cours de la cuisson à haute température, la glaçure blanc ivoire se creuse et se soulève comme la mer déchaînée. Kenzo acquit son chawan Oni-Hagi de Miwa en 1990, l’un de ses premiers achats. Il faut prévoir quelque 30 000 € pour partager avec lui cette sensation de s’accomplir dans la recherche de l’art, de faire un avec l’univers. Notre amateur, qui se défend d’être un collectionneur, montre néanmoins une prédilection certaine pour la céramique, art mêlant étroitement les quatre éléments. Présente dans toute la maison, elle imprègne les pièces de plénitude le yin et le yang , indispensables à toute harmonie, tant physique que morale. La céramique souligne aussi discrètement les correspondances entre les œuvres de provenances et d’époques diverses.
Kenzo, maître des correspondances
Dès l’entrée, une peinture japonaise, probablement du XVIIe siècle et représentant un tigre parmi des bambous, domine un jardin minéral. Selon la symbolique, le tigre accompagne la renaissance spirituelle des initiés, en les guidant à travers la forêt d’épreuves de la vie ; sa force et sa détermination sont adoucies par la flexibilité des bambous. Évalué 10 000 €, ce panneau où perce la trame du bois, à l’instar de l’usure des laques de Negoro dont Kenzo possède sept pièces, dévoile par endroit le noir sous la laque rouge. Il accueille le visiteur aux côtés d’un boddhisattva («être promis à l’éveil») du Gandhara, début de notre ère, en schiste gris-bleu et estimé 35 000 €. Un peu plus loin, une figure richement parée et couronnée incarne Bouddha faisant le geste varada-mudrâ (la paume de la main droite vers l’avant) pour répandre les faveurs. Pour ce dieu sculpté au XIIIe siècle au royaume de Pagan, il faut maintenant compter environ 60 000 €. D’étage en étage, d’espaces en espaces, nous allons retrouver ces vieux amis protecteurs, ainsi que des chevaux, des carpes koi vivantes, dans le ruisseau et des représentations humaines, selon les critères esthétiques des quatre continents. Deux chevaux à l’arrêt richement harnachés, en terre cuite polychrome avec traces de dorure, période des Six Dynasties (220-581), ont été acquis il y a neuf ans à Bruxelles, chez l’antiquaire Gisèle Croës. Aujourd’hui, chaque destrier est accessible à partir de quelque 15 000 €. Un peu plus loin, un cheval de 114 cm, composé de huit pièces en bois, dynastie des Han postérieurs, Ier-IIIe siècle, acquis en 1998 à la galerie Jacques Barrère, à Paris, dialogue avec l’étrange monture au corps orné de motifs animaliers d’un joueur de flûte un travail indonésien inspiré des cavaliers ja-heda des Nage de Florès (3 000 €). Un alignement de bouddhas en cristal de roche et quartz jaune joue en parallèle aux figures sacrées en or. Une hiératique divinité féminine, où l’artiste semble avoir amoureusement sculpté chaque mèche d’une coiffure compliquée (art préangkorien, proche de l’esthétique de Dvaravati, VIIIe siècle), est par exemple estimée 60 000 €. Sculptés dans l’humble «cottonwood», les kachinas du Nouveau-Mexique appellent la protection d’autres esprits, ceux de la nature. Un jeune garçon jouant avec un chien, en faïence de Satsuma, arbore le même sourire, mystérieux et mutin, qu’un bouddha en albâtre birman (6 000 et 5 000 €, respectivement). Plus interrogatif, l’homme du tableau de Sandro Chia, Sacre Cuore, estimé 30 000 €, lève sa main droite, paume ouverte, en écho du premier bouddha. Des photographies d’Amérindiens, posant avec une grande dignité devant l’objectif, sont accessibles à partir de 800 €. Nul doute que ces chefs auraient su apprécier le corps décoré d’un Homme tatoué vu de dos, peint par Kenzo et attendu à 15 000 €. Car notre créateur d’atmosphère désire maintenant se consacrer à la peinture, se montrant même impatient de poursuivre des études de calligraphie. On lui doit d’ailleurs celles qui rythment les chapitres du catalogue. Qu’il mime l’ample geste du calligraphe et son visage s’illumine. Sans regret, il laisse à d’autres mains ses jardins, de sable, de bambous et celui, spectaculaire, où les érables, les azalées et les camélias ombragent le ruisseau, là où les carpes koï tracent dans l’onde d’éphémères dessins. Kenzo entame une nouvelle vie, séduit par une vue sur Paris qui, dit-il, «vous coupe le souffle». Un ancêtre assis hampatong dayak de Bornéo, estimé 8 000 €, tenant entre ses mains son visage à l’expression incrédule et émerveillée, les coudes posés sur ses genoux relevés, semble non seulement lui souhaiter bonne route, mais envisager lui aussi une nouvelle vie... |
Paris, Drouot-Montaigne,
mardi 16 juin à 14 et à 20 h, mercredi 17 juin à 14 h.
Aguttes SVV. Mme Daffos, MM. Estournel, Plaisance, Coissard. |
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Paire de consoles en bronze ciselé doré à l’or mat, l’or brillant et l’or vermeillé, décor d’entrelacs, de rosaces et d’amours supportant le plateau, pots-pourris à l’entretoise et plateau de marbre blanc. Attribuée à Pierre Philippe Thomire, fin XVIIIe ou début XIXe, 82,2 x 108 x 31 cm.
Estimation :
600 000/800 000 €.
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Un XVIIIe siècle européen |
Elle ne lui est qu’attribuée, mais c’est déjà beaucoup... Elle, c’est cette paire de consoles en bronze ciselé doré de plusieurs tons, pour laquelle le nom de Pierre Philippe Thomire est avancé (voir photo). Deux éléments récurrents à cela : les figures d’enfants ailés en Atlas et les pieds en forme de cornes d’abondance à cannelures torses terminées en jarrets reposant sur des griffes de lion. Des figures que l’on retrouve sur des meubles estampillés Guillaume Benneman, ébéniste parisien qui travaille avec notre bronzier. Le mobilier entièrement de bronze, dont les premières mentions datent du début des années 1780, est d’une insigne rareté au XVIIIe, son coût de réalisation en faisant l’une des productions destinées à un nombre très restreint de collectionneurs. La provenance de notre mobilier ? La cour de Russie, avec laquelle Thomire entretient des rapports privilégiés. Envoyées en Russie dès leur création, les consoles auraient été vendues après la Révolution par l’administration soviétique, comme le prouvent des marques en cyrillique et des numéros. La plupart des palais impériaux, à commencer par celui de Pavlosk, mais aussi le cercle des officiers de Saint-Paul à Saint-Pétersbourg, ainsi que de grandes collections russes de l’époque possèdent des œuvres de l’artiste. Les jeunes dandies vont même jusqu’à envoyer pour le jour de l’an des œuvres de Thomire à leurs belles, espérant passer le reste de leurs jours à leurs pieds. Quand on aime, on ne compte pas... De Russie il est encore question avec l’autre lot phare de l’après-midi : une paire de statuettes en bronze figurant des amours (voir photo). Sa provenance en dit long sur sa qualité puisqu’elle a appartenu, probablement, à Catherine II, avant d’avoir pour écrin ses collections impériales au palais de Tsarskoe Selo, littéralement le «Village des tsars», édifié par Pierre le Grand pour sa femme Catherine dans les années 1710. Et enfin celle du Grand Palais de Peterhof à Saint-Pétersbourg, somptueuse demeure construite entre 1714 et 1723, sur le modèle de ce que Pierre le Grand a admiré à l’occasion d’une visite en France dans les premières années du XVIIIe. Généralement attribué au sculpteur François Duquesnoy, sur des modèles italiens du XVIIe, ce type de représentations, mettant en scène des enfants musiciens dans différentes attitudes, est particulièrement prisé en France au milieu du XVIIIe siècle. La musique adoucit les mœurs, c’est bien connu...
D’Espagne, d’Angleterre et du Japon
Sans oublier un luxueux ensemble de costumes féminins et masculins anciens, une Partie de jeu de paume devant un palais espagnol du XVIIe, attribuée à Juan de la Corte (15 000/20 000 €), un coffre japonais du XVIIe également, en laque noire et or, rehaussé de burgau à décor de chariots animés de volatiles (16 000/18 000 €), une curieuse paire de flambeaux en bronze ciselé doré et patiné en forme de lampe antique, un travail russe vers 1800 (12 000/18 000 €). Ou encore un cabinet indo-portugais XVIIIe, en placage de bois indigène à décor marqueté de masques et oiseaux fantastiques (25 000 €), un ensemble de cinq consoles Louis XVI en bois sculpté doré attribué à Georges Jacob (140 000/180 000 €) ainsi que deux mobiliers de salon : l’un, Louis XV, en hêtre et tapisserie d’Aubusson illustrant les Fables de La Fontaine, est attribué à Louis Delanois (70 000/90 000 €), l’autre, Louis XVI, en bois sculpté doré, est donné à Jean-Baptiste-Claude Sené (80 000/120 000 €). Cerise sur le gâteau enfin, un pot à feu ou athénienne en bronze ciselé et patiné à décor de cannelures, godrons, palmettes, rinceaux et masques à l’antique, un travail anglais d’époque George III, probablement commandé par William, deuxième comte de Bessborough (1704-1763) pour Parkstead House dans le Roehampton (45 000/50 000 €). Librement inspiré des trépieds antiques mis à jour lors des fouilles de Pompéi et d’Herculanum, ce type de meubles fut particulièrement prisé à la fin du XVIIIe, en France, en Italie mais aussi outre-Manche. Preuve, s’il en était besoin, que la Perfide Albion ne dédaigne pas les productions du continent... |
Vendredi 12 juin, 13 h, salle 5-6 - Drouot-Richelieu.
Maigret (Thierry de) SVV. Mmes Experton-Dard, Mauduit, Floret, David, MM. Millet, Portier, Croissy, L’Herrou, Lebeurrier, Dillée, Hache, Henon, Machault, cabinet Froissart-Lemaire. |
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Pablo Picasso (1881-1973), Portrait de femme, pastel et huile sur le vélin d’un tambourin, diam. : 20,5 cm.
Estimation : 60 000/80 000 €.
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Souvenirs de Dora Maar |
Quarante-trois, c’est le nombre de lots réunis sous cet intitulé. Au menu, pour l’essentiel, des éditions originales, enrichies d’envois, de dédicaces, de photographies ou de dessins. De Pablo Picasso bien sûr... Un après-midi du début de l’année 1936, au café des Deux Magots, Dora Maar (Henriette Theodora Markevitch de son vrai nom, fille d’un architecte croate et d’une mère tourangelle), jeune photographe, joue à planter un petit canif sur la table, entre ses doigts. Une goutte de sang vient tacher ses gants de dentelle noire. Elle n’a pas choisi l’endroit au hasard, mais sur les conseils de son amie Jacqueline Lamba future femme d’André Breton car elle sait que le Malaguène y a ses habitudes. Paul Eluard les présente. C’est le début d’une liaison intense et tumultueuse qui durera jusqu’en 1942 quand le peintre lui préférera Françoise Gilot. Au moment du terrible évènement de Guernica, c’est à Dora Maar (1907-1997) que l’on doit la célèbre photo montrant Picasso en train de peindre son chef-d’œuvre. La Femme qui pleure, comme il la surnommait, partagera alors son existence entre sa maison de Ménerbes en Provence et son appartement de la rue de Savoie, à Saint-Germain-des-Prés, dont sont issus les objets et les livres de la vente. Aucun de ces portraits ne représente Dora Maar et pourtant elle semble omniprésente... |
Lundi 8 juin, salle Rossini. Alde SVV.
M. Courvoisier. |
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Robe en soie jaune et sa jupe plissée brodée, bordure et col de vison, Chine, fin XVIIIe-début XIXe, 146 cm x 205 cm.
Estimation : 80 000/100 000 €.
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L’empire des signes |
Impossible de se méprendre sur le destinataire de ce costume : un empereur bien sûr... La couleur jaune et le dragon à cinq griffes à tête de cheval et queue de serpent, entouré des douze symboles soleil, montagne, lame de hache, lune, plante aquatique, feu, vase sacrificiel sont des signes qui ne trompent pas. Quant à la fourrure, elle indique qu’il s’agit d’un vêtement d’hiver, la qualité de celle-ci variant selon le rang de chacun. C’est sous la dynastie Han (206 av. J.-C.-220 apr. J.-C.) que s’établissent des ateliers de production de soie et de broderies pour l’usage de la cour, et c’est sous la dynastie Qing (1644-1911) que ces derniers connaissent leur plein épanouissement. Destiné au confort de son utilisateur, le costume chinois est avant tout un véritable uniforme qui identifie pleinement son porteur. Un manteau, un couvre-chef, une ceinture et une paire de bottes le complètent. Centre de l’univers et intermédiaire entre la Terre et le Ciel, l’empereur se voit attribuer le jaune éclatant ou le bleu pour les sacrifices au ciel lors du solstice d’hiver , le prince héritier et le fils de l’empereur respectivement le jaune abricot et le jaune d’or. Et ce, qu’il s’agisse du chaofu, costume de cour le plus solennel, ou du jifu, plus usuel mais non moins luxueux. Qui a dit que l’habit ne faisait pas le moine ? |
Lundi 8 juin, espace Tajan.
Tajan SVV. Mme Papillon d’Alton, M. Ansas.
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Entourage de Nicolas Sageot, époque Louis XIV, bureau Mazarin en marqueterie de laiton et écaille rouge, ouvrant à sept tiroirs dont six en deux caissons, reposant sur huit pieds gaine, écoinçons en bronze ornés de masques d’hommes moustachus, 80,5 x 195 x 92 cm.
Estimation : 100 000/120 000 €.
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Apogée du classicisme |
Aux excès du baroque, répond dans la dernière partie du XVIIe siècle, le classicisme promu par Louis XIV et l’Académie. Le grand art doit édifier le spectateur et chanter les louanges du Roi-Soleil par d’habiles comparaisons avec les dieux de la mythologie et les héros de l’Antiquité. Le paysage, genre peu considéré, n’existe que par son rôle de cadre lié à un thème littéraire, mythologique ou biblique. À cette époque, selon John R. Martin, «[l]e naturalisme du XVIIe siècle est indissolublement lié à une conception métaphysique de l’univers». Il revient à Claude Gellée dit Le Lorrain de définir par sa peinture le paysage idéal ou paysage dit classique. Comme Poussin, il fait sa carrière à Rome, où il meurt en 1682. Rien ne lui plaît davantage que d’observer la campagne environnante qu’il dessine sans relâche Claude laissera quelque 1 200 dessins. Il possède surtout une connaissance aiguë des effets lumineux, à l’instar d’un Rembrandt ou d’un Ruysdael. Peintre recherché en son temps, il continue à être célébré comme l’un des grands maîtres de la peinture, chaque époque trouvant dans son œuvre de quoi se l’approprier. Ses peintures et dessins sont conservés dans les collections publiques et rares sont ceux qui apparaissent sur le marché. Ne doutons pas que notre dessin risque de créer l’évènement ! Sous de grands arbres, dans un paysage doucement vallonné, près d’un plan d’eau, un berger allongé garde un troupeau de bœufs et de moutons. Un paysage arcadien peut-être destiné à servir de fond pour un sujet tiré de Virgile ? Nous avons juste une annotation à la plume au verso indiquant : «Claudio Gellée iv fecit/Roma questo di 22 agosto/1667». Estimée aussi 100 000 €, une sanguine de Fragonard, La Maisonnette, 1759, également exécutée à Rome, prouve, presque un siècle plus tard, que la leçon de nature du Lorrain a été bien comprise par un peintre, à l’époque où l’on vénérait l’héritage gréco-romain. On le voit également dans le buste en marbre blanc d’Augustin Félix Fortin, Portrait présumé de Michel Le Peletier de Saint-Fargeau, 1789, pour lequel il faut compter 15 000 €. Pour le mobilier d’époque Louis XIV, on remarque une certaine exubérance décorative dans les décors inspirés de Jean Ier Berain, pour le bureau reproduit ici par exemple, notamment par l’emploi des chimères à long cou que l’on retrouve sur les planches I et F de son œuvre gravée. On admire le décor original composé d’un bestiaire naturaliste oiseaux, escargots, écureuils, lapins, chines et grues. Un bureau Mazarin estampillé Nicolas Sageot est conservé au Petit Palais, dans la collection Dutuit, et permet d’envisager une attribution à son entourage. Un bureau similaire, de mêmes dimensions et utilisant les mêmes poncifs, figure dans les collections royales anglaises. On connaît le nom du marqueteur Toussaint Devoye, fournisseur des grands ébénistes, selon une pratique alors courante et qui explique de nombreuses similitudes dans ce mobilier de marqueterie de type Boulle. On retrouve, en revanche, la sévérité de l’art romain dans une paire de colonnes à godrons en acajou et placage de bois clair, surmontées de faisceaux de licteur soutenant des cache-pots à anses en forme de serpents, un travail autrichien ou du nord de l’Italie, vers 1830, estimé 5 000 €. Pour terminer, on retiendra deux tapisseries. L’une, de la «tenture des mois», représente les travaux du mois de janvier. Tissée à Bruxelles, dans l’atelier d’Evrard III Leyniers (1597-1680), elle est accessible à partir de 15 000 €. L’autre, en laine et soie, représente une scène champêtre où des personnages galants et des cueilleurs de pommes sont réunis dans un paysage ponctué de ruines, d’un château et, au loin, d’une ville. La scène s’inscrit dans un cadre. Elle a été tissée vers 1740 dans l’atelier du célèbre lissier anglais William Bradshaw, à Londres, pour laquelle il faut prévoir 30 000 €. Les tapisseries anglaises du XVIIIe siècle sont connues sous l’appellation «manufacture de Soho». Peu de temps après, l’école paysagiste anglaise, inspirée par le paysage idéal du Lorrain, faisait son apparition. |
Mercredi 10 juin, salle 1-7 - Drouot-Richelieu.
Beaussant - Lefèvre SVV. MM. Cahen, Auguier, Vandermeersch, Bacot, de Lencquesaing, Portier, Boutonnet.
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Bureau plat de milieu, à toutes faces, et son cartonnier, en placage d’acajou chenillé, galerie de bronze repercé à arcatures, époque Louis XVI. Bureau : 81 x 200 x 103 cm.
Estimation : 70 000/90 000 €.
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Un meuble de travail pour les Menus Plaisirs |
Il n’a pas d’estampille ? Qu’à cela ne tienne ! Il n’en est pas moins l’un des fleurons d’une vente classique de tableaux, objets d’art et mobilier. Il faut dire qu’il est particulièrement séduisant avec son beau placage d’acajou, ses bronzes finement ciselés dorés à décor de palmettes et de perles, des montants arrondis et des pieds fuselés. Sans compter ses nombreux tiroirs, tablettes formant écritoire, et ses casiers. Comble du raffinement, ceux du cartonnier, numérotés de 1 à 8, sont habillés de maroquin rouge à l’extérieur, gainés de soie verte à l’intérieur. Des inscriptions dorées aux petits fers indiquent la destination de chacun : «Trésor de Monsieur», «Académie royale de musique», «Affaires particulières», «Comédie française et italienne», «École royale de chant», «Lettres à répondre», «Argenterie et menus»... Tout un programme ! Des mentions qui donnent l’identité de son propriétaire, Denis-Pierre-Jean Papillon, dit de la Ferté (1727-1796), et que confirme l’inventaire de ses meubles, à l’hôtel des Menus-Plaisirs, à la fin de l’Ancien Régime. Fils de Pierre Papillon, trésorier de France et de Jeanne du Verdier, frère d’un fermier général, notre homme organise sa vie autour de trois thèmes : la finance, les arts et la famille royale. Il sera successivement sous-fermier des Domaines, commissaire des Menus Plaisirs du Roi (1756-1790), actionnaire de la Compagnie des Eaux des frères Périer, trésorier général des maisons et finances du comte de Provence, intendant de l’ordre royal et militaire de Saint-Louis, commissaire de l’administration de l’Académie royale de musique, receveur général des finances de Caen... Franc-maçon, membre de la Société philanthropique de Savalette de Langes et de la Société des amis de la constitution, il est également graveur, membre de la Société des antiquaires de Cassel et grand amateur de tableaux, de dessins et de meubles. Et comme si cela ne suffisait pas, il est l’auteur de livres sur la peinture, la géographie et l’astronomie... Il restera plus de trente ans aux Menus Plaisirs, cette organisation à l’importance majeure dans le rayonnement de la vie artistique parisienne durant la seconde moitié du XVIIIe siècle. Constitués de nombreux départements musique, peinture, sculpture, architecture , les Menus Plaisirs ont une influence considérable sur les arts décoratifs de l’époque. Papillon de la Ferté n’a que 29 ans quand il achète l’une des trois charges d’intendant de ces Menus, comme on les appelle communément. Mais il apporte un nouveau souffle en participant activement à la naissance du néoclassicisme, style né au début des années 1760, sous l’impulsion de collectionneurs comme le comte de Caylus et Ange-Laurent Lalive de Jully. Malgré une vie vouée aux sciences et aux arts, le sieur de la Ferté ne sera pas épargné par les troubles révolutionnaires, puisqu’il périt le 19 messidor an II sous la guillotine, place du Trône-Renversé. La roche tarpéienne est décidément bien près du Capitole ! |
Vendredi 12 juin, salle 1
Drouot-Richelieu. Ferri SVV. M. Dillée.
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Bernard Buffet (d’après) et François de Chabaneix (1920-2003), Christ en croix, 1962, lave émaillée en cinq panneaux, 164 x 154 cm.
Estimation : 50 000/60 000 €.
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Le moulin des artistes |
Quand il rachète en 1959 le modeste moulin de Vauboyen à Bièvres, dans l’Essonne, en son temps potager de l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés, l’éditeur d’art Pierre de Tartas (décédé en 2007) n’a qu’une idée en tête : faire de ce lieu un temple dédié à l’art figuratif, en réaction aux propos d’André Malraux : «L’art sera informel ou ne sera plus.» Trois ans seront nécessaires pour le restaurer. La vieille grange est transformée en chapelle, une autre en salle d’expositions. La première renferme un vitrail de Jacques Villon, un Christ en bronze d’Antoniucci Volti, un autre en lave émaillée aux dimensions exactes de la toile de 1946 de Bernard Buffet. C’est celui qui est cédé aujourd’hui. Un chemin de croix complète le lieu, dont chaque station est l’œuvre d’un artiste : Waroquier, Heaulmé, Chabaneix, Cara-Costea, Coutaud, Jansem, Garcia-Fons, Guiramand, Guerrier, Van den Bussche, Gaillard, Pollet, Aïzpiri, Carzou et Goerg. Sans oublier des lithographies de Braque ou Commère, des tapisseries réalisées à partir de cartons de Van Dongen, Cocteau ou Foujita. Le moulin devient un centre culturel à part, fréquenté d’abord par les artistes. Un lieu d’histoire et de vie, à découvrir encore aujourd’hui. «On ne voit bien qu’avec le cœur», indique un parchemin dans la salle d’expositions, référence au secret confié par le renard au Petit Prince. Qu’on se le dise ! |
Vendredi 12 juin, salle 2 - Drouot-Richelieu.
Ader SVV.
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Les Sauvages de la mer du Pacifique (ou Les Voyages du capitaine Cook), panoramique complet de la manufacture Dufour, édition originale, an XIII, 1804-1805, 20 lés, 14 colonnes et une corniche, h. (avec la corniche) : 2, 74 m, l. (avec les colonnes) : 17 m.
Estimation : 80 000/100 000 €.
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Les Sauvages de la mer du Pacifique |
Sacré programme que celui de ce panoramique, très probablement édité à une seule reprise et dont 41 ont été recensés à ce jour, 17 seulement complet mettant en scène des séances de lutte, des canots de guerre, des cueillettes de bananes, un départ pour la chasse et la pêche, et autres scènes de la vie indigène... Pièce maîtresse de la production mâconnaise (1797 à 1808) de Joseph Dufour, co-inventeur du panoramique, cet ensemble se distingue par sa précision naturaliste et son exotisme, en ce sens qu’abandonnant les traditionnels paysages des Alpes ou de l’Italie, il révèle des pays neufs. Son dessinateur n’est autre que l’ami et collaborateur de Dufour, Jean-Gabriel Charvet (1750-1829), peintre et dessinateur vivarois ayant longtemps travaillé à Lyon, envoyé en 1773 par son oncle à la Guadeloupe pour traiter des affaires commerciales. Demeuré quatre ans sur place, notre homme revient avec quelque 300 dessins d’animaux, de plantes et de paysages. Parfois fantaisistes ou illustrant une réalité rêvée... Mais qui l’en blâmerait ? |
Vendredi 12 juin, salle 4 - Drouot-Richelieu.
Binoche Renaud Giquello SVV. Cabinet Buttet - Lencquesaing.
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École flamande du XVIIe, atelier de David Teniers le Jeune, Un cabinet d’amateur, toile, 99 x 131 cm.
Estimation : 60 000 /80 000 €.
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Un cabinet d'amateur |
Un vaste programme attend les amateurs mardi prochain à Neuilly-sur-Seine. Au sommaire de cette vente de près de 400 lots, des bijoux, des tableaux, de nombreux objets d’art et des meubles. Les estimations font elles aussi le grand écart, grosso modo de 100 à 80 000 €. Débutons par les bijoux, qui ouvriront cette journée d’enchères. Sachez que vous trouverez dans cette première séance aussi bien des pièces anciennes, XIXe pour l’essentiel, que modernes, des bijoux Hermès, Boucheron, Perrin, Fred... De la maison Cartier, signalons une broche plume en or gravé et platine en partie sertie de brillants, un travail vers 1943 (5 000 / 7 000 €). Attribué à cette même maison, un étui à cigarettes faisant pyrogène en argent est orné de divers motifs rivetés en émail, or et pierres précieuses (3 000/5 000 €). On pourra également opter pour divers modèles de bagues : «toi et moi», chevalière, ruban, anneau... C’est d’ailleurs dans cette rubrique que seront proposées les meilleures pièces, à savoir une bague en or gris ornée d’un diamant de taille moderne (3,02 ct) épaulé de diamants baguette (28 000/30 000 €). Un autre modèle à diamant de taille coussin cette fois, de 4,03 ct, épaulé de deux diamants triangulaires de taille diamant, devrait se négocier entre 65 000 et 70 000 €. On pourra encore emporter, lors de cette vacation, divers colliers et pendentifs dont un joli spécimen «rivière» en or gris serti d’une ligne de diamants de taille brillant (17 500/20 000 €). Passons à présent aux cimaises, où seront présentés quelque quatre-vingts tableaux. La spécialité s’ouvre sur une belle série de dessins de Claude-Louis Desrais, d’Alexandre-Joseph Desenne, de Simon Julien ou encore de Giovanni Nicolo Servandoni. De ce dernier, on retiendra une gouache, Dessinateur au milieu des ruines antiques (2 000/3 000 €), et de Pietro Roselli, L’Apothéose de saint Joseph (2 500/3 000 €).
La peinture offre un beau panorama à travers les siècles et les écoles, du côté de Naples par exemple, où l’on s’attardera sur la nature morte de Giuseppe Maria Recco, actif au milieu du XVIIe siècle. Ses Poissons, coquillages et crustacés sont attendus autour de 9 000 €. Avec le Portrait d’homme à la collerette de dentelle, attribué à Frans Pourbus le Jeune, on touche au genre raffiné du portrait tel qu’il fut pratiqué au début du XVIIe siècle par cet artiste flamand, issu d’une dynastie de peintres qui choisit de vivre et de travailler à la cour de France. Au dos, une mention à l’encre indique le nom du «Duc de Maïenne/frère du duc de Guise». Comptez 15 000/20 000 € pour décrocher ce charmant tableau sur cuivre. Avec le peintre Peter Verelst, nous sommes en Joyeuse compagnie ; la toile, datée 1665, est attendue entre 15 000/20 000 €. On s’attardera davantage sur Un cabinet d’amateur d’une école flamande du XVIIe, de l’atelier de David Teniers le Jeune. Il s’agit d’une reprise d’une composition du maître, conservée au Barnard Castle de Duhram, précise le catalogue de ventes. Le tableau (voir photo page 70) plonge l’amateur que nous sommes dans le cercle raffiné des cabinets du XVIIe siècle, avec ces peintures présentées cadre à cadre. Ici, presque chaque tableau livre le nom de son auteur. Au premier rang, nous pouvons ainsi admirer les œuvres de Rubens, du paysagiste Momper ou de Jan Bruegel. Avant de quitter cette section peinture, signalons la paire de toiles sur le thème de la chasse de Jan Peter Verdussen (20 00/30 000 €), ainsi que le Siège d’une ville fortifiée (8 000/
10 000 €), attribué à Jan Van Bunnik, peintre dont les œuvres demeurent confidentielles sur le marché.
Le chapitre consacré aux objets d’art et au mobilier s’ouvrira quant à lui sur un ensemble de pièces chinoises des XVIIe, XVIIIe et XIXe siècles. On retiendra surtout la présence d’une belle coupe libatoire en corne de rhinocéros prenant la forme du lotus, sculptée à l’intérieur d’une grenouille et d’un crabe (20 000/25 000 €). Les meubles, en bon nombre, comptent divers modèles de commodes, de fauteuils et autres tables. Pour une commode en acajou nantaise ou bordelaise d’époque Louis XV, prévoyez de 10 000 à 15 000 €. Un peu moins pour la suite de quatre cabriolets en hêtre richement sculpté dont un fauteuil porte l’estampille de Letellier, reçu maître en 1767 (9 000/10 000 €). Le mobilier de salon un canapé et quatre fauteuils à l’estampille de Jullien, d’époque Louis XVI est attendu entre 8 000 et 10 000 €. Provenant de l’ancienne collection Mame de Tours, il aurait fait partie du mobilier de Chanteloup. On s’intéressera aussi au mobilier italien, bien représenté grâce à une paire de consoles XVIIIe en bois mouluré et sculpté, à plateaux de marbre campan rubané (30 000/40 000 €). Quant au XIXe, particulièrement apprécié des amateurs ces dernières années, il sera représenté par un important cartel de style Louis XIV, à décor de placage d’écaille brune marqueté en feuilles, dont le cadran est signé Thuret à Paris (6 000/8 000 €). La paire de gaines de style Louis XIV, en placage d’ébène à décor de cuivre et d’étain, porte pour sa part l’estampille d’un ébéniste fameux, Cremer (20 000/30 000 €). On considérera tout particulièrement le buste en marbre blanc de l’empereur Napoléon par Antonio Canova. Provenance probable : collection de Louis Bonaparte, roi de Hollande (20 000/25 000 €). Avant de refermer cette vente, sachez qu’à la rubrique porcelaine vous aurez aussi un grand choix de pièces, notamment un service chinois de la Compagnie des Indes à décor d’émaux de la famille rose et orné d’armoiries françaises, deux lévriers surmontés de la devise «nigra sum sed». Estimé 10 000/15 000 €, l’ensemble comprend en outre 26 assiettes, un bouillon et une partie de service à thé. |
Neuilly-sur-Seine, mardi 9 juin.
Claude Aguttes SVV. Cabinet Dillée.
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Alexandre Konstantin Korovine (1861-1939), Le Pêcheur et son canot, 1913, huile sur toile, signée en cyrillique, 73 x 93 cm.
Estimation :
400 000/500 000 €.
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L’impressionnisme selon Korovine |
Si le nom de Konstantin Korovine revient régulièrement depuis quelques années à l’occasion des ventes de peinture russe, ses œuvres du début des années 1910 restent en revanche plus rares, à l’image du Pêcheur et son canot. Cadrage audacieux, touche vive et puissante, palette brillante, ce tableau se distingue des vues de boulevards parisiens bien connues des amateurs, représentées d’ailleurs lors de cette même vente avec Le Café d’Angleterre sur les Grands Boulevards, Paris. Cette toile, estimée 250 000/300 000 €, date a priori de la période suivant son installation définitive à Paris, en 1923. Korovine fait partie de cette génération d’artistes russes de la fin du XIXe siècle qui, sous l’influence de l’impressionnisme, se sont détachés de la veine réaliste des peintres «ambulants» pour s’orienter vers un style plus libre et moderne. Né à Moscou en 1861, il effectue ses études à l’école de peinture, de sculpture et d’architecture de la ville, sous la direction de Savrassov puis de Polénov. Il sera également diplômé des Beaux-Arts de Saint-Pétersbourg en 1882. Rapidement, ses paysages adoptent une touche impressionniste, transcrivant à merveille les variations de lumière et d’atmosphère. Ce changement de style est motivé par plusieurs voyages en France en 1886, 1892 et 1893. À l’occasion de l’Exposition universelle de 1900, en charge de la décoration du pavillon russe, il reçoit la médaille d’or. Comme nombre de ses compatriotes, Korovine participe dès lors amplement à l’émergence du théâtre russe, notamment dans le cadre des théâtres impériaux et du Bolchoï, pour lesquels il réalisera une multitude de décors. C’est dans ce contexte qu’il rencontre le chanteur d’opéra Fédor Chaliapine, qui sera son ami durant plus de trente ans. Il fera de lui un portrait magnifique, l’une de ses œuvres les plus célèbres, conservé aujourd’hui au musée de Saint-Pétersbourg. Datée de 1911, cette toile réalisée à Vichy lors d’un séjour du chanteur dans la ville thermale présente des caractéristiques assez proches de notre tableau. Une même palette claire, une grande attention portée à la nature et une liberté, tant par la composition que par la touche. À cette époque, le peintre vit à Moscou où il enseigne à l’école des Beaux-Arts et effectue de nombreux voyages à l’étranger. Il passe ses étés en famille à Gurzuf, dans sa villa baptisée «Salambo». Devenue au fil des ans un lieu incontournable pour les artistes et intellectuels russes, parmi lesquels Gorky, Répine et Surikov, cette villégiature sert certainement de cadre à la réalisation de notre tableau, daté de 1913. D’après l’étiquette au dos de la toile, il fut présenté à l’Exposition baltique de Malmö l’année suivante. Le premier d’une longue séries hommages... |
Senlis, jeudi 11 juin.
Hôtel des ventes de Senlis SVV. M. Chanoit. |
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France, Bourgogne, Dijon, vers 1560. Deux termes d’entrée royale, bois de noyer, 196 x 38 cm.
Estimation : 200 000/300 000 €.
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Entrée royale pour la Haute Époque |
Bienvenue en Haute Époque», semblent nous dire ces termes d’entrée royale. Nos deux acolytes sont les figures rêvées pour illustrer la Renaissance française. D’une facture parfaite, taillés dans un seul tronc de noyer, ils affichent une virtuosité rare. Moulés dans des plastrons qui épousent leur puissante musculature, ces atlantes présentent des bras réduits à des cornes de bélier et des jambes en forme de gaine où s’enroulent des branches d’olivier, sur une base de feuilles d’acanthe. Ils soutiennent, au-dessus de leur tête, des corbeilles garnies de cornes d’abondance, de fleurs et de fruits. Leur pose hiératique affiche toute leur détermination. Métaphores des deux âges de la vie : le plus jeune possède une barbe courte et des cheveux serrés dans un casque de cuir, celui d’âge mûr arbore une chevelure et une barbe longues, plus libres, des chairs plus affaissées. Derrière cette perfection technique se cache assurément un artiste de génie. Et, puisqu’il s’agit d’avancer le nom d’un sculpteur français du XVIe siècle capable de réaliser un tel chef-d’œuvre, on pense immédiatement à Hugues Sambin. Ce Dijonnais apprend son métier auprès des plus grands, à la cour de François Ier à Fontainebleau, mais peut-être aussi en Italie, avant d’obtenir sa maîtrise en 1547. Lors de son retour en Bourgogne, il épouse la fille de Jean Boudrillet, à la tête d’un atelier de menuiserie dont il prendra la succession. En pleine Renaissance française, Sambin souscrit à la mode du retour à l’ordre antique ; les termes deviennent l’une de ses spécialités. Pour preuve, les trente-six figures dessinées dans son recueil, Œuvre de la diversité des termes dont on use en architecture, publié à Lyon en 1572, mais aussi l’armoire du château de Thoisy-la-Berchère conservée aujourd’hui au musée d’Écouen. Vous l’aurez compris, l’attribution de nos deux messieurs à ce sculpteur hors pair est tentante ! Mais restons sur le mode conditionnel avec une autre énigme posée par ces acanthes : leur fonction. S’ils ne semblent pas destinés à orner une armoire taillés en ronde-bosse, ils pourraient être conçus pour se présenter l’un devant l’autre , le personnage plus âgé paraît devoir s’adosser à une paroi, tandis que le plus jeune peut se laisser admirer sous tous les angles. L’hypothèse avancée par l’expert ? Le décor d’une entrée royale. Pour étayer cette thèse, sachez qu’Hugues Sambin fut, à de nombreuses reprises, chargé de la conception et de la réalisation de ces grands projets à la cour des ducs de Bourgogne, notamment des entrées des rois de France Henri II en 1548 et Charles IX en 1564. Les différentes figures de cariatides sont l’un des ornements favoris de ces ouvrages. Ainsi nos termes devaient-ils se trouver en pendant de deux autres figures, probablement féminines, pour encadrer solennellement une entrée... royale ! Si la Renaissance française est donc merveilleusement représentée lors de cette vente un meuble à deux corps en retrait, provenant des ateliers burgondo-lyonnais du XVIe siècle, orné de riches sculptures en bas relief et de termes en haut relief, est également proposé (60 000/80 000 €) , les réalisations du Moyen Âge ouvrent ce défilé Haute Époque. Nous commencerons ainsi avec la margelle d’un puits médiéval de la France méridionale des XIIe-XIIIe siècles à décor de scènes historiées (15 000/20 000 €), avant de poursuivre avec un dressoir gothique français de la ville de Brou, daté du premier quart du XVIe siècle (40 000/50 000 €). Le dressoir est l’un des meubles emblématiques de la période. Dérivé du coffre, premier meuble réalisé par les huchiers au XIIIe siècle, il est juché sur un solide piètement et s’ouvre à deux abattants. Quant au décor, il s’inspire du style flamboyant de l’architecture gothique alors en vogue, reprenant notamment ses motifs d’entrelacs et ses croix tréflées. Ces meubles peuvent présenter une riche ornementation inspirée de l’architecture, à l’image d’un coffre d’apparat réalisé en Normandie à la fin du XVe ou au début du XVIe siècle (50 000/60 000 €). Aux proportions parfaites et à la façade divisée en cinq croisées, il présente quatre arcs en tiers point rapporté ornés d’un réseau de quatre-feuilles, soufflets et mouchettes surmontant des lancettes. Au centre, une scène historiée illustre le Couronnement de la Vierge et le Mystère de la Trinité. Au fil du temps, le mobilier évolue vers des modèles plus modernes, libérés des conceptions architecturales. On pourra ainsi convoiter une armoire dressoir provenant du Comtat Venaissin du début du XVIIe, au décor incrusté et marqueté de feuillages et de bouquets fleuris, mais aussi d’une scène de ville portuaire (60 000/80 000 €). Un dressoir du XVIe siècle à perspective monogrammé d’Italie du Nord en noyer blond, d’une grande originalité, est attendu à 60 000 € (voir photo page de droite). Concluons pour le mobilier avec une suite de quatre ployants torsadés Louis XIII (60 000/80 000 €) et une rare paire de bancs de palais espagnols du XVIe en noyer, fer forgé et gainage de cuir, dont le dossier peut se replier selon le rang du personnage invité à s’asseoir (80 000/120 000 €). La sculpture, avec une Vierge lorraine du XIVe siècle en pierre (60 000/80 000 €), les arts décoratifs, avec une crosse d’évêque limougeaude du début du XIIIe siècle en cuivre doré, turquoises et verre, ornée d’une scène d’Annonciation (60 000/80 000 €) ainsi qu’un grand lustre hollandais du XVIIe en bronze, haut de 1,35 m (100 000/120 000 €), seront également illustrés. Un programme décidément royal ! |
Lyon, samedi 6 juin.
Claude Aguttes SVV. M. Perrier. |
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François Rémond (1747-1812), Paire de porte-torchères, bronze patiné et doré, marbre bleu Turquin, époque Louis XVI, h. 72 cm.
Estimation : 80 000/100 000 €.
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Pleins feux sur Rémond |
François Rémond figure parmi les grands instigateurs du style Louis XVI dans les années 1770. Son classicisme raffiné se traduit par la présence de figures à l’antique, mais aussi d’ornements et arabesques inspirés de la nature, comme en témoigne notre paire de porte-torchères, des femmes drapées tenant des corbeilles de fleurs. Rémond aurait exercé entre 1774 date de son accession à la maîtrise de doreur-ciseleur et 1806. Son atelier était extrêmement prospère, fournissant les marchands-merciers parisiens Daguerre et Lignereux, les ébénistes Roentgen et Riesener, le ciseleur Gouthière, ou encore l’horloger Lepaute. Il collabora aussi avec des sculpteurs renommés, tels Boizot ou Foucou. Notre bronzier participa en outre à des commandes destinées au comte d’Artois, le futur Charles X, au comte de Soubise et aux ducs d’Orléans ou de Penthièvre. Pour la princesse Kinsky, il réalisera en 1785 une paire de porte-torchères comparable à la nôtre, destinée à son salon de musique. François Rémond est à l’origine de nombreux modèles de luminaires, dont certains sont aujourd’hui conservés au Louvre. La profusion des commandes, liée à la vogue des bronzes antiques, explique son intense production. Nymphes et satyres ornent les lumières du comte d’Artois au Temple et à Versailles, tandis qu’un couple de faune et de faunesse embellissent les candélabres de l’impératrice à Fontainebleau. Certains de ses modèles furent produits durant vingt années... Un succès qui ne se dément pas. |
La Neuville-sur-Ressons, dimanche 7 juin.
Marc-Arthur Kohn SVV. M. Kalfon. |
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Zao Wou-ki (né en 1921) Composition, toile signée en bas à droite, contresignée et datée au verso «11.2.67», 73 x 60 cm.
Estimation : 100 000 €.
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Big-bang chinois |
D’aucuns n’aiment pas la peinture abstraite et prétendent ne pas la comprendre. Mais face à une toile de Zao Wou-ki, nul besoin d’analyser, il suffit de ressentir. L’artiste explique lui-même sa manière d’aborder l’art, en ces termes : «Les gens croient que la peinture et l’écriture consistent à reproduire les formes et la ressemblance. Non, le pinceau sert à faire sortir les choses du chaos.» Zao Wou-ki est bien un artiste à part, à la frontière entre deux cultures. Né à Pékin en 1921, il débute très tôt sa formation aux beaux-arts d’Hangzhou, où il apprend tant la peinture traditionnelle chinoise que les techniques occidentales. Âgé d’à peine 20 ans, il expose à Shanghai des toiles à la manière d’un Picasso, et poursuit sa carrière en Chine comme professeur de dessin. Mais Zao Wou-ki a d’autres ambitions. En 1948, il s’embarque pour Marseille puis monte à Paris. Il suit alors des cours à l’académie de la Grande Chaumière et arpente les musées. Malgré la barrière de la langue, il se lie avec Soulages, Atlan, Wols ou Mathieu. Cette période est propice aux révolutions artistiques avec, en septembre 1947, la naissance officielle de l’abstraction lyrique, menée par Hans Hartung, Georges Mathieu et Gérard Schneider, lors du IIe Salon des réalités nouvelles de Paris. Autre rencontre qui sera essentielle pour notre artiste, celle d’Henri Michaux. Ce dernier jouera un rôle majeur dans la carrière du jeune peintre en lui présentant le marchand Pierre Loeb. Zao Wou-ki poursuit ses voyages, en Espagne, en Hollande, en Angleterre, notamment en compagnie de Soulages avec lequel il réalisera un véritable tour du monde, puis dans l’Amérique de l’action painting. Marqué par Cézanne, Klee et tous les courants abstraits, notre artiste adopte rapidement une écriture toute personnelle, puisant aux sources de sa propre culture. À la fin des années 1940, il commence à utiliser des signes calligraphiques ancestraux. Dans les croyances chinoises, le signe est la trace primordiale du Créateur, il incarne les souffles vitaux qui animent le monde. En peignant, Zao Wou-ki s’investit dans l’univers. Il crée un espace de vie, dans lequel il met en scène le dialogue entre le visible et l’invisible, l’harmonie entre le vide et le plein, le yin et le yang. L’artiste invite à un cheminement symbolique, à la découverte de l’univers et de soi-même. Ces signes peu à peu disparaîtront, faisant place à des toiles totalement abstraites comme le Vent de 1954, conservée au musée Georges Pompidou, ou la nôtre. Elle date de 1967, période de rare création pour le peintre qui correspond à la maladie de son épouse. La surface de la toile se transforme alors en espace animé de taches, de traits, d’éraflures et de reliefs, le tout emporté par un effet de tourbillon, les nuances des couleurs faisant référence aux variations atmosphériques. Lorsqu’on regarde une œuvre de Zao Wou-ki, on assiste à un évènement cosmique majeur, on devient le spectateur privilégié d’une nature sans cesse en mutation. |
Cheverny, lundi 8 juin.
Ventes aux Enchères Vendôme Cheverny Paris SVV.
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